Les soldats français de l’opération Barkhane partis du Mali, que va devenir le pays ?
Les derniers soldats français encore présents au Mali ont quitté définitivement le pays, lundi 15 août, après le transfert aux forces maliennes de la base de Gao, dans le nord du pays.
Après neuf ans de lutte contre les djihadistes au Mali, les forces françaises se sont retirées, le 15 août, sur fond d’hostilité locale croissante et alors que les relations de la France avec les militaires au pouvoir depuis les coups d’État de 2020 et 2021, se sont largement dégradées ces derniers mois.
Entretien avec Thierry Vircoulon, chercheur au Centre Afrique de l’Institut français des relations internationales (IFRI), auteur d’un récent rapport intitulé Boko Haram dans la région de l’extrême-Nord du Cameroun : L’arbre qui cache la forêt.
Les militaires au pouvoir au sein du Conseil national de la transition sont-ils capables de rétablir la sécurité au Mali ?
Non, une partie du territoire leur échappe et les accrochages du début du mois à Tessit (42 morts) et Menaka (au moins 20 morts) avec les groupes armés montrent que l’armée malienne est en difficulté. Loin du pouvoir central, la population vit dans l’insécurité, les tensions intercommunautaires et le nombre de déplacés internes augmentent. Rien ne permet d’envisager une inversion de la dynamique conflictuelle à court terme.
D'autant que le conflit dépasse largement les frontières du Mali, et a largement contaminé le Burkina Faso, pays voisin. Même s’il y a des différences nationales (notamment la composition de la population), on peut considérer qu’il y a désormais un seul théâtre de conflit : le MaFaso (contraction du Mali et du Burkina Faso).
Les Maliens peuvent-ils compter sur leurs nouveaux auxiliaires russes pour combler ce vide sécuritaire ?
Pour le moment, les mercenaires de Wagner n'ont pas prouvé leur efficacité. IIs vont devoir investir davantage de moyens s’ils veulent afficher des résultats sécuritaires. II leur faudrait des moyens considérables pour être en mesure d’agir sur I’étendue du territoire malien.
Quel peut être l’avenir de la Mission de l’Onu au Mali (Minusma) dans ce contexte ?
Les casques bleus de l’Onu étaient en partie sous le parapluie militaire français. Maintenant, la Minusma est toute seule. Politiquement, la junte a intérêt à mettre en avant la passivité de l’Onu pour en faire le bouc émissaire parfait, comme on le voit dans d'autres pays (Centrafrique, République démocratique du Congo, etc.). C’est l'heure de vérité pour les juntes malienne et burkinabé qui sont arrivées au pouvoir, chacune par un coup d’État, en promettant de restaurer la sécurité.
Serval en 2013, et Barkhane par la suite, ont été déployées pour protéger l’Europe des attentats. Avec ce départ, peut-on craindre une résurgence d’attaques sur le territoire européen ?
Les attaques terroristes qui ont eu lieu en France n'ont jamais impliqué les djihadistes du Sahel. Le paysage conflictuel y est beaucoup plus complexe que le laisse à penser le narratif français sur la lutte contre le djihadisme. II n'y a pas que Daesh et Al-Qaida qui se battent au MaFaso. II y a une multitude de groupes armés à base communautaire, qui sont les symptômes d’une guerre clvile et, parmi les djihadistes, des profiteurs du désordre. On observe une criminalisation du djihadisme au MaFaso où opèrent les différentes factions de Boko Haram. Le djihad sert de tremplin et de bannière pour des groupes criminels qui ne recherchent que leur enrichissement et brouillent la frontière entre crime organisé et djihadisme.
> Lire l'interview sur le site d'Ouest-France
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