Dans un contexte géostratégique bouleversé, le premier vol opérationnel d’Ariane 6 qui a mis en orbite un satellite militaire représente un soulagement pour l’Europe spatiale, dont le modèle a été fortement remis en cause au cours des dernières années.

Le « modèle spatial » désigne l’ensemble des principes, stratégies, structures institutionnelles et industrielles qui guident le développement des activités spatiales. Il reflète une approche spécifique, façonnée par l’histoire politique, économique et scientifique, ainsi que par les ambitions des États ou institutions supranationales dans un contexte international en constante évolution. Le modèle spatial européen s’est ainsi développé selon des stratégies bien différentes d’autres puissances spatiales comme les États-Unis ou la Russie.

Ce modèle original a largement fait ses preuves en six décennies d’existence, dessinant les contours d’une politique spatiale axée sur les développements civils et reposant sur trois piliers principaux que sont la science, la coopération et le commerce. Les réalisations européennes dans le domaine spatial ont ainsi permis au continent de devenir une des plus grandes puissances spatiales du monde et de disposer d’un secteur dynamique et innovant.

Les événements récents ont cependant contribué à éroder ces trois piliers. Les évolutions du contexte international ont remis en cause des efforts de coopération établis de longue date. Dans le domaine commercial, l’émergence du New Space a durement touché l’industrie européenne, déclenchant une crise profonde qui dure encore aujourd’hui. Les efforts scientifiques pâtissent également de ces deux tendances et souffrent de l’affaiblissement du multilatéralisme autour des questions climatiques.

Au lendemain de décisions brutales prises par l’administration Trump concernant le soutien à l’Ukraine, la question de la mise en place d’un quatrième pilier spatial orienté vers la défense du continent européen doit être posée. Une telle initiative permettrait de répondre à l’urgence existentielle provoquée par le désengagement américain face à la menace russe, et à plus long terme de se prémunir contre une dépendance trop importante à un partenaire versatile. Cette ambition permettrait de rééquilibrer le modèle spatial européen et de renforcer ses fondations historiques.