Un consensus fragilisé ? La pression sur la norme contre les essais nucléaires

À l’exception de la Corée du Nord, aucun État n’a mené d’essais nucléaires au xxie siècle, rendant compte de l’émergence d’une norme internationale forte contre de tels essais.

Cette norme s’est développée sous la pression scientifique, publique et stratégique, conduisant à la mise en place du Traité d’interdiction partielle des essais en 1963, puis du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) en 1996. Bien que ce dernier n’ait pas encore été ratifié, son système de surveillance mondial a rendu les essais secrets quasiment impossibles, et les principales puissances nucléaires ont maintenu des moratoires volontaires. Après la guerre froide, les simulations informatiques ont remplacé les essais physiques, renforçant davantage l’interdiction.
Pourtant, les évolutions géopolitiques récentes suggèrent que la norme contre les essais nucléaires est de plus en plus remise en question. La Russie et la Chine ont été accusées de mener des essais nucléaires de faible puissance : l’objectif principal de la Russie semble être d’intimider l’Occident, tandis que la motivation de la Chine est liée à des considérations plus techniques. La Corée du Nord a mené quelques essais physiques, principalement pour vérifier et améliorer la fiabilité de son arsenal nucléaire, mais également pour démontrer ses progrès. Des préoccupations sont également apparues quant à la possibilité que les États-Unis reprennent les essais, notamment parce qu’ils n’ont pas encore ratifié le TICE.
Cependant, les preuves ouvertes suggérant que la Russie, la Chine ou les États-Unis envisagent sérieusement de reprendre les essais explosifs restent limitées. La plupart des déclarations ont été des menaces conditionnelles, ou faites par d’anciens responsables. Aujourd’hui, les essais nucléaires et la menace d’en faire servent des objectifs stratégiques divers. Alors qu’ils servaient le développement technologique et la fiabilité technique de l’arsenal, ils sont désormais devenus des instruments de pression géopolitique et de démonstration de pouvoir.
La communauté internationale doit rester engagée pour prévenir de nouveaux essais nucléaires. Le cadre des P5 offre une plateforme pertinente pour aborder ces questions. Les États non dotés d’armes nucléaires peuvent également prendre diverses mesures pour renforcer la norme contre les essais, telles que l’application de sanctions et l’isolement accru des violateurs de la norme. De plus, ils doivent plaider pour le renforcement du Système international de surveillance (IMS) du TICE, et plus largement le bon fonctionnement du secrétariat du traité.
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