L'approche territoriale intégrée (ATI). Espoirs et limites d'une stabilisation locale au Sahel
Depuis la chute du mur de Berlin puis les attentats du 11 septembre 2001, la multiplication des conflits locaux et la partition de certains États (Yougoslavie, Somalie) ont suscité des interventions extérieures, bilatérales ou multilatérales, dans lesquelles l’élément militaire s’est associé de manière novatrice à des actions civiles.
Elles émanaient comme par le passé de diplomates, mais aussi, d’une manière plus inattendue, de praticiens d’une aide au développement en pleine évolution. Un nouvel objectif sécuritaire croisait la vocation proclamée de lutte contre la pauvreté dans le monde, la disparition de la rivalité Est-Ouest lui ayant fait perdre son rôle originel d’instrument politique du camp occidental.
Après le lancement par la France de l’opération Serval au Mali le 11 janvier 2013, cette question de la convergence civile et militaire s’est posée avec une urgence et une acuité particulières au Sahel, dans le cadre d’une « lutte mondiale contre le terrorisme » (Global War on Terror-GWT)[1] que l’on pensait pouvoir gagner par des initiatives socio-économiques autant que par les armes. Sept ans plus tard, en soutien aux pays du G5 Sahel, groupe régional aujourd’hui disparu, une coalition internationale de donneurs d’aide, l’Alliance Sahel, a donc engagé dans ce cadre une stratégie novatrice d’« approche territoriale intégrée » (ATI). Elle devait s’appliquer à dix zones étroitement circonscrites mais réparties sur des espaces immenses[2], avec le lancement en partenariat des projets locaux de développement visant à promouvoir les conditions d’ensemble d’une paix durable.
Trop tard, trop peu, tel est le double constat venant d’emblée pour cette initiative novatrice issue du sommet franco-sahélien de Pau en 2020, car ses projets, sauf en Mauritanie comme on le verra, ont disparu avec « l’échec français – donc européen – au Sahel[3] », l’apparition de régimes militaires hostiles et l’implication de la Russie sur le terrain. Outre la mise en perspective d’un tel inachèvement, cette note explore la genèse et la raison d’être du lancement d’une stratégie qui s’inscrivait pourtant dans un vaste processus international de convergences de deux domaines bien distincts à l’origine, ceux de la sécurité et du développement, mais unis dans la poursuite d’une stabilité mondiale.
1. Sur ce concept et la contribution française au Sahel, voir B. Charbonneau, « The Durability of the Gendarme de l’Afrique: From Empire to Fighting Terrorism », in T. Chafer et M. A. Majumbar (dir.), Routledge Handbook of Francophone Africa, Londres/New York, Routledge, 2024, p. 57-70.
2. Environ 4 000 kilomètres séparent la côte mauritanienne de l’est du Tchad.
3. T. de Montbrial et D. David (dir.), Ramses 2023. L’Europe dans la guerre, Paris, Ifri/Dunod, 2022, p. 38.
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