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Peut-on remplacer la dissuasion nucléaire par une dissuasion spatiale ?

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cité par Louis de Briant dans

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Jean-Luc Mélenchon veut suppléer la dissuasion nucléaire d'une dissuasion spatiale, en raison des risques de détection des forces nucléaires classiques grâce à des innovations technologiques. Un risque surestimé, selon les experts, alors que le droit spatial interdit strictement d’armer des satellites.

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Le porte-avions français "Charles de Gaulle", Mer Méditerranée, mars 2019
Le porte-avions français "Charles de Gaulle", Mer Méditerranée, mars 2019
Joris van Boven/Shutterstock
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Jean-Luc Mélenchon est persuadé que l’évolution technologique rend ou rendra caduques les moyens actuels de dissuasion, que ce soit les avions de combat Rafale portant l’arme nucléaire ou les sous-marins capables de tirer les missiles stratégiques depuis le fonds des océans. Ces derniers ne seraient plus aussi indétectables que par le passé, du fait de la multiplication des drones de surveillance sous-marins, de la capacité des câbles sous-marins de télécommunications à détecter des variations dans leur environnement ou encore des progrès réalisés par l’observation satellitaire. «Les sous-marins, même en eaux très profondes, pourraient finir par être décelables», selon Jean-Luc Mélenchon. La dissuasion nucléaire française est composée de 290 têtes nucléaires, selon la Federation of American Scientists, ce qui la place en quatrième position derrière la Russie (presque 6 000 têtes), les Etats-Unis (5400) et la Chine (350). Les forces stratégiques sont notamment composées de quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) prévus pour être remplacés par leurs successeurs de 3e génération à partir de 2035, d’une trentaine d’avions Rafale et du porte-avions Charles de Gaulle. La dissuasion nucléaire, questionnée à gauche, sanctifiée à droite.

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Les sous-marins et avions Rafale qui composent les forces stratégiques sont-ils devenus vulnérables ?

  • «Les sonars les plus performants qui équipent les frégates françaises permettent de les détecter à quelques dizaines de kilomètres, pas des centaines de kilomètres», affirme Jean-Louis Lozier, conseiller du Centre des études de sécurité de l'Ifri et ancien officier de marine. Quant aux progrès de l’observation satellitaire, «les ondes électromagnétiques qu’elle emploie pénètrent très peu dans l’océan», rappelle-t-il. S’il n’écarte pas une potentielle «découverte scientifique qui remet tout en cause», cela reste pour l'instant vrai «dans n’importe quel domaine», selon lui.

Les drones sous-marins mentionnés par les députés LFI n’ont pour l’instant pas assez d’énergie pour se mouvoir facilement dans l’eau, et ont des difficultés à communiquer. «Ils peuvent donc constituer des menaces dans des endroits précis, comme des passages resserrés ou une zone restreinte, mais pas encore en plein océan.» En outre, les moyens de détection qu’ils utiliseraient, comme les sonars, sont connus de longue date des sous-mariniers, qui savent s’en protéger. Le même raisonnement s’applique aux vibrations qui pourraient être captées par les câbles sous-marins :

  • «Les SNLE se fondent dans le bruit de fond de la mer, pour que des dispositifs acoustiques dédiés ne les détectent pas», rappelle Jean-Louis Lozier. Les quatre SNLE de la génération actuelle, le Triomphant, le Téméraire, le Vigilant et le Terrible, mis en service dans la Marine nationale entre 1997 et 2010, font ainsi mille fois moins de bruit que ceux de la génération précédente, grâce à un travail sur les propulseurs et les hélices.

Dans leur tribune, Jean-Luc Mélenchon et Bastien Lachaud soulignent également le danger que posent les antineutrinos, qui pourraient selon eux permettre de détecter des particules subatomiques émises lors de la désintégration nucléaire, donc des armes nucléaires. Une carte publiée en 2015 dans la revue scientifique Nature faisait par exemple état de la radioactivité sur Terre, à la fois naturelle et liée aux centrales nucléaires. Mais les auteurs précisent «nous trouvons un flux dominant de géo-neutrinos, prédisons des contributions sous-égales de la croûte et du manteau, avec environ 1% du flux total provenant des réacteurs nucléaires artificiels», soit une concentration très faible même au niveau des centrales nucléaires.

  • «Pour les détecter, les quelques instruments qui existent sur Terre sont constitués de 1000 tonnes de liquide, à plusieurs centaines de mètres sous terre, et ne décèlent qu’une infime proportion de neutrinos», précise Jean-Louis Lozier. Des tirs vers l’espace techniquement faisables, des tirs vers la Terre plus difficiles

Concernant la dissuasion spatiale, les députés LFI évoquent «des tirs de la Terre vers l’espace», «des tirs de l’espace vers l’espace» et «des tirs de l’espace vers la Terre». Les deux premières options semblent techniquement faisables. En novembre 2021, la Russie a détruit un ancien satellite soviétique à l’aide d’un tir de missile, s'attirant au passage les foudres de la communauté internationale, les débris ayant menacé la sécurité de la Station spatiale internationale. Le pays emboîtait ainsi le pas à la Chine, aux Etats-Unis et à l’Inde. «La France ne l’a jamais fait, mais on peut penser qu’elle serait en capacité de la faire», estime Arthur Sauzay, avocat et spécialiste des politiques spatiales auprès de l’Institut Montaigne. De même, des tirs de l’espace vers l’espace seraient une première pour le pays mais restent imaginables.

En revanche, «il n’est pas si simple, quand vous êtes placé en orbite, de vous désorbiter pour tirer sur Terre» depuis l’espace, pointe l’avocat. D’autant que «la destruction des stocks nucléaires» depuis le cosmos voulue par Jean-Luc Mélenchon se ferait forcément par le biais de… missiles nucléaires, selon Arthur Sauzay. Autrement, assure-t-il, «il faudrait un nombre incalculable de missiles pour détruire ces installations, renforcées et bétonnées». Loin du monde «d’où l’arme nucléaire serait bannie» promis par le candidat à la présidentielle. Les satellites eux-mêmes vulnérables à des tirs depuis la Terre ?

Surtout, «cette idée ne va pas sans inconvénients majeurs non plus, reconnaissent les deux signataires de la tribune. Elle remet en cause le traité sur l’espace de 1967, qui fonde sa démilitarisation.» Jean-Luc Mélenchon et Bastien Lachaud affirment que les grandes puissances y contreviennent ouvertement, ce qui est en partie vrai, concède Arthur Sauzay : «On sait bien que certains programmes sont doubles, avec une capacité à la fois civile et militaire.» Aucun pays n’a toutefois été jusqu’à armer ses satellites. «Le droit spatial est très clair : il est interdit de stocker des armes de destruction massive dans l’espace. On serait dans une situation de violation flagrante du traité de 1967.»

  • «L’équilibre de la terreur» entre puissances nucléaires s'est jusqu'à présent maintenu. La dissuasion spatiale, elle, doit encore faire ses preuves avant de lui succéder. «Rien ne dit qu’un armement conventionnel dissuaderait un armement non-conventionnel», déclare Jean-Louis Lozier. Ni que les satellites armés seraient eux-mêmes moins exposés que les SNLE ou les Rafale des forces nucléaires. «Des plateformes armées dans l’espace seraient particulièrement vulnérables. Elles seraient immédiatement détectées et potentiellement ciblées depuis la Terre», s’alarme l’ancien officier.

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Jean-Louis LOZIER

Intitulé du poste

Conseiller, Centre des études de sécurité de l'Ifri

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Le porte-avions français "Charles de Gaulle", Mer Méditerranée, mars 2019
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