Selon les experts de la Land Matrix, la Tanzanie est l’un des pays cibles des projets d’investissement foncier dont plusieurs ont été « abandonnés » ou retardés ou dont le statut est inconnu. Labéliser une transaction foncière comme ayant échouée pose des enjeux conceptuels et méthodologiques tant que les critères de l’« échec » ne sont pas clairement définis.

S’appuyant sur la littérature qui s’intéresse à l’échec des politiques publiques, cet article part du principe que l’accent mis sur « l’échec » dissimule les nombreuses pratiques à l’œuvre, telles que la résistance administrative et la formation et le renouvellement quotidiens de l’État. Les transactions foncières sont définies comme la mise en œuvre des politiques de promotion de l’investissement foncier. L'article analyse ensuite les trajectoires de deux projets de biocarburants avec des investisseurs internationaux dans les districts de Bagamoyo et Kisarawe et dont les activités ont été interrompues.

Les résultats de cette analyse montrent comment l'incertitude entourant l'avenir des deux transactions foncières crée des marges de manœuvre pour les agents bureaucratiques et politiques à différents échelons administratifs pour renégocier leur pouvoir, et pour les acteurs de la société civile transnationale afin de consolider leurs positions dans l'arène des politiques foncières. L'omniprésence des procédures administratives permet enfin de poser la question si le régime tanzanien a achevé sa transition vers le libéralisme ou s'il reflète plutôt son héritage socialiste.

Schlimmer, Sina (2020), "Caught in the Web of Bureaucracy International Development Policy. How 'Failed' Land Deals Shape the State in Tanzania", Revue internationale de politique de développement, vol. 12, n° 2.