Rechercher sur Ifri.org

À propos de l'Ifri

Recherches fréquentes

Suggestions

Le retour de la haute intensité en Ukraine : quels enseignements pour les forces terrestres ?

Études
|
Date de publication
|
Référence taxonomie collections
Focus Stratégique
Image de couverture de la publication
focus_111_couv_page_1.png
Accroche

Après vingt ans de contre-terrorisme, le champ de bataille ukrainien marque le renouveau de la guerre dite de « haute intensité ». Il constitue un tournant stratégique majeur, renversant le modèle contemporain des guerres impliquant l’Occident.

Image principale
Un char ukrainien détruit encerclé par des maisons détruites dans la banlieue de Tchernihiv
Un char ukrainien détruit encerclé par des maisons détruites dans la banlieue de Tchernihiv
© Mikhail Palinchak/Shutterstock
Corps analyses

Cette invasion massive d’un pays par une puissante armée conventionnelle se joue en grande partie au sol. Elle éclaire la réflexion sur la préparation des forces terrestres à une hypothèse d’engagement majeur. Pour les Ukrainiens, la guerre correspond à un conflit de haute intensité à la fois politique, car il met en jeu leurs intérêts vitaux et capacitaires, mobilisant l’ensemble de leurs moyens militaires. Pour la Russie, la haute intensité est en revanche davantage capacitaire que politique.

Ce conflit se déroule selon le mode d’une guerre linéaire marquée par un « retour » du front, phénomène devenu relativement rare, quoique déjà résurgent en Syrie et en Irak. Comme sur ces théâtres, la guerre d’Ukraine confirme que les villes demeurent les espaces prioritaires, justifiant les efforts portés par l’armée de Terre à l’entraînement sur ce milieu. La guerre urbaine requiert des capacités matérielles élevées en termes de feux, d’effectifs et de logistique mais aussi de forces morales. Le conflit ukrainien rappelle à cet égard la place occupée par la population, mobilisée en soutien de l’appareil de défense. Le taux d’attrition élevé pose la question des pertes humaines et du « seuil de tolérance » si la France venait à être engagée sur des champs de bataille avec une létalité similaire.

Les caractéristiques de la haute intensité ont un impact sur toutes les fonctions opérationnelles.

  • Le premier enjeu relève du renseignement militaire. La diffusion et l’exploitation d’informations OSINT (Open Source Intelligence), l’utilisation de caméra de vidéosurveillance et de mini-drones civils sont autant d’innovations ayant pu être exploitées dans le domaine militaire.
  • La maîtrise de la manoeuvre interarmes est décisive dans le cadre de cet engagement, avec en son centre le segment lourd, devenu le symbole de la haute intensité. Face au retour d’un adversaire significatif sur le plan aérien et à l’étendue du spectre des menaces évoluant en basse couche (drones, hélicoptères, missiles, munitions rodeuses, feux indirects), la réduction des capacités de défense sol-air de l’armée de Terre représente une vulnérabilité.
  • Pour réussir la manoeuvre, un C2 efficace et agile est essentiel. L’expérience ukrainienne montre que la résilience du C2 d’une composante aéroterrestre dépend d’une organisation pensée pour déléguer au maximum l’exécution aux niveaux opératif et tactique. Dès lors, l’intégration des effets des autres milieux et champs doit pouvoir être envisagé jusqu’aux plus bas échelons.
  • Enfin, l’exemple ukrainien rappelle opportunément la place des champs immatériels en haute intensité. L’accès pérenne à un internet mobile au plus près du champ de bataille et dans toute la profondeur s’est à ce titre révélé un atout essentiel en matière de guerre informationnelle. 

Le conflit ukrainien et ses répercussions sur la stabilité stratégique en Europe mettent en lumière la part des forces terrestres pour « gagner la guerre avant la guerre ». Elle implique un réinvestissement des fonctions « dissuasion » mais aussi « prévention » au travers de signalements stratégiques comme la participation à la réassurance du flanc est de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). Chaque exercice militaire doit être pensé comme l’affichage d’une volonté. Pour davantage de crédibilité, il convient de maintenir un haut niveau d’aguerrissement des forces. Disposant d’une expérience opérationnelle unique parmi les armées européennes en la matière, la France doit investir pleinement dans les structures militaires de l’OTAN et de l’Union européenne (UE).

Ce signalement s’incarne aussi dans les actions de préparation des forces étrangères au travers des Partenariats militaires opérationnels (PMO). Dans certains contextes politiquement sensibles les forces spéciales peuvent jouer un rôle unique pour mettre en oeuvre de façon discrète ce type de partenariats.

Il est indispensable de garantir une liberté d’action par une masse suffisante. Les livraisons d’armes à l’Ukraine posent dans cette perspective trois questions : l’impact de l’envoi de matériels en service comme les Caesar sur l’ordre de bataille français ; les possibles transferts de technologie liés à la livraison d’équipements modernes ; le contrôle et le suivi ex-post de ces livraisons d’armes.

Enfin, la triple surprise de l’offensive russe, de la résistance ukrainienne et de l’ampleur de la réaction internationale témoigne de la nécessité de s’approprier la rationalité de l’adversaire et de la difficulté à anticiper ses réactions. Agir en stratège face aux compétiteurs systémiques passe par des efforts soutenus dans le domaine de la « connaissance et anticipation. »

 

Decoration

Contenu aussi disponible en :

ISBN / ISSN

979-10-373-0572-5

Partager

Téléchargez l'analyse complète

Cette page ne contient qu'un résumé de notre travail. Si vous souhaitez avoir accès à toutes les informations de notre recherche sur le sujet, vous pouvez télécharger la version complète au format PDF.

Le retour de la haute intensité en Ukraine : quels enseignements pour les forces terrestres ?

Decoration
Auteur(s)
Image principale
Un soldat contemplant un coucher de soleil sur un véhicule blindé de combat d’infanterie
Centre des études de sécurité
Accroche centre

Héritier d’une tradition remontant à la fondation de l’Ifri, le Centre des études de sécurité de l'Ifri fournit aux décideurs publics et privés ainsi qu’au grand public les clefs de compréhension des rapports de force et des modes de conflictualité contemporains et à venir. Par son positionnement à la jointure du politique et de l’opérationnel, la crédibilité de son équipe civilo-militaire et la diffusion large de ses publications en français et en anglais, le Centre des études de sécurité constitue dans le paysage français des think tanks un pôle unique de recherche et d’influence sur le débat de défense national et international.

Image principale
Soldats français lors d’un exercice en forêt
Laboratoire de recherche sur la défense (LRD)
Accroche centre

Le Laboratoire de recherche sur la défense est un programme qui vise à stimuler le débat stratégique en traitant de sujets à la jointure du « technico-opérationnel » et du « politico-stratégique ». Structure unique en France, il associe des chercheurs civils à des « military fellows » issus de chacune des trois armées pour produire des travaux portant sur les politiques de défense, l’adaptation capacitaire et stratégique des armées, et de prospective sur les conflits de demain.

Image principale

Entre ambitions industrielles et contribution à l'OTAN, les défis de la European Sky Shield Initiative

Date de publication
11 octobre 2024
Accroche

La guerre en Ukraine et la reconnaissance de la Russie comme principale menace pour la sécurité européenne poussent les Alliés à réinvestir dans leur défense sol-air et antibalistique.

Image de couverture de la publication
Les mots, armes d'une nouvelle guerre ?

Les mots, armes d'une nouvelle guerre ?

Date de publication
01 octobre 2024
Accroche

Les Mots armes d’une nouvelle guerre rappelle une vérité souvent oubliée : les mots tuent. Ils préparent l’action militaire et lui donnent un sens. Alors que chaque événement retentit désormais dans le monde entier, répercuté de smartphone en smartphone ou d’ordinateur en ordinateur, tout acte de guerre tend à devenir un acte de communication, et inversement. Les états-majors l’ont aujourd’hui bien compris et se saisissent de cette guerre des récits faite d’armes immatérielles pour intimider des ennemis, rassurer ou galvaniser des opinions publiques chauffées à blanc par le flot d’images reçues sur les réseaux sociaux.

Image principale

Après la mort de Nasrallah, quelle stratégie régionale pour l’Iran ?

Date de publication
29 septembre 2024
Accroche

Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, a été tué dans une frappe israélienne à Beyrouth le 27 septembre. La milice et son dirigeant étaient considérés comme le fer de lance de l’Axe de la Résistance, cette coalition de groupes miliciens majoritairement chiites qui sont au coeur de la stratégie régionale de l’Iran. 

Image principale

Devenir secrétaire général de l'OTAN. Entre critères objectifs, coutumes et homogénéité

Date de publication
26 septembre 2024
Accroche

Après dix ans à la tête de l’OTAN de 2014 à 2024, un record de longévité dû au contexte particulier de la guerre en Ukraine, le Norvégien Jens Stoltenberg quitte ses fonctions de secrétaire général. Son successeur, choisi par les chefs d’État et de gouvernement des États membres, sera Mark Rutte, Premier ministre des Pays-Bas pendant près de quatorze ans. Cette nomination invite à questionner les critères et les logiques de sélection des secrétaires généraux, alors que de nombreuses études démontrent l’importance significative du secrétariat international et le rôle croissant du secrétaire général dans le fonctionnement interne de l’Alliance. 

Crédits image de la page
Un char ukrainien détruit encerclé par des maisons détruites dans la banlieue de Tchernihiv
© Mikhail Palinchak/Shutterstock

Comment citer cette étude ?

Image de couverture de la publication
focus_111_couv_page_1.png
Le retour de la haute intensité en Ukraine : quels enseignements pour les forces terrestres ?, de L'Ifri par
Copier
Image de couverture de la publication
focus_111_couv_page_1.png

Le retour de la haute intensité en Ukraine : quels enseignements pour les forces terrestres ?