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Guerre en Ukraine : les minerais du pays suscitent la convoitise des États-Unis

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cité par Guillaume Jacquot sur

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La Maison Blanche et la présidence ukrainienne continuent de négocier sur la définition d’un cadre de sécurité pour le pays. Kiev se dit prêt à donner accès à ses alliés, à ses réserves importantes de minerais stratégiques, en vue d'obtenir des garanties de sécurité.

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Exploitation minière et métallurgique en Ukraine
Exploitation minière et métallurgique en Ukraine
© Khorzhevska / Shutterstock.com
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L’avenir de la coopération entre Washington et Kiev passera-t-il par un accord sur l’exploitation des gisements miniers d’Ukraine ? C’est ce qui se joue depuis plusieurs jours entre les deux capitales. Donald Trump espère une « garantie » pour accéder aux minerais clés pour le secteur de l’électronique ou de la transition énergétique, en contrepartie de l’aide et du soutien apporté par son pays. Son administration n’a pas caché qu’une partie de l’argent devait servir à « rembourser le contribuable américain », pour les fonds engagés depuis 2022.

Son homologue Volodymyr Zelensky a, de son côté, ouvert la porte à une exploitation plus poussée du sous-sol national. En octobre, en présentant son plan pour la paix, le président ukrainien évoquait l’idée d’un « accord spécial » avec des nations partenaires, permettant une « protection commune » et une « exploitation commune des ressources stratégiques » de son pays.


Un « accord-cadre » à ce stade, selon le président ukrainien

Kiev et Washington ont cheminé vers un compromis ces dernières heures, qui devrait être étudié entre les deux hommes. « C’est un début, c’est juste un accord-cadre », a souligné Volodymyr Zelensky devant la presse, ce 26 février. Ajoutant : « Ce deal peut être un grand succès ou simplement disparaître. »

Selon un haut responsable ukrainien, cité par l’Agence France Presse, les Américains auraient accepté de ne plus faire figurer le chiffre d’une compensation équivalente à 500 milliards d’euros, un chiffre qui avait braqué la présidence ukrainienne. Concernant le volet relatif à la sécurité, le texte est encore susceptible d’évoluer. « Il s’agit d’une clause générale qui dit que l’Amérique investira dans une Ukraine souveraine, stable et prospère, qu’elle travaille pour une paix durable et que l’Amérique soutient les efforts en vue de garanties de sécurité », poursuit cette source citée par l’AFP.


Une série de minerais critiques pour des technologies de pointe : graphite, titane

Dans cette négociation, Donald Trump fait encore la démonstration de sa vision « transactionnelle » de la diplomatie. Les minerais présents dans le sous-sol ukrainien sont en effet très recherchés par l’industrie de pointe. Qu’il s’agisse des énergies renouvelables, de l’industrie des batteries ou encore de la high-tech ? Ces gisements ukrainiens constitueraient une source de diversification non négligeable pour les États-Unis, inquiets de l’emprise croissante de la Chine dans la chaîne d’approvisionnement mondiale dans les minerais essentiels et les terres rares.

L’Amérique n’est d’ailleurs pas la seule à lorgner le sous-sol ukrainien. « 21 des 30 matériaux critiques dont l’Europe a besoin peuvent être fournis par l’Ukraine dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant », a ainsi expliqué le commissaire européen à la Stratégie industrielle, le Français Stéphane Séjourné, il y a quelques jours. Et d’ajouter : « La plus-value de l’Europe, c’est que nous ne demanderons jamais un accord qui ne soit pas mutuellement bénéfique. »

Le pays dispose en effet d’importantes ressources en manganèse, en titane (7 % des réserves mondiales) ou encore en graphite, indispensables aux batteries électriques. Le Bureau français de recherches géologiques et minières estime à 20 % la part des gisements mondiaux pour ce dernier minerai, présent en Ukraine. Cet établissement public estime également que l’Ukraine est « un des principaux pays d’Europe » en matière de potentiel d’exploitation du lithium, incontournable pour les batteries. Idem pour l’uranium.


De longs investissements en perspective

L’exploitation de ces ressources impliquerait dans un premier temps de mobiliser des capitaux considérables. Comme préalable au développement de l’activité minière, il faudrait remettre en état de marche les infrastructures énergétiques et routières nationales. Les besoins s’annoncent massifs. Selon un récent rapport de la Banque mondiale, le coût de la reconstruction du pays s’élèverait à plus de 500 milliards d’euros. Mais la nature même de l’activité minière passerait elle aussi par de lourds investissements.

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« Il y a aussi toute la transformation. Il faut une capacité de raffinage, de production de composants », rappelle Raphaël Danino-Perraud, chercheur associé, Centre énergie et climat de l’Ifri (Institut français des relations internationales).

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En réalité, il faut encore beaucoup de travail pour prouver que les gisements prometteurs se transforment concrètement en source de valeur.

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« On peut comparer ressource minière et ressource pétrolière. On voit un gisement avec du potentiel, le temps de lancer une mission d’exploration, d’analyser, de développer les ressources, il se passe quelques années. Sur le moyen terme, il est tout à fait possible que ces ressources servent à développer le pays », se projette ce spécialiste de la géopolitique des chaînes de valeur.

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En la matière, l’Ukraine partirait de loin, puisque les revenus de l’État provenant des redevances sur les ressources naturelles se sont élevés l’an dernier à seulement 1,1 milliard de dollars. Le conflit a largement perturbé l’exploitation des matières premières du pays, mais là n’est pas la seule raison.

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« La production de certains métaux était en déclin avant 2022, à cause d’un manque de modernisation dans les infrastructures, et des tensions avec la Russie qui se faisaient ressentir sur certaines productions », souligne le chercheur associé à l’Ifri.

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L’enjeu des territoires occupés

Une autre difficulté tient dans la géographie du conflit. Si nombre de gisements se situent dans les oblasts du centre du pays, 70 % des ressources minérales sont situées dans des régions actuellement sous contrôle russe : Donetsk, Dnipropetrovsk ou encore Louhansk.

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« Je suis plus dubitatif sur l’intérêt stratégique américain pour les métaux ukrainiens. En soi, l’Ukraine va rester instable un certain temps. On peut imager des actions de déstabilisation de la Russie dans le même temps », note le spécialiste Raphaël Danino-Perraud.

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Le Kremlin fait également miroiter l’éventualité d’un partenariat pour l’exploitation de ressources naturelles. « Les Américains ont besoin de terres rares. Nous en avons beaucoup », a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. « Il y a des perspectives, il y a des possibilités. Et quand viendra le moment de faire preuve d’une volonté politique pour cela aussi, nous y serons ouverts », a-t-il expliqué à la presse.

Alors qu’une rencontre entre Donald Trump et Vladimir Poutine semble se dessiner, la Russie met elle aussi sur la table la coopération économique.

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« La Russie ne pouvait pas développer tous ses gisements seule, en termes financiers, de ressources humaines, ou en termes techniques. Vladimir Poutine verrait d’un bon œil des financements ou la levée des sanctions sur le sujet », relève le chercheur Raphaël Danino-Perraud.

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