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À La Haye, Aung San Suu Kyi demande à être entendue

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  Ouest-France
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Les médias occidentaux, notamment français, sont partisans quand ils lâchent leur verdict sans même avoir pris le temps d’analyser le discours d’Aung San Suu Kyi ou de faire un détour par l’histoire, pourtant nécessaire, pour comprendre la complexité d’un parcours national heurté. Aung San Suu Kyi a décidé d’aller elle-même défendre devant la Cour internationale de Justice la cause de son pays accusé de génocide ; l’approche gambienne fait glisser les accusations de l’armée et de ses chefs vers la responsable de l’exécutif.

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Aveu de faiblesse, force de caractère ou encore manœuvre politique habile ? Alors qu’elle sait qu’elle va concentrer sur elle un tir groupé de critiques, elle s’expose « sans passion » tant la cause est essentielle pour la Birmanie / Myanmar, pour son avenir et son positionnement international. L’a-t-on suffisamment compris en faisant haro sur elle ? En expliquant les données internes, elle reprend possession du narratif et se présente comme le meilleur défenseur de la Nation, alors que des élections auront lieu dans moins d’un an.

Usage « disproportionné » de la force

Elle le fait avec conviction et sans émotion. Son exposé d’environ 40 minutes était clair, a rétabli les rôles sans escamoter les responsabilités de l’armée. Pour la première fois, elle reconnaissait les fautes et dérives perpétrées par la Tatmadaw, l’armée birmane, qui a fait preuve, a-t-elle admis, d’un usage « disproportionné » de la force et qui n’a pas établi de distinction suffisamment claire entre les combattants (de l’Armée du Salut des Rohingyas de l’Arakan) et les civils ; elle a également rappelé que la justice militaire devra faire son travail. Autant de messages qu’elle fait passer à la Cour mais aussi en filigrane, à Naypidaw. Car pour qui connaît les paramètres politiques locaux, c’est une critique directe et assumée à cette armée qui voudrait la voir chanceler et sur laquelle elle a peu de prise. Faut-il rappeler que l’armée birmane maintient un contrôle complet sur trois ministères régaliens, la défense, la sécurité intérieure et les frontières ?

Refus du terme « génocide »

En revanche, et c’est là la pierre angulaire de son exposé, elle a clairement réfuté le terme de « génocide » car pour qu’il y ait génocide, il faut qu’il y ait intention planifiée : à ce titre, elle a démonté l’argument mis en avant par la Gambie et replacé la succession des faits dans leur déroulement en tentant de démontrer que « l’intention génocidaire » n’était pas la seule hypothèse. Cette approche juridique – qui était la raison de sa présence aux Pays-Bas – ne saurait faire oublier les traumatismes profonds subis par les milliers de victimes, dans l’État de Rakhine, autant qu’au Bangladesh.

C’est la première fois que la ministre des Affaires étrangères a publiquement exprimé de l’empathie pour ces populations « musulmanes », pour la souffrance de ces victimes innocentes. Car contrairement à ce qu’ont dit certains journaux, à aucun moment ASSK n’a utilisé le terme de Rohingya ; de même qu’aucun panneau la montrant entre plusieurs généraux n’a été placardé à travers le pays comme d’autres médias l’ont annoncé. À juger trop rapidement, l’Occident entretient un malentendu qui ne profite à personne. Et certainement pas aux Rohingyas entassés dans des camps à qui il faudra bien trouver une porte de sortie digne et pérenne.

 

L'article est également disponible sur le site de Ouest-France.

 

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Sophie BOISSEAU du ROCHER

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Ancienne Chercheuse associée, Centre Asie de l'Ifri