La Russie en guerre et le monde musulman
Si l’invasion militaire de l’Ukraine par la Russie a entraîné un découplage avec l’Occident d’une ampleur inédite depuis les pires années de la guerre froide, Moscou n’est en revanche pas isolée du monde non occidental et a même réinvesti son énergie diplomatique en direction du Sud.
Cette note se concentre sur ses relations avec le monde musulman et sur la façon dont elles ont été transformées ― ou non ― par la guerre. Elle examine à la fois l’appréhension de la nouvelle donne par les musulmans de Russie et la réaction des pays du Moyen-Orient aux bouleversements stratégiques déclenchés par la guerre en Ukraine et les sanctions occidentales. Elle montre que le rôle et la place de l’islam en Russie ont été renforcés par le contexte de la guerre, le Kremlin considérant que les institutions musulmanes et les musulmans dans leur ensemble comptent parmi les groupes de la société russe qui lui sont le plus loyaux. Elle constate également que les principales puissances régionales du Moyen-Orient ont su mettre en œuvre des politiques étrangères dites transactionnelles et tirer parti de la guerre pour affirmer leur autonomie vis-à-vis des acteurs occidentaux ; de ce fait, l’affaiblissement de la Russie ne se traduit pas par une influence accrue de l’Occident, mais par l’émergence d’un ordre international plus multipolaire.
Marlène Laruelle est professeure et directrice de l’Institut pour les études européennes, russes et eurasiennes (IERES) à l’université George Washington (Washington D.C.). À l’IERES, elle est également directrice du Russia Program et de l’Illiberalism Studies Program, et codirectrice du programme PONARS-Eurasia. Depuis janvier 2019, elle est chercheuse associée au Centre Russie/NEI de l’Ifri.
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