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Starship, une rupture pour le secteur spatial ?

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Starship, une rupture pour le secteur spatial?
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Après deux échecs en avril et novembre 2023, Space X a de nouveau lancé en mars 2024 le Starship, un nouveau lanceur dont l’ambition ultime est de faciliter les voyages interplanétaires. Ce troisième vol de test a permis de valider plus d’étapes que les vols précédents, mais n’a pas rempli tous ses objectifs.

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SpaceX lance le Starship de la base stellaire (Starbase) à Boca Chica au Texas, le 18 novembre 2023.
SpaceX lance le Starship de la base stellaire (Starbase) à Boca Chica au Texas, le 18 novembre 2023.
Joe Marino/UPI/Shutterstock
starship; espace
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Le Starship est le lanceur le plus haut, le plus lourd et le plus puissant du monde. Il devrait être intégralement réutilisable, les deux étages de la fusée étant conçus pour être récupérés et relancés plusieurs fois. La conception du Starship est entièrement nouvelle par rapport aux lanceurs traditionnels. Ce vaisseau spatial multifonction pourrait être utilisé pour une grande variété de missions, allant des lancements de satellites aux missions vers la Lune et Mars.

Des caractéristiques techniques innovantes

Le Starship est un véhicule à deux étages : le vaisseau, qui constitue l’étage supérieur, est équipé de moteurs-fusées et embarque une charge utile à son sommet. Ce vaisseau est propulsé par un premier étage appelé Super Heavy, équipé de 33 moteurs-fusées. Les deux étages font le même diamètre, sont construits en acier inoxydable et utilisent le même moteur Raptor conçu par Space X, aujourd’hui le moteur-fusée le plus puissant du monde.

L’exploitation d’un tel lanceur pose de nombreux défis. Pour atteindre des destinations lointaines, le Starship devra être ravitaillé en orbite, une manœuvre d’un nouveau type qui pourrait se révéler très complexe. Des tests ont révélé la difficulté de l’atterrissage, ainsi qu’un manque de fiabilité des moteurs Raptor. Le premier décollage a été marqué par de nombreux problèmes techniques et a abîmé les infrastructures de lancement. Il a de plus impacté l’environnement local, ce qui a eu pour effet de retarder le deuxième vol, le temps pour les autorités administratives américaines de conclure leur enquête. Le second vol s’est mieux déroulé, mais le vaisseau comme le premier étage ont tout de même été détruits après quelques minutes de vol. Le troisième vol a prouvé que le Starship était capable d’atteindre l’espace, bien que le choix eût été fait de ne pas placer le vaisseau sur une orbite stable.

Une nouvelle méthode de mise au point : le « développement itératif »

La plupart des développements spatiaux suivent un cahier des charges précis issu d’une phase de conception poussée. Dans le cas des lanceurs spatiaux, cette longue phase préparatoire aboutit généralement à un succès dès le premier tir. Le lanceur des missions Apollo (Saturn V) et le nouveau lanceur de la NASA (SLS) pour les missions lunaires ont été conçus de cette manière. Cette méthode a cependant l’inconvénient d’être longue, la tolérance pour les défauts étant quasiment nulle. Elle peut également aboutir à des « surqualifications », une qualité supérieure à ce qui est nécessaire pour accomplir la mission. Ainsi, le rover martien Opportunity, conçu pour survivre 3 mois sur Mars, a fonctionné pendant 15 ans. Ce degré de fiabilité contribue à la réputation du domaine spatial, mais également à son coût élevé.

Space X a adopté pour la mise au point du Starship une méthode très différente de celle traditionnellement employée pour les développements spatiaux, qualifiée de « développement itératif » (iterative design). Elle consiste à réduire la phase de conception pour aboutir très rapidement à un prototype, qui est ensuite testé en vol. L’échec est attendu et accepté, les leçons des vols précédents nourrissant la réflexion sur la conception du lanceur. Ce type de développement brouille la frontière entre succès et échec, la progression étant généralement considérée comme plus importante que la réussite de toutes les phases du test.

La comparaison entre le développement du lanceur lunaire de la NASA et le Starship illustre bien la différence dans la méthode employée. Le développement du SLS a débuté en 2011 et son premier vol a été couronné de succès en 2022. Le développement du Starship a démarré en 2016 et les premiers vols ont eu lieu en 2019. À l’heure actuelle, les prototypes du Starship ont volé 14 fois dans des configurations diverses, du petit vol de quelques mètres jusqu’aux trajectoires quasiment orbitales. Sept de ces tests se sont achevés par la destruction totale du prototype, et à l’heure actuelle le Starship n’est pas encore opérationnel.

Le développement itératif possède de nombreuses vertus et Space X a utilisé cette méthode avec succès par le passé, notamment pour la mise au point de ses lanceurs réutilisables, Falcon 9 et Falcon Heavy. Il ne comporte cependant pas que des avantages. Il requiert la capacité de produire un grand nombre de prototypes, engendrant des besoins en capitaux importants. Il nécessite une tolérance au risque de la part de l’entreprise, mais également des autorités administratives chargées d’autoriser des tests parfois dangereux pour les personnes ou l’environnement. Il met également en lumière une différence entre les développements menés par des acteurs privés et ceux conduits par la puissance publique : si les entreprises peuvent chercher l’accord de leurs actionnaires en expliquant leurs méthodes, les agences spatiales publiques auraient plus de difficulté à justifier des tests (parfois explosifs) auprès des contribuables.

Une rupture pour l’économie spatiale ?

À terme, Elon Musk estime qu’un lancement de Starship pourrait coûter environ 2 millions de dollars. Si ces prévisions se réalisent, le coût par kilogramme envoyé en orbite sera extrêmement compétitif par rapport à tous les autres lanceurs du monde. Le Starship pourrait ainsi dominer le marché spatial commercial. Pour la plupart des puissances telles que la Chine ou la Russie, une telle concurrence ne menacerait pas leurs capacités nationales de lancement, celles-ci servant principalement des besoins gouvernementaux et donc souverains. L’Europe, cependant, pourrait être significativement affectée par le Starship. La capacité de lancement autonome européenne dépend fortement de la performance commerciale des lanceurs Ariane et risquerait donc d’être compromise. Le récent sommet de l’agence spatiale européenne, qui s’est tenu à Séville en novembre 2023, a toutefois révélé une Europe unie face à ces nouveaux défis.

À long terme, les capacités de ce nouveau lanceur sont susceptibles de changer la manière dont les satellites eux-mêmes sont conçus et produits. Les innovations du Starship pourraient rendre viables des concepts de grands satellites peu optimisés mais peu chers à produire. C’est par exemple l’objectif d’une start-up américaine, K2 Space. En cas de succès et si le prix annoncé est respecté, le Starship pourrait modifier profondément toute la chaîne de valeur du spatial.

Un rôle structurant dans le programme lunaire

Ces évolutions ne se manifesteront pas avant plusieurs années. D’abord parce que le développement du Starship, malgré son apparente rapidité, a pris du retard. Ensuite parce que ce vaisseau devra avant tout être utilisé comme atterrisseur pour le programme Artemis de la NASA, la première mission sur le sol lunaire étant prévue en 2026. La Lune est donc la priorité pour le Starship et Space X devra accélérer fortement son calendrier de test. Le contrat qui lie Space X à la NASA, d’une valeur de près de 3 milliards de dollars, dépend du respect de cette échéance.

Il faut également noter que l’Europe participe au programme lunaire mené par les Américains. On pourrait donc voir, d’ici quelques années, un astronaute européen se poser sur la Lune aux commandes d’un Starship.

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ISBN / ISSN

979-10-373-0848-1

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Paul WOHRER

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Arme Robot Authentique Moderne De Haute Technologie
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Intelligence artificielle (IA), 5G, cybersécurité, robotique, semi-conducteurs, spatial… Les technologies, notamment numériques, affectent aujourd’hui profondément l’ensemble des activités humaines et, par extension, des relations internationales. Les enjeux politiques, stratégiques, économiques et sociaux qui en découlent se manifestent à des échelles politiques multiples où se mêlent États, organisations internationales et entreprises privées. Les dynamiques de concurrence et de coopération internationales s’en trouvent transformées. C’est pour répondre à ces enjeux que l’Ifri lance à l’automne 2020 le Centre géopolitique des technologies, proposant une approche résolument européenne des enjeux internationaux liés aux technologies dites critiques.

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Navire spatial russe sur orbite de la planète Terre, Vue depuis la gare ISS
Programme Espace
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Le thème de l’espace s’impose dans les activités de recherche des principaux think tanks dans le monde en raison de l’importance des enjeux stratégiques, économiques et technologiques qui s’y rattachent.

L’Ifri a intégré la thématique spatiale dans ses travaux depuis 2001, en veillant notamment à souligner la dimension politique des programmes d’exploration scientifique et habitée, et en accompagnant les réflexions relatives au Code de bonne conduite dans l’espace.

Dans le cadre de son agenda de recherche, l’Ifri mobilise aujourd’hui plusieurs de ses centres et programmes pour traiter le thème de l’espace de façon transversale, à travers trois entrées principales : la compétition des puissances, tirée par la rivalité sino-américaine ; les points critiques liés à la maîtrise de l’espace, tels que la question de l’accès autonome à l’espace ou encore les méga-constellations nécessaires à la révolution numérique ; les enjeux de ces évolutions pour l’Europe et son statut de puissance spatiale.

Depuis l’été 2020, l’Ifri assure la coordination d’une initiative tripartite sur la gouvernance spatiale européenne, en association avec deux autres think tanks européens de référence : l’Institut français des relations internationales (Ifri) en France, la Deutsche Gesellschaft für Auswärtige Politik (DGAP) en Allemagne et l’Istituto Affari Internazionali (IAI) en Italie.

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