La Russie en Arctique : fin des illusions et recompositions
L’invasion russe de l’Ukraine à grande échelle a entraîné de profonds bouleversements dans la région arctique, dont les conséquences demeurent incertaines sur le long terme.
Longtemps épargné par les tensions géopolitiques mondiales, l’espace polaire a été, ces dernières décennies, le théâtre d’une coopération étendue et d’un dialogue étroit entre la Russie et les États arctiques occidentaux. Néanmoins, dès 2014, l’annexion de la Crimée par la Russie a rompu une confiance fondée sur les échanges scientifiques, économiques et culturels, ainsi que sur une approche consensuelle des enjeux communs, comme celui de l’environnement au sein de mécanismes institutionnels régionaux.
Si le fonctionnement des instances de dialogue au niveau régional a été préservé, aucune nouvelle initiative diplomatique ou stratégique n’a été lancée durant cette période (2014-2022). La multiplication des exercices militaires a, au contraire, réinstallé un antagonisme durable qui rappelle la période de la guerre froide. La guerre en Ukraine a accentué cette tendance, confirmée depuis lors par l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). Dans le même temps, la Russie, isolée diplomatiquement sur la scène régionale, multiplie les initiatives pour former des partenariats alternatifs et poursuivre le plan de développement de son espace septentrional, y compris le passage du Nord-Est, aussi appelé Route maritime du Nord (RMN).
Comptant parmi les priorités géopolitiques du Kremlin depuis le début du XXIe siècle, l’Arctique russe subit à présent les effets de cette nouvelle configuration géostratégique, tels que le ralentissement des projets industriels et économiques – sous sanctions occidentales – et une évolution radicale de la population russe dans la région, désormais conditionnée par la guerre en Ukraine, ainsi que l’animosité à l’encontre de l’Occident. Inscrit dans la durée, ce basculement éloigne structurellement l’Arctique russe du reste de la région polaire pour l’ancrer un peu plus vers l’Asie. La fracture au sein de cette région contribue aussi aux évolutions géopolitiques globales rythmées par les rivalités entre la Chine et les États-Unis dans l’espace indopacifique.
Florian Vidal est chercheur associé au Centre Russie/Eurasie à l’Ifri. Titulaire d’un doctorat en science politique, il est chercheur à l’université de Tromsø (UiT Norges Arktiske Universitet). Ses recherches portent sur le lien entre ressources, énergie et technologie à l’aune de l’Anthropocène, en particulier les enjeux miniers dans les régions reculées (régions polaires, fonds marins et espace extra-atmosphérique).
En outre, il est chercheur associé au Laboratoire interdisciplinaire des énergies de demain (LIED, CNRS) au sein de l’université Paris Cité, et membre du projet de recherche ANR Strategic Metals coordonné par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Il enseigne également à l’Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan. Par le biais de ses activités antérieures, il a une importante expérience de terrain en Europe du Nord, en Russie et en Amérique latine.
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