L’Europe reste-t-elle une « colonie numérique » des États-Unis ?
Les révélations d’Edward Snowden, l’affaire Cambridge Analytica et la transformation numérique accélérée par la crise du Covid-19 ont agi comme des révélateurs de la dépendance technologique de l’Europe à l’égard de puissances étrangères.

La Commission européenne se veut le fer de lance de la « décolonisation numérique », mais les capacités d’investissement sur le Vieux Continent sont bien moindres qu’aux États-Unis et en Chine. L’Europe a néanmoins quelques atouts à faire valoir.
Julien Nocetti est enseignant-chercheur à l'Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan et chercheur associé à l'Institut français des relations internationales.
Article publié dans Politique étrangère, vol. 86, n° 3, automne 2021.
Centres et programmes liés
Découvrez nos autres centres et programmes de rechercheEn savoir plus
Découvrir toutes nos analysesStartups européennes et IA générative : dépasser la domination des Big Tech
L’Europe est à la croisée des chemins : face à la domination des Big Tech américaines sur toute la chaîne de valeur de l’IA générative, des modèles de fondation aux infrastructures cloud, en passant par les canaux de distribution et l’open source, elle risque un décrochage technologique et économique durable. Néanmoins, l’IA générative pourrait aussi représenter une opportunité de transformation économique majeure, avec un potentiel de valeur estimé à 1,5 fois le PIB français. Mais pour en faire un moteur de renouveau économique, l’Europe doit dépasser sa quête illusoire d’indépendance technologique totale et construire un écosystème capable de tirer parti des ressources des Big Tech tout en renforçant ses propres capacités d’innovation.
Un « moment DeepSeek » ?
DeepSeek, érigé comme un champion de l’IA chinoise, présente une amélioration significative sans pour autant révolutionner le domaine. Cependant, des doutes subsistent quant à la véracité des chiffres avancés par la start-up, appelant à nuancer l’engouement médiatique autour d’un éventuel rattrapage technologique chinois. Cette dynamique souligne néanmoins la nécessité de repenser un modèle économique axé uniquement sur la puissance de calcul. Dans ce contexte, l’Europe pourrait se démarquer en misant sur l’innovation ouverte.
Le modèle spatial européen : une ambition à renouveler face aux transformations stratégiques
Le modèle spatial européen, fondé sur la science, la coopération et le commerce, est désormais fragilisé par les évolutions des relations internationales et les bouleversements économiques induits par le New Space. Face à la guerre en Ukraine et au désengagement américain, l’Europe doit repenser sa stratégie en ajoutant un quatrième pilier dédié à la défense, afin de renforcer sa souveraineté et décourager d’éventuelles agressions contre le continent.
Le solutionnisme technologique : vrais problèmes, fausses solutions ?
Le retour de Donald Trump à la tête des États-Unis s’est accompagné d’une montée en puissance spectaculaire des acteurs les plus radicaux de la Silicon Valley. Si un basculement dans une ère techno-libertarienne semble d’ores et déjà en cours, il pourrait se doubler d’une promotion active du technosolutionnisme, qui constitue le socle commun à la plupart des élites de l’oligopole technologique.