Face aux menaces de la Chine, le Japon accélère sa remilitarisation
Le gouvernement japonais a annoncé une augmentation de 13 % de son budget militaire pour 2024-2025, alors que les tensions montent avec la Chine et la Corée du Nord.
C’est une vraie révolution qui prend forme au Japon. Les dépenses militaires devraient atteindre la somme record de 7 740 milliards de yens (48,7 milliards d’euros) en 2024-2025. C’est en tout cas ce qu’a demandé le gouvernement à la Diète, le Parlement japonais, jeudi 31 août. Le Parti libéral-démocrate y disposant d’une majorité, tout laisse penser que ce budget sera adopté.
La remilitarisation du Japon n’est pas nouvelle.
"C’est la douzième année consécutive que le budget des armées est revu à la hausse, depuis le mandat de Shinzo Abe", explique à L’Express Céline Pajon, spécialiste du Japon à l’Institut français des relations internationales (Ifri).
L’augmentation des dépenses militaires pour 2023-2024 était d’ailleurs encore plus importante, de 30 % par rapport au budget précédent. Mais le Premier ministre Fumio Kishida, au pouvoir depuis 2021, accélère cette stratégie. L’objectif, dévoilé en décembre dernier, est d’amener les dépenses militaires de 1 % à 2 % du PIB d’ici 2027, comme les pays membres de l’Otan.
Ce crescendo budgétaire, encouragé par les Etats-Unis, consacre la rupture du Japon, pacifiste, avec son histoire récente et sa Constitution. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, celle-ci comporte un article par lequel "le peuple japonais renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation". Le pays dispose malgré tout d’une armée, mais qualifiée de "forces d’autodéfense".
Triple front
Ces dernières années, la montée des tensions dans la région indo-pacifique a mené le gouvernement à développer ces forces. Mais ironie du sort, c’est de l’Europe, à plus de 8 000 kilomètres de Tokyo, que vient le véritable tournant, avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
"Cette guerre a fait sauter un verrou psychologique : le risque d’un conflit de haute intensité est désormais beaucoup plus tangible", constate Céline Pajon.
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Autre point de contentieux, les îles Senkaku, situées juste un peu plus loin des côtes taïwanaises. Certes inhabitées, ce sont des points stratégiques importants dotés d’un fort potentiel en hydrocarbures et de ressources pour la pêche. Tokyo et Pékin se les disputent depuis 1971 et des gardes-côtes chinois patrouillent régulièrement aux alentours.
"La Chine est aujourd’hui clairement identifiée comme le risque de sécurité numéro un pour le Japon", résume Céline Pajon, qui pointe également la Russie, de plus en plus proche de Pékin, comme source d’inquiétude.
A ce tableau déjà complexe vient s’ajouter la Corée du Nord.
Pour Céline Pajon, "le pays est donc confronté à la perspective d’un triple front, face à des nations toutes dotées de l’arme nucléaire."
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Un investissement massif est aussi annoncé dans la cybersécurité, dans le but d’y employer 5 000 personnes d’ici 2027, contre 890 aujourd’hui. Mais embaucher du personnel est compliqué, comme dans les autres secteurs militaires. C’est toute l’ambiguïté du rapport du Japon à la guerre.
"Si l’opinion publique, inquiète, soutient ces réformes, les forces d’autodéfense rencontrent beaucoup de difficultés à recruter, et les carrières proposées restent peu attractives pour la jeunesse", observe Céline Pajon.
Un décalage qui risque de freiner les grandes ambitions du pays du Soleil levant.
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