Munitions : la France doit stocker pour « amortir le choc initial » d’une guerre
Les réserves de certains missiles et obus sont limitées, comme le signalaient des militaires dans un rapport de juin 2021. Entretien avec l'un des auteurs.
Dans de nombreux dépôts de munitions français, les étagères sont vides. « Nous n'avons pas la quantité qui nous permettrait de soutenir un conflit de longue durée », alerte Christian Cambon, président de la commission de la Défense au Sénat. Pilote de chasse, Raphaël Briant est coauteur d'un rapport intitulé « La masse dans les armées françaises : un défi pour la haute intensité », publié par l'Institut français des relations internationales (Ifri) en juin 2021.
Ses conclusions ont notamment été utilisées depuis l'invasion de l' Ukraine par les députés et sénateurs français pour évaluer l'état de préparation des forces à un conflit majeur. Parmi les défis à relever, la question des munitions est cruciale : sans un stock suffisant, il serait impossible pour les armées de tenir plus de quelques jours. Lors de leur assaut sur Kharkiv, en Ukraine, les militaires russes ont tiré en une minute ce que l'armée française tire en un an à l'entraînement...
Le Point : Avons-nous en France assez de stocks de munitions ?
Raphaël Briant : Les armées se sont engagées depuis quelques années sur une remontée en puissance des stocks de munitions pour faire face à une guerre de haute intensité dans le cadre de l'ambition opérationnelle 2030. C'est également la capacité à mobiliser des stocks suffisants pour absorber la forte consommation de munitions dans les premiers jours d'un tel conflit qui demeure au coeur de cet enjeu. La question du stockage des munitions sur nos points d'appui est donc cruciale pour assurer avec un faible préavis un approvisionnement initial suffisant en cas de crise majeure. Notre système fonctionne trop sur les flux et pas assez sur les stocks : il faut équilibrer les deux.
Peut-on relancer la fabrication rapidement ?
Il y a de fortes contraintes industrielles qui conditionnent le passage d'une production de temps de paix à une production de temps de guerre : il faudrait ouvrir de nouvelles chaînes de production, former des ouvriers, fonctionner en « trois huit »... La question est donc celle des capacités de l'industrie de défense à assurer cette transition en réduisant au minimum les délais de montée en puissance. Les armées doivent donc disposer de stocks suffisants pour amortir le choc initial de la haute intensité le temps de la montée en puissance de la production industrielle. La fabrication de munitions complexes, comme des missiles ou certains obus d'artillerie, peut prendre jusqu'à 24 mois, notamment en raison des approvisionnements longs tels que les explosifs ou les composants électroniques spécifiques. Pour raccourcir ces approvisionnements, il faudrait pouvoir stocker sur place, près des usines, les éléments essentiels à la production, mais cela poserait évidemment de nouvelles contraintes sur la soutenabilité des coûts de structure et le respect des réglementations, notamment sur l'entreposage de certains produits chimiques.
Quel est le bon niveau de production de munitions ?
L'intensité d'un conflit est variable dans le temps : la haute intensité des premiers moments est très consommatrice, et peut durer quelques jours à quelques semaines. Puis viennent des phases d'intensité intermédiaire avec des pics de haute intensité, par exemple lors des contre-offensives. Donc, la consommation des munitions est variable aussi. Le moment le plus critique correspond au choc initial, auquel les flux, tels qu'ils sont calibrés, ne permettent pas de faire face en l'absence de stocks suffisants. Il faut donc pouvoir durer un minimum. Aujourd'hui, l'hypothèse d'engagement majeur des armées françaises prévoit un délai de six mois pour remonter en puissance, le temps de recalibrer les flux. Or, on le voit bien en Ukraine, le tempo des crises est très différent : nous n'avons pas toujours six mois pour monter en puissance !
> Lire l'intégralité de l'article sur le site du Point.
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