Les relations germano-russes : entre changement de paradigme et maintien du statu quo
En 2014, les relations entre l’Allemagne et la Russie se sont dégradées, sinon du jour au lendemain, du moins en peu de temps. Les premières tensions sont apparues quelque temps avant l’annexion de la Crimée par la Russie en mars 2014, le soutien du Kremlin aux séparatistes, et l’intervention mal dissimulée de l’armée russe dans l’est de l’Ukraine.
Durant la période allant de l’effondrement de l’Union soviétique (1991) aux mandats de chancelier de Gerhard Schröder (1998-2005), l’Allemagne était le partenaire privilégié de la Russie en Europe. À cet égard, Berlin entretenait une « relation particulière » avec Moscou, qualifiée officiellement de « partenariat stratégique ». Au regard de ces éléments passés, faut-il considérer la crise actuelle des relations germano-russes comme un simple épisode temporaire qui sera bientôt oublié, ou bien comme un changement de paradigme radical, susceptible de perdurer dans un avenir proche ?
Pour tenter de répondre à cette question, la présente Note du Cerfa s’intéressera, dans un premier temps, aux principaux changements de perception et de paradigme qui sont décisifs pour l’élaboration de la politique allemande vis-à-vis de la Russie, à savoir : 1) les effets du nouveau cap fixé par Vladimir Poutine en matière de politique intérieure et étrangère ; 2) la position des Verts allemands sur la politique russe du gouvernement Merkel ; 3) l’évolution des points de vue au sein du SPD ; 4) le consensus adopté par la coalition CDU/CSU-SPD quant à la politique à mener à l’égard de Moscou ; 5) la place de la Russie dans l’industrie et le commerce allemands et la supposée dépendance allemande au gaz russe ; 6) les avis partagés de l’opinion publique vis-à-vis de la Russie.
Dans un second temps, l’analyse portera sur la façon dont le gouvernement allemand conduit sa politique en s’inspirant des leçons du passé. À cet égard, il convient de noter que le gouvernement allemand actuel a fait preuve, dès la formation de la coalition le 17 décembre 2013, d’une fermeté et d’une cohérence remarquables. Cela n’avait pas été le cas lors des crises précédentes, notamment après la guerre en Géorgie en août 2008, puisque Berlin avait alors repris le cours de ses échanges avec Moscou comme si de rien n’était. Dans une certaine mesure, le rôle central joué par l’Allemagne dans la gestion des relations avec la Russie depuis le début de la crise ukrainienne a donné corps aux propos tenus par le Président Joachim Gauck, le ministre des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier et la ministre de la Défense Ursula von der Leyen lors de la 50e conférence sur la sécurité organisée à Munich en 2014 : à cette occasion, tous trois avaient affirmé que l’Allemagne devait être plus active et assumer davantage de responsabilités sur la scène internationale. Bien que le changement d’attitude de l’Allemagne envers la Russie soit réel par rapport aux épisodes précédents, il reste néanmoins limité dans certains domaines, en particulier sur les questions de sécurité et de défense posées par la crise ukrainienne.
Si les relations de l’Allemagne avec la Russie étaient auparavant fondées sur le partenariat, la coopération et la primauté des intérêts russes, la donne a changé : le nouveau paradigme de la politique allemande à l’égard de la Russie est celui de la gestion de conflit.
Jusqu'en 2013, Hannes Adomeit a été professeur sur le campus de Natolin (Varsovie) du Collège d’Europe où il dispensait des cours sur l’Union européenne et la Russie.
Contenu disponible en :
Régions et thématiques
ISBN / ISSN
Utilisation
Comment citer cette publicationPartager
Téléchargez l'analyse complète
Cette page ne contient qu'un résumé de notre travail. Si vous souhaitez avoir accès à toutes les informations de notre recherche sur le sujet, vous pouvez télécharger la version complète au format PDF.
Les relations germano-russes : entre changement de paradigme et maintien du statu quo
Centres et programmes liés
Découvrez nos autres centres et programmes de rechercheEn savoir plus
Découvrir toutes nos analysesLes commandants russes de la guerre en Ukraine : purges, remaniements et mécontentements
Les remaniements du haut commandement militaire russe au cours de la guerre en Ukraine ont eu lieu de manière inégale, aussi bien dans le temps que dans les structures des forces armées. Les motifs et le calendrier des décisions prises par Vladimir Poutine concernant les cadres de l’armée défient souvent toute logique.
Les effectifs de l'armée russe après deux ans et demi de guerre en Ukraine
En plus d’une victoire militaire en Ukraine, les dirigeants russes souhaitent constituer d’importants effectifs militaires en vue d’un éventuel conflit avec l’OTAN dans l’espace Baltique et la péninsule de Kola. Les prévisions actuelles comptent sur une augmentation des effectifs militaires russes d’environ 350 000 hommes, pour atteindre un total de 1,5 million de soldats et d’officiers. Dans le contexte du conflit qui se déroule actuellement en Ukraine, cet objectif ne peut être atteint sans une nouvelle vague de mobilisation massive.
La relation russo-iranienne à l'épreuve de l'escalade militaire au Moyen-Orient
Les relations entre Téhéran et Moscou ont connu un nouvel élan depuis le début de la guerre en Ukraine, passant d'une relation transactionnelle et asymétrique depuis 1991 à la construction d'un véritable partenariat stratégique. Néanmoins, malgré l’approfondissement des coopérations militaire, spatiale, cyber, policière et nucléaire civile, Moscou se montre réticent à s’engager directement aux côtés de Téhéran contre les États-Unis et leurs alliés au Moyen-Orient. Des différences de statut et d’approches freinent ainsi toujours la construction d’une alliance anti-occidentale entre la Russie et l’Iran.
La Russie a-t-elle des alliés ? Chine, Iran, Corée du Nord
Depuis son agression en Ukraine, la Russie développe ses liens avec trois États qui l’accompagnent dans sa contestation de l’ordre occidental. Le partenariat avec la Chine, inégal, est cependant destiné à durer. Avec l’Iran fonctionne une solidarité de sanctionnés. Et la relation avec Pyongyang est essentiellement opportuniste.