Guerre entre Israël et le Hamas : les pistes envisagées pour la bande de Gaza à l'issue du conflit
"Il y a une chose sur laquelle il n'y a absolument pas de doute : le Hamas ne peut pas faire partie de l'équation", a affirmé John Kirby, le porte-parole de la Maison Blanche, le 7 novembre. La veille, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait proposé une série de principes fondamentaux pour l'avenir de Gaza. L'enclave palestinienne ne peut plus être un "sanctuaire pour les terroristes", a-t-elle plaidé."Plusieurs idées sont actuellement discutées sur la manière dont cela peut être assuré, (...) y compris une force de paix internationale sous mandat de l'ONU."
Une éventuelle transition assurée par les Nations unies
Plusieurs voix défendent cette idée et celle d'une administration temporaire internationale à Gaza, à l'issue des combats.
Le chercheur américain Steven Simon, professeur en études moyen-orientales à l'université de Washington, développe cette perspective dans la revue Foreign Affairs. Un groupe de contact incluant les Etats-Unis et l'UE, l'ONU, Israël, des pays voisins et l'Autorité palestinienne pourrait "développer un plan pour transférer le contrôle de Gaza d'Israël à l'ONU, une fois les combats terminés". La mission s'annonce immense, mais elle permettrait l'arrivée d'une administration "de transition" à Gaza, ainsi que le maintien de l'ordre et des services publics après la guerre.
Joan Deas s'interroge toutefois sur les capacités de l'ONU à gérer des problématiques administratives du quotidien, comme le paiement des salaires des fonctionnaires. Ces missions relèvent actuellement de la responsabilité du gouvernement du Hamas. Se pose aussi la question de l'implication de pays arabes, note The Economist. Le magazine britannique souligne les hésitations possibles des Emirats arabes unis, le manque de popularité de l'Egypte dans la bande Gaza et le probable veto d'Israël à tout rôle futur du Qatar dans l'enclave palestinienne.
Le risque est aussi celui d'un manque de soutien, à la fois israélien et palestinien, à cette option d'une administration internationale, ajoute Amélie Ferey, chercheuse à l'Institut français des relations internationales (Ifri) : "Cela me paraît difficilement faisable en l'état."
Un possible retour au pouvoir de l'Autorité palestinienne
A plus long terme, l'une des pistes évoquées est celle d'un nouveau pouvoir palestinien à la tête de l'enclave, administrée depuis 2007 par le Hamas. "Ce qui aurait le plus de sens, ce serait qu'une Autorité palestinienne efficace et revitalisée ait la responsabilité de la gouvernance et, à terme, de la sécurité de Gaza", a assuré le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken. L'Autorité palestinienne, qui administre aujourd'hui la Cisjordanie, dirigeait également la bande de Gaza avant que le Hamas n'y prenne le pouvoir.
Pour Joan Deas, l'option d'un retour de l'Autorité palestinienne à la tête du territoire semble à l'heure actuelle "la plus probable", même si elle se heurte à de nombreux obstacles. Le premier est son impopularité au sein de la population : en septembre, 76% des Palestiniens interrogés étaient mécontents des actions de Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne, selon une étude.
Seuls 21% des Palestiniens de Cisjordanie et 24% des Gazaouis se disaient satisfaits de son travail. "On considère que [les responsables de l'Autorité palestinienne] sont corrompus, qu'ils ne sont pas représentatifs... Il y a eu beaucoup de manifestations contre le pouvoir en Cisjordanie, qui ont été fortement réprimées", rappelle Joan Deas.
"Il faudrait une Autorité palestinienne sans Mahmoud Abbas", abonde Amélie Ferey. Pour la spécialiste du conflit israélo-palestinien, le prisonnier palestinien Marwan Barghouti est "l'alternative la plus crédible".
Un risque d'occupation du territoire par Israël
Mais l'émergence d'un nouveau gouvernement palestinien à Gaza dépendra aussi "de qui va être au pouvoir en Israël après cette guerre", pointe Amélie Ferey. La perspective d'un transfert vers l'Autorité palestinienne lui semble plus probable en cas de gouvernement centriste. Au contraire, si des personnes liées au mouvement des colons israéliens sont au pouvoir, "elles vont plutôt vouloir aller vers une réoccupation de la bande de Gaza", occupée de 1967 à 2005, puis soumise à un blocus israélien à partir de 2007. La chercheuse voit donc "une reprise en main de Gaza par Israël" comme le scénario le "plus probable" à la fin des combats.
Le gouvernement israélien actuel, coalition la plus à droite de l'histoire du pays, a esquissé plusieurs idées – encore floues – à ce sujet. "Israël aura, pour une période indéterminée, la responsabilité globale de la sécurité " dans la bande de Gaza, a affirmé le Premier ministre Benyamin Nétanyahou dans un entretien avec la chaîne américaine ABC. Son ministre des Affaires stratégiques, Ron Dermer, a précisé qu'il "n'a pas parlé d'occuper Gaza" mais d'"une responsabilité générale de sécurité".
Quelle forme cette présence israélienne pourrait-elle prendre ? Pour Amélie Ferey, elle pourrait impliquer la présence – coûteuse – de soldats de Tsahal dans l'enclave palestinienne, voire de colons. La spécialiste évoque le modèle des zones sous contrôle israélien en Cisjordanie, une piste évoquée par le ministre israélien de l'Agriculture auprès de CNN.
"Les attaques du 7 octobre en Israël ont renforcé l'idée selon laquelle la sécurité du pays ne peut être assurée qu'en réoccupant [la bande de Gaza]. Une partie de la classe politique israélienne le souhaite"
Eli Cohen, ministre des Affaires étrangères israélien, a même évoqué une "réduction" du territoire de Gaza à l'issue des hostilités. Une annexion partielle serait pourtant "complètement interdite par le droit international", en plus d'être une "catastrophe humanitaire" en cas de déplacement forcé et massif de population à Gaza, prévient Joan Deas.
Une dernière option, extrême, a été mise sur la table par le ministère du Renseignement israélien. Elle propose l'expulsion des Gazaouis hors de leur territoire, en direction du Sinaï égyptien.
Ce scénario est "improbable", du fait du refus anticipé du Caire, avance Joan Deas. Mais il montre que "ces thèses circulent au plus haut niveau en Israël", remarque la chercheuse. Une hypothèse d'autant plus "grave" que le droit international humanitaire interdit un tel transfert forcé d'une population.
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