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Après la mort de Nasrallah, quelle stratégie régionale pour l’Iran ?

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Après la mort de Nasrallah, quelle stratégie régionale pour l’Iran ?
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Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, a été tué dans une frappe israélienne à Beyrouth le 27 septembre. La milice et son dirigeant étaient considérés comme le fer de lance de l’Axe de la Résistance, cette coalition de groupes miliciens majoritairement chiites qui sont au coeur de la stratégie régionale de l’Iran. 

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Rencontre entre l’ayatollah Khamenei et Hassan Nasrallah en 2019
Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei avec l'ancien chef du groupe militant libanais Hezbollah, Hassan Nasrallah à Téhéran en 2019
Iranian Supreme Leader'S Office/ZUMA Press Wire/Shutterstock
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Après l’attaque sur le consulat iranien à Damas le 1er avril et la mort d’Ismail Haniyeh, chef politique du Hamas, dans une opération attribuée à Israël au centre de Téhéran fin juillet, il s’agit donc d’un nouveau coup dur pour l’Iran, qui ne parvient plus à protéger ses atouts à l’étranger et maintenir une dissuasion crédible vis-à-vis de l’État hébreu. Comment le régime peut-il réagir à cette nouvelle donne, entre restauration d’un équilibre et prévention de l’escalade ?

Une vulnérabilité grandissante

« Nous appelons les musulmans à soutenir […] le fier Hezbollah par tous les moyens dont ils disposent. » C’est par ces termes plutôt modérés que le Guide suprême iranien, l’ayatollah Khamenei, a réagi à la mort du commandant du Hezbollah, qui ne « restera pas impunie ». Si le texte contient les références habituelles à l’« entité sioniste » à l’origine de tous les maux du Moyen-Orient, le vocabulaire est bien moins martial et décisif que pour venger les précédents assassinats de dignitaires iraniens ou des groupes proches de Téhéran dans les derniers mois.

L’attaque du 1er avril sur le consulat iranien à Damas avait ainsi fait l’objet d’une riposte à la fois verbale et cinétique, en affirmant que tous les intérêts iraniens ciblés à l’étranger (même en dehors du territoire de l’Iran) feraient désormais l’objet de représailles directes contre Israël. Cette promesse s’est incarnée par une salve de près de 300 drones, missiles de croisière et missiles balistiques tirés depuis l’Iran vers l’État hébreu dans la nuit du 13 au 14 avril. Si les intentions profondes de cette attaque, entre réelle volonté de nuire et simple démonstration de force entourée de précautions, font encore débat aujourd’hui, elle a été présentée comme une victoire à Téhéran, fausses images d’explosion à l’appui, permettant de préserver l’image de la République islamique auprès de ses affiliés. La réponse israélienne sous forme de frappe ciblée près des installations nucléaires de Natanz le 19 avril a quant à elle été largement minimisée par le régime.

Si l’Iran pensait avoir alors « restauré la dissuasion » vis-à-vis d’Israël, la mort d’Ismail Haniyeh au cœur de la capitale le 31 juillet a porté un premier coup à cette crédibilité. Malgré un ton martial mettant en garde l’État hébreu contre une « riposte imminente », le gouvernement iranien, divisé entre un Massoud Pezeshkian relativement modéré, conseillé par des réformateurs tels que l’ancien ministre des Affaires étrangères Javad Zarif, et les conservateurs plus extrêmes menés par les Gardiens de la Révolution, s’est retrouvé dans l’incapacité de « venger » cet affront à la réputation de l’Iran. En effet, il aurait été inutile, voire contre-productif, de réitérer l’attaque sur le même mode opératoire qu’en avril, sauf à augmenter le nombre de projectiles afin de saturer les défenses israéliennes – ce qui aurait d’autant réduit les stocks iraniens – et réduire le préavis d’alerte, sans garantie de succès. De plus, contrairement à la nécessité de venger la mort de Qassem Soleimani en janvier 2020, le besoin de réagir à la mort d’Ismail Haniyeh est moins pressant : en tant que chef politique d’un groupe sunnite, allié de l’Iran par opportunisme, son rôle dans la stratégie régionale du régime était moindre.

La réaction iranienne est encore plus modérée lors de la mort de Fouad Shukr, commandant de la branche militaire du Hezbollah, lors d’une frappe israélienne au Liban le 30 juillet, puis au fur et à mesure des frappes de « décapitation » de la milice en août et en septembre, qui culmine par l’opération des « bipeurs » le 19 septembre et enfin la mort de Nasrallah le 27. Cette prudence est compréhensible : en effet, le régime n'avait pas ouvertement soutenu l’engagement du Hezbollah dans la guerre vis-à-vis d’Israël le 8 octobre 2023, au lendemain des massacres commis par le Hamas et dans lesquelles la milice chiite libanaise n’avait aucune responsabilité. Téhéran avait à plusieurs reprises démenti toute connaissance de l’attaque et il est possible que le régime ait tenté de décourager Nasrallah de s’engager, considérant que les risques d’une riposte israélienne et donc d’une mise en danger de cette stratégie de glacis de protection du territoire iranien au travers de ses milices étaient trop élevés. Force est de constater que les actions israéliennes ont donné raison à cette frange plus prudente du gouvernement iranien, laissant présager une absence de réaction à la mort de Nasrallah.

Vers une recomposition de l’Axe de la Résistance ?

Si le Hezbollah est désormais privé de commandement opérationnel et sérieusement décrédibilisé dans la région, il n’est cependant pas totalement mis hors d’état de nuire. Les caches d’armes, notamment de systèmes capables de frapper le territoire israélien dans la profondeur, demeurent nombreuses dans le Sud-Liban, tout comme la capacité du groupe à se camoufler au sein de la population. Une opération israélienne au sol, dont l’ampleur reste à déterminer, est probablement nécessaire pour réduire encore les capacités de nuisance de la milice et donc permettre à moyen terme le retour des Israéliens déplacés dans le nord du pays, un nouvel objectif de guerre déclaré par Netanyahou le 19 septembre dernier.

Reste que le groupe qui offrait un débouché à l’Iran sur la Méditerranée, une plateforme pour ses trafics et un moyen de pression continu sur Israël n’est probablement plus en mesure d’assurer un rôle de coordinateur et de représentant de l’Axe. Plusieurs groupes peuvent désormais prétendre au poste.

Les Houthis, bien qu’historiquement moins proches de Téhéran et promouvant leurs intérêts propres au Yémen, apparaissent aujourd’hui comme le principal facteur de nuisance contre les intérêts occidentaux dans la région. Leurs capacités n’ont quasiment pas été affectées par les frappes anglaises et américaines conduites depuis décembre 2023 et ils sont toujours en mesure de frapper directement l’État hébreu, exerçant ainsi la vengeance au nom de l’Axe, bien que leur puissance de feu soit inférieure à celle du Hezbollah. L’armée israélienne a bien compris leur potentiel destructeur et a ainsi conduit des frappes contre le port d’Hodeïda et d’autres installations militaires houthies le 29 septembre. Cependant, du fait d’un éloignement géographique et idéologique du reste des groupes composant l’Axe de la Résistance, il est peu probable qu’ils exercent un rôle majeur dans cette alliance à moyen terme.

À l’inverse, les milices irakiennes proches de l’Iran se sont montrées relativement modérées depuis le 7 octobre. Les quelques tentatives d’attaques par drone en direction d’Israël ont toutes été interceptées, avec un soutien principalement verbal de la cause palestinienne et de l’Axe de la Résistance. Les milices étaient en effet concentrées sur leur objectif local : le départ des forces occidentales présentes dans le cadre de la coalition contre Daech. Avec un sens remarquable du timing, un accord a été annoncé le soir même de la mort de Nasrallah, prévoyant le départ partiel des troupes américaines dès 2025. Les réjouissances locales que l’on aurait pu attendre ont été quelque peu gâchées par l’attaque israélienne sur Beyrouth, et de nombreuses manifestations violentes ont éclaté dans Bagdad au cours du week-end, dont certaines à proximité de la « Zone verte » abritant les ambassades. Bien que cet accord puisse évidemment être renégocié en fonction des besoins opérationnels américains ces prochains mois, cela donne une nouvelle respectabilité aux milices irakiennes, qui pourraient s’en servir comme levier pour gagner une place plus importante au sein de l’Axe de la Résistance.

La voie du nucléaire ?

Les deux composantes de la « dissuasion conventionnelle » iranienne – son arsenal de missiles balistiques, de croisière et de drones, et ses relais régionaux – se retrouvent donc affaiblies dans la configuration actuelle. Bien qu’il conserve de nombreux leviers relevant de la « guerre hybride », le régime pourrait donc être tenté de se tourner vers l’arme ultime : la bombe nucléaire. La prolifération iranienne semble en effet hors de contrôle depuis la sortie par les États-Unis de l’accord de Vienne en 2018 : les rapports trimestriels de l’Agence internationale de l’énergie atomique font état de quantités croissantes d’uranium enrichi – et donc d’un temps réduit pour fabriquer un engin explosif –, bien qu’aucun signe d’arsenalisation du programme ne soit visible. La parole iranienne est également plus ouverte qu’avant sur ces perspectives, rappelant que des attaques israéliennes contre des installations du programme de Téhéran pourraient pousser le régime à franchir le seuil.

Cependant, la voie de l’acquisition d’une arme fonctionnelle reste aujourd’hui peu probable pour l’Iran. En effet, bien que ses réseaux aient été attaqués, et le territoire iranien frappé par Israël, les intérêts vitaux du pays ne sont pas menacés. Or, face à un État nucléaire, lui-même soutenu par la plus grande puissance atomique du monde, une arme nucléaire à vocation offensive serait inutile, voire dangereuse. De plus, ni la communauté occidentale ni les soutiens régionaux de l’Iran ne pourraient accepter une crise de prolifération dans une région déjà extrêmement tendue. Soucieux de poursuivre des efforts de désescalade, le président Pezeshkian a au contraire affirmé vouloir reprendre le dialogue et les négociations sur le désarmement en marge de sa venue à l’Assemblée générale annuelle des Nations unies. Même privé d’une stratégie régionale durable, l’Iran se satisfait donc pour le moment de son statut d’État du seuil nucléaire pour maintenir la dissuasion, se sachant capable de le franchir en quelques semaines sur une décision politique. Mais jusqu’à quand ?

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ISBN / ISSN

979-10-373-0917-4

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Héloïse FAYET

Héloïse FAYET

Intitulé du poste

Chercheuse, responsable du programme dissuasion et prolifération, Centre des études de sécurité de l'Ifri

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Un soldat contemplant un coucher de soleil sur un véhicule blindé de combat d’infanterie
Centre des études de sécurité
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Héritier d’une tradition remontant à la fondation de l’Ifri, le Centre des études de sécurité de l'Ifri fournit aux décideurs publics et privés ainsi qu’au grand public les clefs de compréhension des rapports de force et des modes de conflictualité contemporains et à venir. Par son positionnement à la jointure du politique et de l’opérationnel, la crédibilité de son équipe civilo-militaire et la diffusion large de ses publications en français et en anglais, le Centre des études de sécurité constitue dans le paysage français des think tanks un pôle unique de recherche et d’influence sur le débat de défense national et international.

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Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei avec l'ancien chef du groupe militant libanais Hezbollah, Hassan Nasrallah à Téhéran en 2019
Iranian Supreme Leader'S Office/ZUMA Press Wire/Shutterstock

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