Traité New Start : la fin des inspections sur les sites militaires russes «est un symbole assez inquiétant»
La Russie a annoncé lundi 8 août 2022 la suspension des inspections américaines prévues sur ses sites militaires dans le cadre du traité New START en réponse aux entraves américaines aux inspections russes similaires aux États-Unis. Le traité New START est un accord clé du désarmement nucléaire entre les deux puissances renégocié en 2021. Les explications de Héloïse Fayet, chercheuse au Centre des études de sécurité de l’Ifri et coordinatrice du programme Dissuasion et prolifération.
RFI : Quelles sont les conséquences d'une telle décision ?
Héloïse Fayet : Il faut savoir que les inspections de sites nucléaires militaires, qui sont prévues dans l'accord New START, avaient déjà été suspendues en 2020 en raison de la pandémie de Covid-19, qui avait évidemment empêché la présence suivie d'inspecteurs que ce soit en Russie ou aux États-Unis. Donc, la suspension pour des raisons politiques de ces inspections n'aura a priori pas de conséquences à court terme sur la sécurité ou la connaissance des arsenaux nucléaires.
Mais c'est un symbole assez inquiétant, voire grave, du manque de confiance et surtout de la détérioration de la confiance entre la Russie et les États-Unis sur un sujet aussi important que les arsenaux nucléaires. Le point positif étant que pour le moment les notifications de tirs, par exemple en cas d'exercice militaire impliquant des missiles balistiques à capacité nucléaire, n'ont pas été suspendues : une partie de New START survit donc encore.
Est-ce que cette décision pourrait à terme mettre fin à cet accord ?
L'accord en lui-même n'est pas en très bonne santé si je puis m'exprimer ainsi parce qu'il a été prolongé en 2021 contre toute attente. On s'attendait à ce que ce ne soit pas le cas et finalement le président Joe Biden et le président Vladimir Poutine ont réussi à s'entendre à la dernière minute pour le prolonger. Par contre, il a une durée de cinq ans, donc jusqu'en 2026, et il paraît extrêmement improbable dans le contexte actuel de la guerre en Ukraine, et du manque de confiance entre la Russie et les États-Unis qu'une nouvelle version de New Start soit signée en 2026.
Cette décision est bien politique et directement en lien avec le conflit en Ukraine ?
C'est une décision qui intervient dans le cadre de la guerre en Ukraine. On l'a vu, cette guerre se déroule sous l'ombre nucléaire, avec, d’un côté, le maintien de tests de missiles balistiques par la Russie et du côté des États-Unis, l’annulation de leurs propres tests balistique. On se souvient également des déclarations de Vladimir Poutine sur la puissance de l'arsenal russe. Et ainsi, effectivement, c'est un nouveau vestige, entre guillemets, de la guerre froide et un mécanisme de coordination entre Russie et États-Unis qui commence à s'effriter.
Est-ce qu'on peut voir à travers cette décision de Moscou une volonté d'utiliser ce type d’armes ?
L’utilisation d'armes nucléaires par la Russie ou par un quelconque autre pays détenteurs de l'arme nucléaire est heureusement extrêmement régulée. Et pour le moment, la Russie suit sa doctrine avec des conditions d'utilisation extrêmement restreintes qui ne sont pas atteintes. Mais on a vu tout un signalement stratégique russe avec d’un côté le président Poutine qui se montrait assez véhément, presque provocateur, et qui était soutenu par les médias russes qui montraient que si la Russie utilisait un missile nucléaire, il pourrait détruire Paris en six minutes, ce qui n'est pour le coup pas le cas. Et puis de l'autre, on voyait une tentative de désescalade menée par d'autres membres du gouvernement russe, là aussi relayée dans la presse, afin d'éviter toute mauvaise compréhension de la stratégie russe en termes de nucléaire.
Lire l'entretien sur le site de RFI.
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