Retour sur la "guerre contre le terrorisme" à la française
Cet article, publié trois ans après les attentats de novembre 2015, fait le point sur la "guerre contre le terrorisme" menée par la France.
En novembre 2018, les Français commémorent la fin d’une guerre et le début d’une autre. Il y a 100 ans, le 11 novembre 1918, le Président du Conseil, Georges Clemenceau, lisait à l’Assemblée nationale la convention d’armistice mettant fin à la Première Guerre puis rendait hommage aux "grands morts qui nous ont fait cette victoire". En quatre ans, environ 1,3 million de militaires sont "morts pour la France", soit plus de 800 par jour en moyenne, auxquels il faut ajouter entre 200 000 et 300 000 civils tués.
Près d’un siècle plus tard, le 16 novembre 2015, le Président de la République, François Hollande, s’est adressé aux députés et sénateurs réunis en Congrès à Versailles, entamant son discours par ces phrases : "La France est en guerre. Les actes commis vendredi soir à Paris et près du stade de France sont des actes de guerre. Ils ont fait au moins 129 morts et de nombreux blessés. Ils constituent une agression contre notre pays, contre ses valeurs, contre sa jeunesse, contre son mode de vie. Ils sont le fait d’une armée djihadiste, le groupe Daech, qui nous combat parce que la France est un pays de liberté, parce que nous sommes la patrie des Droits de l’Homme".
La Première Guerre mondiale était une guerre totale. L’intégrité territoriale et la survie de la nation étaient menacées. L’enjeu de la Deuxième Guerre mondiale était tout aussi élevé. En revanche, depuis la fin des conflits de décolonisation, la violence armée est devenue pour les Français une réalité lointaine. Dans la période post-guerre froide, la "culture de paix" a transformé l’emploi de la force armée en une sorte d’anachronisme barbare. Après les attentats du 11 septembre 2001, la France – solidaire de son allié américain – a déployé quelques centaines de militaires en Afghanistan mais a officiellement refusé d’inscrire son action dans le cadre intellectuel et stratégique de la "guerre globale contre le terrorisme".
Dans le Livre Blanc sur la sécurité intérieure face au terrorisme de 2006, le gouvernement français a réaffirmé cette posture : "Devons-nous aller jusqu’à nous considérer en “état de guerre” face au terrorisme ? […] Si nous étions en guerre, le recours permanent à une législation d’exception se justifierait de lui-même. Et comme la guerre se déroulerait en partie sur notre sol, ceux qui y résident devraient supporter que leurs libertés quotidiennes les plus essentielles soient entamées. La France a choisi de demeurer dans une logique de temps de paix. Le fait qu’elle engage des forces armées dans la lutte contre le terrorisme ne contredit pas ce choix".
En pratique, cette posture s’est révélée bancale. Après l’embuscade d’Uzbin, en 2008, il est apparu évident que la France était en guerre : comment expliquer autrement la perte de 10 militaires au combat ? Il a toutefois fallu attendre plusieurs années, avec le déclenchement de l’opération Serval au Mali en 2013, pour que les dirigeants français assument l’expression "guerre contre le terrorisme". En septembre 2014, la France s’est engagée militairement contre Daech en Irak. En 2015, cette logique de guerre a atteint le territoire national : après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, le Président de la République, chef des armées, a décidé le déploiement de 10 000 militaires sur le territoire national, actant le début de l’opération Sentinelle. Le 13 janvier, à la tribune de l’Assemblée nationale, Manuel Valls, alors Premier ministre, a déclaré : "la France est en guerre contre le terrorisme, le djihadisme et l’islamisme radical". Trois ans après les attentats de 2015, quel regard peut-on porter sur la guerre contre le terrorisme à la française ?
La suite de cet article peut être lue sur le site de la revue Etudes.
Contenu disponible en :
Régions et thématiques
Utilisation
Comment citer cette publicationPartager
Centres et programmes liés
Découvrez nos autres centres et programmes de rechercheEn savoir plus
Découvrir toutes nos analysesTransparence du champ de bataille : retrouver les clés de la manœuvre
Fin 2023, le général Zalouzhny évoquait les raisons du blocage tactique expérimenté en Ukraine, décrivant sans la nommer la situation de "transparence" du champ de batailler dans laquelle "nous voyons tout ce que fait l'ennemi et lui voit tout ce que nous faisons".
Réarmement nucléaire en Russie, en Chine et aux États-Unis : vers une dissuasion tripolaire ?
Ce numéro de Questions Internationales s'intéresse au regain de la menace nucléaire. Comment éviter une escalade incontrôlable ? La course aux armements nucléaires est relancée, avec la Russie, les États-Unis et la Chine en première ligne. Cette compétition pose la question cruciale de l'équilibre des forces et des risques afférents. En effet, la dissuasion nucléaire, longtemps considérée comme un facteur de paix, est aujourd'hui remise en question. Quels sont les défis qui pèsent sur son efficacité ?
De Cuba à l'Ukraine : le signalement stratégique et la dissuasion nucléaire
Le signalement stratégique – ensemble de signes et de manœuvres visant, hors temps de guerre, à rendre crédible la menace d'usage des instruments nucléaires – est de retour.
La frappe dans la profondeur : un nouvel outil pour la compétition stratégique ?
Atteindre la profondeur du dispositif ennemi pour l’affaiblir et faciliter l’obtention d’un résultat opérationnel ou stratégique est un objectif majeur des armées. Quels sont les moyens nécessaires pour mener des frappes dans la profondeur dans un double contexte de haute intensité et de renforcement des défenses adverses ?