Réfugiés : les voies pour accueillir des Afghans de façon régulière existent
Alors que la Grande-Bretagne et le Canada ont déclaré vouloir accueillir 20 000 réfugiés afghans, la France n’a pour l’instant rien annoncé. Pourtant, des solutions existent pour que cette migration se déroule de façon organisée.
Jusqu’où la France va-t-elle prendre sa part dans l’accueil des réfugiés d’Afghanistan ? Alors qu’un premier avion ramenant 184 Afghans, dont près de 50 enfants, est arrivé mercredi 18 août, l’Élysée a indiqué que 800 collaborateurs de l’armée française avaient déjà été accueillis entre 2012 et 2019 et que 625 personnes travaillant pour les services français l’avaient été entre mai et juillet 2021.
Mais, au-delà de ces exfiltrations urgentes, « il faut bien comprendre que la crise ne va pas s’arrêter quand les avions militaires seront partis », explique Jean-François Ploquin, directeur général de l’association Forum réfugiés-Cosi. Certes, la France accueille déjà de nombreux Afghans. Selon le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), elle abrite plus de 32 000 Afghans, presque autant que l’Autriche (40 000), mais moins que l’Allemagne (148 000) et surtout que l’Iran (780 000) et le Pakistan (1,438 million).
Plusieurs types de protection
Depuis quelques années, les Afghans représentent la première nationalité à solliciter l’asile dans notre pays, avec près de 10 000 demandes en 2020. Le taux de protection (90 % début 2021, selon l’Élysée) est en effet un des plus hauts d’Europe. Notre droit permet de couvrir un large spectre de menaces. La convention de Genève, signée par la France, protège tout individu menacé personnellement en raison de ses opinions politiques, sa religion, sa race… L’asile dit « constitutionnel » vise, lui, tout persécuté en raison de son action en faveur de la liberté.
Mais c’est surtout la « protection subsidiaire », accordable notamment en cas de violence généralisée, du fait d’une guerre par exemple, que reçoivent beaucoup d’Afghans. Toutefois, ce statut est moins protecteur car il donne droit à une carte de résident de quatre ans au lieu de dix. Et beaucoup d’Afghans l’obtiennent après un recours auprès de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).
Or, en novembre 2020, la CNDA a adopté une nouvelle jurisprudence estimant que tout Afghan ne doit pas être protégé du seul fait de sa nationalité… Enfin, la France a indiqué, en juillet, qu’elle n’expulserait plus les Afghans en situation irrégulière vers Kaboul, mais « il serait utile qu’elle dise aussi qu’elle n’expulsera pas vers un pays européen qui n’a pas, lui, renoncé à expulser », remarque Jean-François Ploquin.
Visas asile, réinstallation, réunification familiale…
Reste que pour demander l’asile, encore faut-il parvenir sur notre territoire. La déclaration d’Emmanuel Macron qui, alors que des milliers d’Afghans tentaient de rallier l’aéroport, a indiqué, lundi 16 août, que « nous devons anticiper et nous protéger contre des flux migratoires irréguliers importants qui mettraient en danger ceux qui les empruntent et nourriraient les trafics de toute nature », a été perçue comme peu empathique.
Alors que la Grande-Bretagne a dit son intention d’accueillir 20 000 Afghans, tout comme le Canada, Paris n’a pour l’instant annoncé aucun objectif chiffré de ce type. L’Union européenne non plus.
Pourtant, « les voies légales, qui éviteraient aux gens, qui vont de toute façon fuir, de risquer leur vie, existent », explique Matthieu Tardis, chercheur à l’Institut français des relations internationales. Paris peut par exemple « délivrer de façon discrétionnaire des visas asile, comme cela a été fait pour les chrétiens d’Irak ».
La Communauté de Sant’Egidio et les Églises protestantes proposent aussi de mettre en place un « corridor humanitaire » pour exfiltrer des réfugiés, comme cela existe depuis six ans via le Liban. On peut aussi « organiser une”réinstallation”, qui consiste à ramener des réfugiés sous mandat HCR, installés dans des camps des pays limitrophes », reprend Mathieu Tardis.
Reste enfin, « la réunification familiale qui permet aux réfugiés installés en France de faire venir leur conjoint et enfants mineurs », ajoute-t-il. Mais 3 500 dossiers afghans seraient déjà en attente selon la Cimade, pour qui « il est urgent que le gouvernement donne des instructions pour que ces demandes soient instruites ».
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