Les nouveaux défis de la Russie sur le théâtre européen de la Baltique et du Nord
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La longue guerre en Ukraine a entraîné une reconfiguration géopolitique radicale du théâtre de la Baltique ainsi qu’un bouleversement profond de l’équilibre militaire entre la Russie et l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN).

En effet, la Russie a perdu sa position de force et la capacité de menacer ses voisins avec des projections de sa puissance militaire, et, tandis que, pour de nombreux stratèges politiques occidentaux, ces changements semblent artificiels et provisoires, à Moscou, ils sont perçus à la fois comme inacceptables et irréversibles.
Dès la première phase de l’invasion de l’Ukraine, le haut commandement russe a jugé nécessaire de redéployer ses unités les plus aptes au combat, notamment une division d’assaut aéroporté et une brigade d’infanterie de marine, vers les opérations offensives clés, tandis que la flotte de la Baltique a envoyé ses capacités amphibies vers la mer Noire. Au cours de l’actuelle phase de batailles défensives, ces unités sont pleinement engagées pour résister à la contre-offensive ukrainienne, de sorte que la « forteresse Kaliningrad » se trouve privée de la majorité de sa garnison. L’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN a sapé la planification stratégique de la Russie, dans laquelle les théâtres de la Baltique et de l’Arctique constituaient des axes distincts placés sous un commandement différent et dotés d’objectifs spécifiques qui exploitaient une supériorité militaire actuellement perdue. La Russie a obtenu un accès militaire illimité à la Biélorussie, mais la pénurie de troupes entrave l’efficacité de cette alliance, tandis que le déploiement d’ogives nucléaires non stratégiques est très problématique.
Indépendamment de l’issue de cette guerre, la Russie sera incapable de reconstruire sa position de supériorité militaire dans le théâtre de la Baltique ni même d’établir un rapport de force un tant soit peu équilibré avec l’OTAN, qui est en train de mettre en œuvre un nouveau plan pour renforcer sa position dans cette direction en reconfiguration. Moscou pourrait compter sur « la dissuasion par représailles », en tablant sur le fait que de nombreux centres urbains occidentaux sont à portée de ses missiles Kalibr et Iskander, mais elle pourrait aussi décider de recourir davantage aux armes nucléaires qui peuvent être déployées à Kaliningrad. Ces mesures ne peuvent changer la réalité stratégique de la vulnérabilité irréductible de la Russie. C’est pourquoi un leadership post-Poutine, quelle que soit sa composition, pourrait juger nécessaire de modérer ou d’abandonner complètement la voie de la confrontation militarisée avec l’Occident et chercher des opportunités pour rétablir des schémas de coopération, pour lesquels la région de la Baltique constitue l’interface la plus prometteuse.
Pavel K. Baev est professeur et chercheur à l’Institut de recherche sur la paix à Oslo (PRIO). Il est également chercheur associé à la Brookings Institution à Washington D.C. et à l’Ifri à Paris.
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