Un Internet en morceaux ? Fragmentation d’Internet et stratégies de la Chine, la Russie, l’Inde et l’Union européenne

De la pandémie de Covid-19 aux ramifications de l’invasion russe de l’Ukraine, l’actualité technologique réveille le spectre d’une fragmentation accélérée de l’Internet global.

La « fragmentation » d’Internet est l’idée d’un émiettement du réseau des réseaux, voire de la sécession de certaines parties d’Internet. Elle décrit la segmentation du réseau global et sa tendance à sa régionalisation. Cette étude examine la manière dont les principales puissances, à travers leurs politiques nationales et étrangères, sont susceptibles d’accélérer, volontairement ou non, cette fragmentation. Le rôle des acteurs privés, notamment les grandes plateformes du numérique, doit également être considéré.
L’étude analyse, d’abord, les différents types de fragmentation : technique, (géo)politique et commerciale. La fragmentation technique résulte de décisions qui, délibérément ou non, de façon permanente ou temporaire, rompent ou limitent la connectivité numérique entre une partie d’Internet et le reste du réseau. Les propositions de protocoles et standards alternatifs à ceux déjà utilisés à l’échelle mondiale rentrent dans cette catégorie. La fragmentation (géo)politique découle quant à elle de pratiques diverses : localisation des données, coupures volontaires d’Internet, politique visant à exclure les entreprises chinoises de l’ensemble des couches d’Internet, et notamment des infrastructures de connectivité, etc. En parallèle, depuis les années 2010, se développe l’idée d’une fragmentation économique et commerciale, mue par des stratégies protectionnistes de la part des autorités nationales, le développement de logiques propriétaires et l’exploitation des données d’utilisateurs captifs par les grandes plateformes du numérique. En bâtissant leur propre infrastructure, les plateformes créent en quelque sorte leur propre réseau, tout en devenant la porte d’entrée principale vers l’Internet global.
L’étude souligne que si Internet a longtemps été présenté par la diplomatie américaine comme une infrastructure globale afin de défendre ses propres intérêts, l’instrumentalisation de son ossature, privatisée, représente désormais l’un des déterminants-clés des dynamiques de « fragmentation ». Elle examine ensuite les politiques menées par la Chine, la Russie, l’Inde et l’Union européenne, dont les initiatives, mues par des ambitions très diverses, sont également porteuses de reconfigurations d’Internet. Celles-ci sont en effet multiples et reflètent les visions distinctes du capitalisme numérique portées par ces acteurs étatiques.
Cette étude est également disponible en anglais.
Pour aller plus loin, écouter le podcast "Le monde selon l'Ifri".
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