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Mort d'al-Zawahiri : "Tout un pan du djihadisme contemporain s'en va avec lui"

Interventions médiatiques |

interviewé par 

  l'Express
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Dans la nuit de samedi à dimanche, les États-Unis ont abattu le numéro un d'Al-Qaïda. Le chef de l'organisation terroriste, à l'origine des attentats du 11-Septembre, a été touché par un missile tiré depuis un drone alors qu'il prenait l'air sur son balcon à Kaboul. Si "tout un pan du djihadisme contemporain" disparaît avec Ayman al-Zawahiri, l'organisation est en mesure d'absorber ces assassinats ciblés, selon Elie Tenenbaum, co-auteur de "La Guerre de vingt ans : Djihadisme et contre-terrorisme au XXIe siècle", et directeur du centre des études de sécurité de l'Institut Français des Relations Internationales (Ifri). 

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Quel est l'impact de la mort d'al-Zawahiri pour Al-Qaïda ?

Son décès est crucial sur un plan symbolique. Né au Caire en 1951, il était l'une des dernières figures du djihadisme des années 1980. Al-Zawahiri était à l'origine du djihad égyptien, membre des Frères musulmans, et l'un des fondateurs d'Al-Qaïda avec Oussama Ben Laden. Il en était le leader incontesté depuis sa mort. Tout un pan du djihadisme contemporain s'en va avec cet homme, également considéré comme un intellectuel religieux et comme l'un des cerveaux du 11-Septembre.

Néanmoins, sa mort n'aura pas d'effet majeur sur le plan organisationnel. Depuis les attentats qui ont frappé les Etats-Unis en 2001, suivis de l'intervention américaine en Afghanistan, l'organisation s'est transformée en profondeur. Elle s'est décentralisée pour devenir moins vulnérable aux frappes d'élimination ; al-Zawahiri était d'ailleurs l'un des artisans de ce changement. Al-Qaïda au Maghreb islamique étant dirigé par Abou Oubaïda Youssef al-Annabi, cette branche ne sera donc pas impactée. De même qu'Al-Qaïda dans la péninsule arabique, au Yémen, car la filiale dispose aussi de son propre chef. Puis, toute cette organisation est résiliente, car elle ne repose pas uniquement sur ses dirigeants. Dans ce contexte, Al-Qaïda risque de rester l'incarnation la plus dynamique du djihad dans le monde, pour reprendre la formule du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Quel pourrait être le nouveau leadership d'Al-Qaïda, qui a déjà perdu son numéro 2 il y a deux ans, Abdullah Ahmed Abdullah ?  

De ses successeurs, celui dont on parle le plus est Saif Al-Adel, un ancien militaire égyptien. C'est un opérationnel charismatique mais avec une image moins religieuse et intellectuelle qu'al-Zawahiri. À voir si Al-Qaïda privilégie un religieux ou un combattant comme l'était Oussama Ben Laden. Une élection se tiendra au sein de la Choura, après la réunion d'un conseil de direction. Le successeur désigné sera alors présenté sous son nom de guerre aux autres personnalités de la mouvance, comme le veut le protocole. Ce processus pourrait prendre environ un an. 

Comment interpréter le fait qu'al-Zawahiri résidait à Kaboul alors que les talibans avaient promis de ne plus héberger de terroristes, conformément aux accords de Doha signés avec les Etats-Unis en 2020 ? 

La présence d'al-Zawahiri contrevient totalement à l'esprit des accords de Doha, mais pas à la lettre, car textuellement, l'accord est flou. Les talibans se sont engagés à lutter contre l'installation de responsables djihadistes et d'organisations terroristes comme Al-Qaïda. Mais il leur suffit de dire : "Nous ne l'avons pas permis, nous ne savions pas qu'il était là." Après, cela ne trompe personne. Al-Zawahiri n'était pas en périphérie de Kaboul, mais dans un quartier cossu du centre de la ville, où vivent également certains dignitaires. De plus, lors des six derniers mois, al-Zawahiri a publié de nombreuses vidéos de propagande, après une période beaucoup moins dense. Cela montre qu'il bénéficiait d'un certain confort depuis son départ du Pakistan et son retour en Afghanistan après la reprise en main du pays par les talibans. Et ce, même si pour sa sécurité il ne prenait l'air que sur le balcon de l'édifice où il a été tué. 

Alors, soit les talibans doivent être considérés comme largement incompétents pour ne pas l'avoir repéré, soit ils sont revenus sur leur parole. La situation est encombrante pour le régime et pour sa propagande visant à restaurer son image auprès des Occidentaux. Personne n'est dupe du lien persistant entre les talibans et Al-Qaïda.  

Quant aux États-Unis, la frappe n'est pas une violation de l'accord selon eux, car le texte empêche surtout contre la présence de troupes terrestres sur le territoire afghan. Les Américains se sont donc réservé la possibilité d'agir, avec des moyens déportés, vraisemblablement depuis des bases extérieures. 

Un an après le retrait chaotique des forces américaines d'Afghanistan, que symbolise cette élimination pour les États-Unis ? 

Cette opération démontre que les Américains n'ont pas abandonné la lutte contre le terrorisme même si elle est moins visible depuis le départ d'Afghanistan. D'importantes ressources sont toujours octroyées au renseignement et à la politique d'élimination ciblée des chefs djihadistes, dont Joe Biden a été un des grands artisans. Lorsqu'il était vice-président d'Obama, le démocrate a participé à construire cette doctrine, qui préfère les drones et les armes visant à limiter les dommages collatéraux, aux vastes opérations militaires. 

Lire l'interview sur le site de l'Express.

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Élie TENENBAUM

Élie TENENBAUM

Intitulé du poste

Directeur du Centre des études de sécurité de l'Ifri