Russie
La Russie s'affirme comme une puissance impériale. Isolée depuis son invasion de l’Ukraine, elle cherche à renforcer ses liens avec des pays non-occidentaux. À l'intérieur, le régime de Vladimir Poutine se durcit.
Sujets liés
« Poutine pense que Le Pen jouera un rôle politique majeur en France dans les prochaines années »
Marine Le Pen a été reçue vendredi au Kremlin par Vladimir Poutine. En consentant cette entrevue, le président russe permet à la candidate du Front national de se doter d'une stature internationale. Pour Marine Le Pen, c'est une consécration.
"La Russie souhaite que la France revienne à son héritage gaullien"
François Fillon, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon... Les partisans d'un rapprochement de la France avec la Russie de Vladimir Poutine sont nombreux, parmi les candidats à la présidentielle. A la tête de l'Association dialogue franco-russe, le député Thierry Mariani (Les Républicains) s'est rendu à Moscou jeudi 16 et vendredi 17 mars pour plaider en faveur d'une plus grande coopération entre les deux pays. La lutte contre le terrorisme, les intérêts économiques des entreprises françaises sur place, mais aussi les liens historiques et culturels sont mis en avant par les défenseurs d'une ligne Moscou-Paris.
Russie - Thomas Gomart et Tatiana Kastouéva-Jean auditionnés par le Sénat
La Russie : élément de stabilisation ou de déstabilisation du système international ?
L'arrivée de Trump peut-elle aggraver la crise en Ukraine?
Les signaux d'accommodement envoyés à la Russie par le 45e président des Etats-Unis ont probablement contribué à l'escalade de violence dans l'est de l'Ukraine depuis une semaine. Voici pourquoi.
"Il est dans la culture de l’establishment russe d’avoir des dossiers compromettants"
La Russie serait en possession d’éléments compromettants, financiers et personnels, sur Donald Trump. On ne sait pas encore si ces documents sont authentifiés mais est-ce, selon vous, plausible ?
Il est tout à fait logique de supposer que la Russie prépare des dossiers compromettants sur différentes personnalités, en faisant l’arbitrage par la suite entre les dossiers qu’elle utilisera et ceux dont elle ne fera rien. Il est dans la culture de l’establishment russe d’avoir des dossiers compromettants, on les appelle les “kompromat”. Comme on dit en Russie, tout le monde détient des “kompromat” contre tout le monde.
À quelles fins Vladimir Poutine pourrait-il avoir besoin d’un dossier sur Donald Trump ?
En l’état actuel des choses, il n’en a pas besoin. L’élection de Trump est vue comme une bonne chose pour la Russie. Les “kompromat”, dans la pratique russe, ne sont pas préparés pour utilisation immédiate. Ils sont mis dans un placard jusqu’au jour où l’on en aura besoin. Leur utilisation peut être aussi inattendue et anecdotique. Vladimir Poutine aurait fait venir un chien dans la pièce où il rencontrait Angela Merkel pour lui faire peur, sachant pertinemment qu’elle craignait ces animaux : cela figurait dans ses dossiers secrets.
En quoi l’élection de Donald Trump sert-elle les Russes, selon eux ?
Hillary Clinton est assez prévisible, pour Moscou. Elle et Vladimir Poutine se connaissent, on sait très bien quel est l’état de leurs relations : elles ont été émaillées d’incidents, dont un assez misogyne. Les deux dirigeants ne se vouent pas un amour immodéré. Face à cela, l’incertitude autour de Donald Trump, qui a eu des déclarations flatteuses vis-à-vis de Vladimir Poutine, a été interprétée en sa faveur. La Russie souhaitait sa victoire et, en même temps, donnait l’impression de ne pas y croire. Les propagandistes avaient préparé les discours, dans lesquels ils faisaient valoir que l’establishment américain avait tout fait pour voler l’élection de Donald Trump. Or, il a été élu, ce qui a constitué une surprise. Paradoxalement, la victoire de ce candidat, qui n’est pas issu de l’establishment, qui défend les classes moyennes contre l’élite corrompue, correspond au discours des opposants au régime de Vladimir Poutine. Sera-t-il un bon exemple ou jouera-t-il contre lui ? Il y a aujourd’hui beaucoup d’incertitudes. Les premiers pas compteront beaucoup, après des débuts extrêmement houleux, avec les scandales liés aux cyberattaques ou aux dossiers compromettants. Beaucoup va dépendre de la première rencontre entre les deux hommes.
La Russie en attend une baisse de l’activisme américain sur la scène internationale, qui lui donnerait plus de marge de manœuvre. En même temps, elle espère montrer au monde entier ce que vaut la démocratie américaine et qu’il ne faut pas l’exporter. L’objectif à atteindre est double.
Comment a-t-on accueilli, à Moscou, la nomination à la tête de la diplomatie de Rex Tillerson (qui a été décoré de l’ordre de l’Amitié par Vladimir Poutine en 2012), puis celle au renseignement national de Dan Coats (qui est interdit de séjour en Russie depuis 2014) ?
L’équipe de Trump n’a rien de cohérent, elle compte des gens de bords presque opposés par rapport à la Russie. On verra aussi quelle sera la réaction du parti républicain qui n’est pas du tout prorusse ; Trump n’est pas indépendant du parti. Sa politique ne s’inscrira pas dans les extrêmes, ni dans un sens ni dans l’autre, selon moi. Comment l’équilibre se fera-t-il ? On ne sait pas encore. Les réactions face à ces nominations sont en tout cas plus que retenues. Les Russes ne veulent pas du tout alimenter la thèse selon laquelle ils se sont ingérés dans les élections américaines. Si cela a été fait, cela a été fait, pas la peine de pousser plus loin. Le mieux est de se tenir à l’écart. Ils risqueraient de mettre en danger Donald Trump s’ils faisaient des déclarations spectaculaires qui pourraient porter atteinte à sa légitimité.
Quelles sont les attentes plus spécifiques de la Russie vis-à-vis des Etats-Unis dans les dossiers internationaux ?
Sur le dossier ukrainien, les Russes s’attendent à ce que Donald Trump mette la pression sur Kiev pour qu’il respecte les accords de Minsk. Sur la Syrie, ils escomptent une coopération plus renforcée dans la lutte contre Daech. Donald Trump a aussi fait des déclarations qui ne peuvent que plaire aux Russes sur la remise en question de l’utilité de l’Otan, qui est une de leurs bêtes noires. Même si le nouveau président ne démantèlera pas l’Alliance, la solidarité transatlantique, avec les nouveaux membres qui ont une histoire liée viscéralement à la peur de la Russie – je parle de la Pologne et des Etats baltes – en sortira affaiblie. Et cela ne peut qu’aller dans le sens des intérêts russes. Moscou nourrit également des attentes liées à l’abandon du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP), entre l’Europe et les Etats-Unis, qui laisse la Russie à la marge de la nouvelle répartition du monde.
À quelles confrontations pourrait-on s’attendre ?
Les deux précédentes administrations, de George W. Bush et de Barack Obama, ont tenté de faire un “reset” avec la Russie, mais on en revenait quand même à la confrontation. Je n’exclus pas qu’après des débuts prometteurs, on retombe dans une confrontation entre les deux pays au milieu ou à la fin du premier mandat. En tout cas, si Donald Trump fait ce qu’il a dit, la Russie devra redéfinir sa politique étrangère, qui a été beaucoup basée sur l’opposition aux Etats-Unis, sur la présentation d’un pôle alternatif au monde sous domination américaine. Au Moyen-Orient, l’Iran est allié de la Russie. Or, Trump a dit vouloir revoir l’accord sur le nucléaire. Quel positionnement pour Vladimir Poutine si son homologue va jusqu’au bout ? Donald Trump a l’air aussi plus obsédé par la Chine que par la Russie. Quelle place, dès lors, la Russie pourrait-elle trouver entre ces deux grands, elle qui ne représente qu’un peu plus de 2 % de la richesse mondiale ? Le roi ne sera-t-il pas finalement nu, ramené à sa juste valeur par une confrontation qui se dessine et qui le laissera à la marge ? La Russie ne sera-t-elle pas poussée à choisir son camp ? Lequel ? Cela risque d’être un moment de flottement pour elle.
Vladimir Poutine, qui a souffert d’un manque de considération de la part des Etats-Unis, met tout en œuvre pour réaffirmer sa grandeur. Donald Trump a promis de rendre l’Amérique “great again”. Y a-t-il de la place pour ces deux ambitions ?
La compréhension de la grandeur est très différente de part et d’autre. Pour les Russes, il s’agit de s’imposer sur les dossiers internationaux, tandis que, pour Trump, il est plutôt question d’isolationnisme et de rendre le pays grand en interne, en mettant l’accent sur la production, sur la fin des délocalisations, sur les moyens de rendre leur fierté aux classes moyennes. Cela ne correspond pas du tout à la compréhension russe de la grandeur. Il y a donc de la place pour les deux ego, en quelque sorte. Les deux “exceptionnalismes”, russe et américain, pourront coexister si l’Amérique se concentre plus sur elle-même. Mais si les Etats-Unis voient que la Russie commence à grappiller du terrain sur tous les dossiers et que, à un moment et à un autre, cela va à l’encontre de leurs intérêts, ils réagiront.
Quand la Russie "trolle" les démocratie
Que dire des supposées tentatives de déstabilisations politiques venues de Russie ? Le Kremlin a-t-il trouvé dans cette nouvelle stratégie, un moyen pour peser sur le destin du monde ? Que veut la Russie et d'où lui viennent ses moyens techniques lui permettant d'effectuer ces attaques?
« La Russie perçoit nos faiblesses en matière informationnelle »
Julien Nocetti, chercheur au Centre Russie/NEI de l'Ifri, explique qu’Européens et Américains ont négligé les avancées de Moscou en ce qui concerne la «guerre de l’information» : le Kremlin a parfaitement saisi comment influer sur les opinions publiques occidentales pour «paralyser la prise de décision de l’adversaire».
Axe Paris-Moscou : vers un volte-face diplomatique français ?
2017 sera-t-elle l’année d’un nouvel axe Paris-Moscou ?
“En presque six ans de guerre en Syrie, la Russie a toujours soufflé le chaud et le froid”
Après six veto, Moscou a voté lundi 19 décembre la résolution du Conseil de sécurité permettant l’envoi d’observateurs à Alep. Les “surprises” font partie de la stratégie russe, explique Julien Nocetti, chercheur au Centre Russie/NEI de l'Ifri.
« Les Russes vont aider à la reprise en main de la Turquie »
L'assassinat de l'ambassadeur de Russie en Turquie, Andreï Karlov, lundi 19 décembre 2016, n'a pas provoqué de crise diplomatique entre Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine. Au contraire, les deux chefs d'Etat prônent une collaboration encore plus étroite contre le terrorisme.
Potemkin observers
Rebel commander Alexander Zakharchenko smiled only slightly on hearing that he had won this weekend's elections in Donetsk, Ukraine (pictured). The results were never in doubt: Mr Zakharchenko's nominal opponents openly supported him, and his face was the only one on campaign billboards. Nonetheless, eastern Ukraine's separatist republics went through the motions of democracy, including inviting international election observers. Those proved hard to find: while Russia has said it will respect the vote, America, the European Union, and the United Nations have all condemned it.
"Le débat russe, un terrain glissant"
Interview. Tatiana Kastoueva-Jean, chercheuse à l’Ifri, pointe la «polarisation» des positions en France.
Pourquoi Poutine séduit-il autant en France ?
- Il passe pour un leader fort, capable de tenir tête aux Etats-Unis pour défendre ce qu’il estime être les intérêts nationaux. Ce type de leader trouvera toujours des adeptes en Europe. Par ailleurs, l’histoire pèse lourd dans la relation franco-russe, jouant un rôle trompeur. Des deux côtés, on cite Catherine la Grande, l’escadron de chasse Normandie-Niemen, Charles de Gaulle… Côté russe, surtout, on pioche dans l’histoire comme dans une boîte à outils pour faire croire que les deux pays ont toujours été du même côté, en omettant de mentionner la guerre de Crimée ou la guerre de 1812 sous Napoléon. On s’accroche à ces grands noms et périodes glorieuses pour ne pas parler des choses qui fâchent dans l’actualité. Ce qui est frappant, en France, c’est la très forte polarisation du débat sur la Russie. D’entrée, les gens sont classés en prorusses et antirusses, ou pro-Poutine et anti-Poutine. L’idéologie définit les discours : quand on voit la liste d’intervenants à un forum franco-russe, on a un avant-goût de ce qui sera dit. Cela appauvrit terriblement le débat intellectuel.
Occident-Russie, la paix froide ?
Alors que le cessez-le-feu signé entre la Russie et l'Ukraine reste fragile sur le terrain, Le Monde a invité deux spécialistes français de l'espace post-soviétique à échanger sur l'avenir des relations entre l'Occident et la Russie, et les enjeux pour la paix et la sécurité sur le Vieux continent.
L'URSS existe toujours sur Internet, et c'est devenu la zone
Plus de 118 000 sites utilisent encore aujourd’hui un nom de domaine en .su, pour « Soviet Union ». Rendez-vous privilégié de cybercriminels russes, cet espace pourrait pourtant ne jamais disparaître.
A l'Est, rien de nouveau
Le mur de Berlin est tombé, mais le rapport de force entre l'Est et l'Ouest continue. L'histoire n'est pas finie.
Russie : "Les sanctions risquent de conforter Poutine dans sa ligne dure"
Quels effets ont eu pour l’instant les sanctions adoptées par l’UE et les États-Unis vis-à-vis de la Russie ?
- Il faut en distinguer les effets économiques, qui se font déjà sentir en Russie, des effets politiques, pour l'heure nuls.
Depuis l'annexion de la Crimée, les Occidentaux ont perdu confiance en Poutine
Pensez-vous que le plan de règlement de crise proposé par Vladimir Poutine pose vraiment des questions de fond pour en finir avec le conflit ukrainien ou est-ce une simple manœuvre pour gagner du temps ?
- Aujourd'hui, il est difficile de répondre à cette question. Le président russe Vladimir Poutine a toujours fait dans la dichotomie. Sur un plan politique, il a parlé de paix et de règlement de conflit avec son homologue ukrainien à Bénouville (en France) en juin et à Minsk la semaine dernière.
Poutine et ses rêves de Nouvelle Russie
Pas un discours sans que le tsar du Kremlin, Vladimir Poutine, n'exalte la « Novorossia », Nouvelle Russie dans la langue de Tolstoï. D'où vient cette expression qui a fait son apparition dans les discours du président russe lorsqu'il a annexé la Crimée au nez et à la barbe d'autorités ukrainiennes impuissantes? II l'utilise pour la première fois en avril lors d'une allocution télévisée pour désigner les régions d'Ukraine susceptibles de revenir a la Russie.
Que cherche Vladimir Poutine avec un "statut étatique" pour l'est de l'Ukraine?
Il ne s’agit pas d’une évolution doctrinale de Moscou, mais plutôt de la volonté de traduire en gain politique l’évolution militaire sur le terrain en Ukraine, où les insurgés ont résisté à la tentative de reprise en main de Kiev et marquent des points. Depuis la chute de Ianoukovitch, la Russie souhaite en effet que les autorités ukrainiennes aillent vers une fédéralisation du pays afin que la partie orientale gagne en autonomie, voire se sépare.
"La Russie conçoit sa politique en termes de rapport de force"
Les sanctions ciblées décidées jusqu’ici par les Etats-Unis et l’UE à l’encontre de la Russie ont-elles eu des effets ?
- Oui et non. Oui au regard de la fuite des capitaux, estimée pour le premier semestre 2014 à plus de 75 milliards de dollars [56 milliards d’euros, ndlr], soit plus du double par rapport à la même période 2013. Cela traduit une incontestable fébrilité des milieux économiques russes. Non, au regard du discours politique qui se durcit, comme si le Kremlin se préparait à une crise de longue durée avec l’Occident.
Soutenez une recherche française indépendante
L'Ifri, fondation reconnue d'utilité publique, s'appuie en grande partie sur des donateurs privés – entreprises et particuliers – pour garantir sa pérennité et son indépendance intellectuelle. Par leur financement, les donateurs contribuent à maintenir la position de l’Institut parmi les principaux think tanks mondiaux. En bénéficiant d’un réseau et d’un savoir-faire reconnus à l’international, les donateurs affinent leur compréhension du risque géopolitique et ses conséquences sur la politique et l’économie mondiales. En 2024, l’Ifri accompagne plus de 70 entreprises et organisations françaises et étrangères.