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Les candidats et le slogan de « l'effort de défense à 2% »

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cité par Nathalie Guibert dans

  Le Monde
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Si droite et gauche, à l’exception de Jean-Luc Mélenchon, s’accordent sur l’augmentation du budget, la réflexion stratégique est absente du débat.

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En vue de l'élection présidentielle, le chef d'état-major des armées, Pierre de Villiers, a-t-il eu raison de promouvoir un objectif simple, celui de porter à 2% du produit intérieur brut (PIB) l'effort de défense du pays, contre 1,78 % aujourd'hui ?

La « communauté de défense », ministère, industriels et parlementaires réunis, a souscrit à cet angle d'attaque: c'était, a-t-elle jugé, la seule manière d'imposer un sujet qui n'occupe jamais le devant de la scène électorale. Les « 2 % » permettaient de traduire la prise de conscience des menaces qui se sont brutalement imposées à tous depuis 2014 : agressivité russe, terrorisme islamiste en France et à l'extérieur, mais aussi nouvelles incertitudes stratégiques, depuis la course à la bombe de la Corée du Nord jusqu'au Brexit.

En présentant sa feuille de route sur la défense, vendredi 31 mars, François Fillon s'est engagé à augmenter dès 2018 le budget - ce qui est déjà prévu, la question étant de savoir dans quelle proportion cela aura lieu - et le candidat LR a déclaré vouloir atteindre les 2 % en 2023. Soit l'année terminale d'une nouvelle loi de programmation militaire (LPM) 2019-2023, à laquelle les principaux candidats souscrivent eux aussi. Objectifs? Moderniser la dissuasion, combler les manques criants de l'équipement des armées et préparer les armes futures. Ce triptyque est déroulé par le chef d'état-major depuis des mois. « Sur les dix dernières années, on a demande à la défense 40 % des économies réalisées sur les dépenses de l'Etat », a déclaré M. Fillon lors d'un meeting à Toulon.

Dans la campagne, en apparence, le général de Villiers a donc été entendu. Avec l'aide de l'actuel ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, qui a depuis 2012 toujours su obtenir le soutien des ténors de la droite pour préserver son budget face à Bercy, les 2 % bénéficient d'un consensus assez large.

Les principaux candidats s'y sont engagés, à l'exception de Jean-Luc Mélenchon, qui juge dans la Revue Défense nationale d'avril « inutile de graver dans le marbre un pourcentage qui ne signifie rien en lui-même ». Le candidat de La France insoumise souhaite que la France quitte l'OTAN, or c'est dans l’Alliance, en 2014, qu'elle s'est engagée avec ses 27 partenaires à atteindre cet effort dans les dix ans.

« Le moment de vérité »

Le chef d'état-major a un plan précis, fondé sur une analyse des menaces à cinq ans qui, elle, n'a pas été rendue publique : passer d'un budget de 32,7 milliards en 2017 à 42,5 milliards d'euros dès 2022. Le gouvernement actuel a repoussé à 2018 et 2019, soit les deux dernières années de sa programmation, l'essentiel des augmentations de crédits décidées par François Hollande après les attentats de 2015. Il s'agirait d'accélérer fortement cet effort. A y regarder de plus près, cependant, les engagements des candidats restent très généraux.

François Fillon renvoie ses décisions financières à une nouvelle « revue stratégique » à la fin de l'été. Il annonce une « redéfinition » des opérations extérieures et un « redimensionnement » de l'opération « Sentinelle » en France. Dans l'attente de précisions, ces deux projets sont compris pour l'heure comme une diminution des engagements militaires.

Le 23 mars, à Strasbourg, le socialiste Benoît Hamon s'est inscrit dans la continuité. Tout comme Emmanuel Macron, à Paris, le 18 mars. Les mots des deux candidats issus des rangs de la majorité précédente diffèrent peu. Ils ont été choisis ou fortement influencés par l'équipe de Jean-Yves Le Drian, qui a fini par rejoindre le leader d'En marche !.

Les deux candidats vantent « l'autonomie » stratégique héritée du gaullisme, les alliances de la France (OTAN et Union européenne) et la légalité internationale de ses opérations. Ils veulent conforter la cyberdéfense, le renseignement. Le premier souscrit à la lettre au plan de l'état-major : la future LPM « portera en 2022 à 2% du PIB l'effort de défense ». M. Hamon dit lui aussi vouloir combler les « déficits de capacités » (hélicoptères, ravitailleurs, patrouilleurs), mettre les ressources au niveau des opérations en cours, car elles dépassent les contrats fixés par le Livre blanc de 2013, et garantir la dissuasion.

M. Macron propose 2 %, mais en 2025, au nom du réalisme. Soit, précise-t-il, un budget de 50 milliards d'euros contre 32 milliards en 2017. « Les volontarismes d'estrade, lorsqu'ils se heurtent à la réalité de la gestion, ont une victime, la communauté de défense. » Mais en ajoutant à son panier l'idée d'un service militaire obligatoire d'un mois, aux contours flous et au coût faramineux de 15 milliards à 20 milliards d'euros, le candidat d'En marche ! a brouillé son message.

Marine Le Pen, quant à elle, surenchérit : ce sera « 3 % à l'horizon 2023-2025 », et « cela correspond dès 2018 à une augmentation du budget d'environ 4,5 milliards par rapport à la trajectoire prévue ». Pour la candidate du Front national, il s'agit de « revenir sur la longue diminution de l'effort, qui s'est accélérée sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy-Fillon et poursuivie jusqu'en 2016 par M. Hollande, qui a conduit à la suppression de 70000 postes et à la réduction de la plupart des grands programmes d'armement ». Son objectif est jugé totalement irréaliste par tous les experts.

Les « 2 % » sont ainsi devenus le slogan de tout prétendant à la fonction de président chef des armées responsable dans un monde dangereux. Derrière, les grands choix stratégiques que cela implique échappent au débat présidentiel. Aucun candidat ne s'attaque à un bilan précis des opérations extérieures du quinquennal Hollande. Nul ne dissèque le « modèle complet » d'armée, dans lequel les trous capacitaires affaiblissent l'autonomie française. La faisabilité d'un fonds européen d'investissement a été peu explorée, sauf par M. Macron.

« Le prochain quinquennat sera le moment de vérité de la défense française », résume Corentin Brustlein dans une note comparative de l'Institut français des relations internationales consacrée à l'agenda diplomatique du prochain président. Pour ce dernier, en raison du sous-financement structurel des armées, « l'héritage des mandats précédents est si lourd (...) que le quasi-consensus concernant les 2% du PIB masque l'enjeu du prochain mandat: le besoin de crédits continuant de croître de un à deux milliards d'euros par an sur toute la durée de la législature ».

En privé, devant ses interlocuteurs, le chef d'état-major ne cache pas ce qu'il dira au nouveau président : « Si je n'ai pas mes 2 %, ce sera sans moi. » 

 

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Corentin BRUSTLEIN

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Ancien Directeur du Centre des études de sécurité de l'Ifri