Nucléaire, le retour d'une technologie qui divise
Héloïse Fayet est l'invitée de l'émission "Le débat de midi", consacrée au retour du nucléaire, animée par Jean-Mathieu Pernin avec Valérie Faudon, Yves Marignac et Jean-Jacques Ingremaud.
Entre la relance d'un programme nucléaire civil en France décidée en 2022 par le président Macron et l'agitation de la menace d'emploi d'armes nucléaires par le président Poutine, le nucléaire fait son grand retour dans l'actualité. La durée de vie de la centrale de Tricastin a été ainsi allongée de dix ans pendant que la construction de six à 14 nouveaux EPR a été annoncée pour 2035 afin d'atteidnre l'objeticif d'une neutralité carbone en 2050. Enfin, le succès cinématographique du film Oppenheimer (avec quatre millions de spectateurs en France) remet aussi le sujet dans le débat public.
Valérie Faudon, déléguée générale de la Société française d’énergie nucléaire (SFEN) et Vice-Présidente de l’European Nuclear Society (ENS)
Yves Marignac, chef du Pôle énergies nucléaire et fossiles de l’Institut négaWatt
Héloïse Fayet, chercheuse au Centre des études de sécurité de l'Institut français des relations internationales (Ifri) et coordinatrice du programme de recherche sur la dissuasion nucléaire et la prolifération.
Jean-Jacques Ingremeau, docteur en physique des réacteurs nucléaires et membre du conseil d'administration de l'Association française pour l’information scientifique
Qu'est-ce qui justifie cet impression du retour du nucléaire ?
Il est important de distinguer le nucléaire civil du nucléaire militaire. Tous les Etats dotés d'armes nucléaires (EDAN) n'ont pas de programme nucléaire civil : par exemple, le nucléaire ne représente que 16% du mix énergétique au Royaume-Uni, un pays qui a des armes nucléaires. Et vice-versa : heureusement que la trentaine de pays qui utilisent l'atome pour produire l'électrictié n'ont pas tous des armes nucléaires, sinon ce serait un facteur important de déstabilisation. Il existe des risques propres au nucléaire civil (sûreté des centrales, accident...) tandis que le militaire recouvre d'autres enjeux : il est utilisé à des fins politiques, de démonstration, et avec ses propres règles et mécanismes de non-prolifération. Ce n'est d'ialleurs pas le même type de matière employé dans les armes et dans les centrales.
Outre de nouveaux acteurs dans le paysage de l'énergie nucléaire, certains pays apparaisssent aussi comme des candidats à la prolifération nucléaire.
Quelques pays s'intéressent au nucléaire militaire, notamment l'Iran qui, sous prétexte de développer un programme nucléaire civl, conduit des recherches qui peuvent facilement basculer vers la militarisation. Le cas des Emirats arabes unis ou de l'Arabie saoudite est aussi intéressant car ils se sont lancés dans le chantier du nucléaire civil avec possiblement des arrières-pensées militaires. Pour éviter le risque de prolifération au Moyen-Orient, mais aussi dans des pays africains ou en Asie, il est donc important d'accompagner ces Etats pour qu'ils sse mettent en conformité avec les règles de l'Agence internationale de l'énergie atomique.
Les installations nécessaires pour enrichir de l'uranium à une qualité militaire sont heureusement très reconnaissables et l'uranium utilisé dans les centrales n'est pas utilisable sans transformation dans des armes nucléaires. Il est aussi nécessaire d'avoir un vecteur (par exemple un missile balistique) pour délivrer la charge nucléaire, et ce n'est pas facile d'en acquérir ou d'en développer.
Le coup d'Etat au Niger a également mis en lumière les risques de dépendance en termes d'approvisionnement en uranium, combustible des centrales nucléaires et matière utilisée dans les armes nucléaires. Cependant, au vu des cycles très longs de consommation de la matière et des autres sources d'approvisionnement, cette dépendance est en réalité faible.
En ce qui concerne le nucléaire militaire, la France a démantelé à la fin des années 1990 ses installations de production et d'enrichissement d'uranium et de plutonium pour ses armes nucléaires. Toute la matière fissile est donc recyclée et il n'y a aucun risque de dépendance.
Enfin, le nucléaire a largement été utlisé par Poutine et le gouvernement russe dans le cadre de la guerre en Ukraine. Il a rappelé à plusieurs reprises la taille et la puissance de son arsenal nucléaire et effectué des tests de démonstration.
Les activités nucléaires effectuées par Poutine relèvent du signalement stratégique et de la doctrine nucléaire russe. Il faut bien sûr condamner cette rhétorique agressive, et s'interroger sur le futur de la dissuasion nucléaire quand un pays sanctuarise son territoire à l'aide de ses armes et se comporte d'une façon irrespnsable en envahissant un autre Etat non doté d'armes nucléaires. Cependant, ce n'est pas l'échec de la dissuasion nucléaire, étant donné que la dimension nucléaire de l'OTAN a permis de limiter le conflit à une partie de l'Etat ukrainien, sans risques de débordement.
> Ecoutez l'émission sur le site de France Inter
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