Thématiques, acteurs et fonctions du discours anti-français en Afrique francophone
Les discours contre la politique française se multiplient ces dernières années en Afrique francophone. Les paroles s’accompagnent parfois de manifestations violentes contre des sociétés françaises, des représentations diplomatiques et/ou culturelles, plus rarement de menaces contre les résidents français. La contestation raisonnée qui porte sur les éléments objectifs de cette politique et la qualifie de néocoloniale se transforme en diatribe anti-française sur les réseaux sociaux et dans les propos des néo-panafricanistes.
Si les récriminations sont variées et nombreuses, trois critiques récurrentes structurent invariablement ces discours. Le(s) Franc(s) CFA, malgré les réformes, sont considérés comme des outils de contrôle. L’aide publique au développement est perçue comme humiliante, soixante ans après les indépendances, mais aussi comme un soutien aux régimes plus qu’aux populations, et opaque car sous-tendue de contreparties. La présence de bases militaires françaises et, au-delà, l’interventionnisme militaire français sont eux aussi jugés comme un outil néocolonial problématique et désuet.
Le procès de la France a également une fonction dans le champ politique de certains pays d’Afrique francophone, celle de désigner un bouc émissaire. En effet, le « complot français » sert aux élites politiques africaines à expliquer les trajectoires politiques, économiques ou sécuritaires décevantes. La France « pille les ressources », « soutient le terrorisme », « choisit les présidents », « manipule la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) »… Oppositions comme majorités usent de cet argumentaire qui les dédouane, en partie, de leurs responsabilités vis-à-vis de leurs concitoyens, en particulier en période de crise.
Ces discours anti-français, ou anti-politique française, existent depuis longtemps. Cependant, ils ne sont plus restreints comme par le passé aux élites intellectuelles mais ont pénétré très fortement les couches populaires (notamment urbaines), au point d’être devenus des axiomes des discours politiques. Certains acteurs, tels que les néo-panafricanistes, ont contribué à largement populariser ces discours. Dans certains pays, aidés par des entités russes, se sont même développés sur les réseaux sociaux de véritables écosystèmes qui produisent des campagnes anti-françaises. Nous mettons en évidence certains de ces écosystèmes, notamment par la cartographie analytique réalisée par Bloom Social Analytics.
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Thierry Vircoulon est chercheur associé à l’Ifri. Ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA) et titulaire d’un master en science politique de la Sorbonne, il a travaillé pour le Quai d’Orsay et la Commission européenne et a été directeur Afrique centrale pour International Crisis Group. Il a vécu en Afrique du Sud, au Kenya et en République démocratique du Congo.
Alain Antil est chercheur et directeur du Centre Afrique subsaharienne de l’Ifri. Il travaille sur les questions politiques mauritaniennes, sur les questions de sécurité au Sahel et participe aux travaux de son équipe sur la recomposition de la place de l’Afrique subsaharienne dans les relations internationales. Il enseigne à l’Institut d’études politiques (IEP) de Lille et à l’Université de Paris I.
François Giovalucchi, après avoir travaillé à l’Agence française de développement (AFD) puis à la Direction générale du Trésor, est Conseiller scientifique de la faculté de sciences sociales de l’Université catholique de Madagascar. Il a vécu au Mali, au Niger et en République centrafricaine (RCA), et est l’auteur de nombreux articles sur la politique africaine et sur l’aide au développement.
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