Malgré des effets industriels limités, le contrôle des métaux critiques de Pékin inquiète
Depuis 2023, la Chine a mis en place des restrictions d’exportations sur différents métaux critiques dont elle domine la production. Malgré des hausses des prix parfois notables, les disruptions restent limitées et très dépendantes des marchés de chaque élément. Le risque d’une fermeture des vannes plus drastique inquiète néanmoins, alors que les métaux ciblés sont indispensables pour la transition écologique et la défense.
C'est devenu une habitude pour nombre de dirigeants industriels : consulter fébrilement ses responsables d'approvisionnement ou ses fournisseurs à chaque nouvelle annonce de restrictions d'exportations de métaux critiques par Pékin. De fait, depuis la première instauration de licences d’exportation sur le gallium et le germanium, en juillet 2023, le puissant ministère du Commerce de la République populaire de Chine a réitéré. Il a visé le graphite de haute pureté fin 2023, puis l’antimoine à l’été 2024. En novembre, une vague de nouvelles restrictions viserait, selon le journal japonais Nikkei, différents produits de tungstène, de magnésium, d’aluminium et de titane. Sans être les grandes stars du tableau périodique de Mendeleïev, tous ces matériaux ont en commun d’être critiques pour une foule de secteurs, dont la défense, et d’être produits ou raffinés en grande partie par la Chine.
Guerre économique
« Les licences d’exportation imposent aux vendeurs de donner des informations à propos de l’acheteur et de ses plans. La Chine signale ainsi qu’elle peut mettre en place un véritable contrôle des flux, en ciblant des matériaux “double usage” (civil et militaire) car cela permet de justifier ces restrictions dans le cadre de l’arrangement de Wassenaar, qui donne droit aux États de ne pas exporter des produits qui pourraient heurter leur sécurité nationale », explique John Seaman, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (Ifri) qui suit de près le sujet.
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À court terme, «il s’agit souvent pour Pékin de favoriser sa propre industrie, en sécurisant ses usages domestiques», résume le chercheur associé à l’Ifri, Raphaël Danino-Perraud.
Mais le risque d’escalade est dans toutes les têtes.
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Le manque de graphite serait aussi critique. Ce matériau à base de carbone sert dans les lubrifiants, la métallurgie et pour certaines applications défense… mais est surtout indispensable dans les anodes de batteries électriques. Créneau sur lequel la Chine est en quasi-monopole ! Là, « l’objectif de la Chine semble plutôt de mettre à profit sa très forte présence dans le secteur pour contrarier la montée en puissance de l’industrie des batteries européenne », estime Raphaël Danino-Perraud.
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En suscitant les inquiétudes, les restrictions commerciales sont une arme à double tranchant, qui peut convaincre les industriels touchés de diversifier leurs fournisseurs, rappelle John Seaman, en soulignant que les Etats-Unis sont en avance sur le sujet.
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Mais ces projets prennent des années et face aux alternatives, « la Chine peut aussi inonder le marché, comme elle l’a fait avec les terres rares dont les prix sont au plus bas », prévient John Seaman. Sans volonté sérieuse, les plans pour contourner un premier coup de pression de la Chine en 2010 risquent de prendre l’eau.
> Lire l'article dans son intégralité sur le site de l'Usine Nouvelle.
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