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Tech chinoise : quand les États-Unis et l’Europe "financent leur rival"

Interventions médiatiques |

interviewée par Anne Cagan dans

  l'Express
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Washington ne veut pas que des investissements américains renforcent les capacités militaires chinoises. Et encourage les Européens à l’imiter. D'où vient l’argent ? Où va-t-il ? Les flux d’investissements dans la tech sont scrutés de toujours plus près par les États-Unis.

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Usine de microélectronique chinoise.
Usine de microélectronique chinoise.
Fotogrin/Shutterstock
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Après avoir restreint la capacité des Chinois à investir dans ses pépites technologiques, Washington va limiter celle des Américains à investir dans les sociétés chinoises. L’idée est de ne pas "financer son rival" décrypte Mathilde Velliet, chercheuse au Centre géopolitique des technologies à l’Institut français des relations internationales (Ifri) qui publie le 3 juillet, une étude sur le sujet qu’elle dévoile à L’Express en exclusivité.

 

L’Express : Les États-Unis ont-ils durci leurs règles sur les investissements venant de ou allant vers la Chine ?

Mathilde Velliet : L’idée de ne pas encourager les capacités d’un adversaire potentiel a émergé dans les années 1980. Mais le sujet n’a vraiment pris de l’importance que dans les années 2010, lorsque des acteurs chinois ont commencé à investir dans ou racheter des entreprises américaines plus ou moins stratégiques. La réglementation sur les investissements entrants s’est précisée sous l’administration Trump. Mais ce n’est que depuis deux ans que les investissements sortants, ceux des États-Unis vers la Chine, sont devenus un sujet de préoccupation, inscrit au programme politique du Congrès et de l’exécutif améraicains. Un décret signé par Joe Biden en août dernier cible les investissements américains dans trois secteurs en particulier : l’intelligence artificielle, les semi-conducteurs et le quantique. Le but de ce décret est d’imposer qu’ils soient à l’avenir notifiés aux autorités. Dans certains cas, ils seront même interdits. Cette réglementation sera mise en œuvre dans le courant de l’année. Et les États-Unis incitent les Européens à se pencher sur le sujet.


Le secteur tech est-il le seul concerné par ces restrictions ?

Elles portent en effet sur la technologie au sens large. L’objectif est de cibler tous les investissements américains susceptibles de renforcer les capacités chinoises dans la cybersécurité, le renseignement et l’action militaire.


Pourquoi les États-Unis estiment-ils qu’investir dans la tech chinoise est plus problématique que dans les entreprises d’autres pays ? Leurs alliés aussi sont susceptibles de faire émerger des concurrents à leurs champions technologiques.

La Chine n’est pas uniquement un concurrent économique et technologique des États-Unis, c’est un rival stratégique. C’est le facteur qui change la donne ici. Washington craint que la Chine menace sa suprématie technologique, car c’est le socle de sa suprématie militaire.


La part des investissements américains et européens dans la tech chinoise est limitée. Pourquoi est-ce considéré comme un sujet de préoccupation ?

En effet, trois quarts des investissements dans le secteur technologique chinois proviennent d’acteurs chinois – investisseurs, grandes entreprises, institutions publiques. Les Américains et les Européens ne sont présents que dans 12 % des cycles de financement.

Washington redoute toutefois que des investissements - même limités - financent les capacités militaires chinoises. Le paradoxe, que des politiques américains dénonçaient, est que les États-Unis restreignaient les exportations vers certaines entreprises chinoises mais autorisaient jusqu’à présent les investissements dedans. Cela revenait à interdire aux entreprises américaines de leur vendre des produits, mais aussi à donner à la Chine l’argent pour qu’elle développe elle-même ses capacités. Derrière ces transactions, il y a aussi des bénéfices intangibles tels que l’accès aux réseaux des investisseurs américains. D’où l’idée de ne pas interdire que l’export mais aussi les investissements américains dans certaines technologies chinoises.


Parmi les investissements américains et européens que vous avez analysés, lesquels étaient potentiellement problématiques ?

Un nombre assez limité. Côté européen, il y a eu un investissement dans le quantique chinois, sphère très liée au militaire, et un dans une fonderie chinoise (SJ Semi) blacklistée par les États-Unis en raison de sa contribution à la modernisation de l’armée chinoise. Parmi les dix premiers investisseurs américains en Chine, sept ont investi dans des entreprises actuellement sous sanctions. Souvent, ces investissements ont été faits avant que les sociétés ne soient inscrites sur la liste, mais il était déjà su de tous qu’elles étaient liées à l’écosystème militaire ou de surveillance chinois. Mais dans plusieurs cas, ces investissements ont eu lieu après l’inscription sur la liste d’entreprises sous sanctions. Il y a des liens non négligeables entre les investisseurs américains et certaines entreprises chinoises très liées à l’armée et la surveillance.


L’UE a-t-elle la même approche que les États-Unis sur le sujet ?

L’Union européenne, encouragée en cela par les Etats-Unis, réfléchit à la pertinence de mettre de nouveaux outils de contrôle des investissements sortants vers la Chine. Et elle a conscience du manque d’informations précises en la matière.


Vous pointez l’opacité qui entoure les investissements occidentaux vers la Chine. A quels niveaux se situe-t-elle ?

De moins en moins de données sont rendues publiques sur des bases telles que Crunchbase. Dans 4 % des cas, le nom de l’investisseur n’est pas divulgué, et dans plus de 50 % des cas le montant ne l’est pas. La création de structures intermédiaires complique encore davantage la cartographie de ces transactions. Beaucoup de structures ont un siège social en Chine mais ont, en fait, été créées pour gérer des fonds américains. C’est pour cela que les Etats-Unis veulent imposer que ces informations soient, a minima, fournies au Trésor.
 

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> Lire l'entretien dans son intégralité sur le site de l'Express.

 

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Mathilde VELLIET

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