Géoéconomie des chaînes de valeur : les matières premières minérales de la filière batterie
Les ressources minérales jouent un rôle essentiel dans la fabrication des technologies bas carbone et digitales. Leur déploiement accéléré et à grande échelle provoque un changement de paradigme géopolitique lié aux matières premières minérales.
Cette nouvelle géographie des ressources, des réserves et de la production entraîne l’apparition de nouveaux acteurs, de nouvelles interdépendances et vulnérabilités. La géopolitique des matières premières minérales doit maintenant être considérée à part entière dans une perspective globale : avec la complexité des maillons des chaînes de valeur minérales et leurs acteurs spécifiques, et l’imbrication grandissante avec les industries technologiques, l’enjeu de la géoéconomie de l’ensemble de la chaîne de valeur des technologies bas carbone devient essentiel. Enfin, l’impact environnemental et social de l’exploitation, puis de l’utilisation des ressources devient en lui-même un enjeu stratégique.
Le cobalt, le lithium, le nickel, le manganèse ou le graphite viennent désormais compléter les enjeux géopolitiques traditionnellement accaparés par les matières premières comme le pétrole ou le gaz. Le cobalt est principalement produit en République démocratique du Congo (RDC), le lithium l’est en Australie et en Amérique du Sud tandis que la production de graphite est localisée en Chine. Ces ressources minérales sont généralement très concentrées, tant au niveau de la production que du raffinage, et ce d’un point de vue géographique, étatique ou capitalistique.
Cependant, le raffinage, étape intermédiaire entre l’extraction minière et la production de composants directement utilisables par l’industrie, ne présente pas la même localisation, ni les mêmes enjeux. À titre d’exemple, si le cobalt est extrait en RDC, son raffinage a lieu en Chine. Le cobalt doit être raffiné de manière suffisamment précise et diversifiée pour qu’il réponde aux critères de pureté nécessaire à son utilisation dans les batteries, mais également aux autres usages (cobalt et nickel sont utilisés sous forme de produits chimiques dans les batteries, mais sous forme métallique dans les superalliages). Les capacités de raffinage sont autant liées aux caractéristiques géologiques propres à chaque zone de production qu’aux procédés et à leurs consommations d’énergie et de produits chimiques, ce qui a un impact direct sur l’environnement.
Les normes environnementales et sociétales, notamment celles liées à l’extraction minière, au raffinage ainsi qu’à la production d’électricité, sont également en passe de devenir un enjeu clé de politique environnementale et industrielle. Enfin, les stratégies relatives au recyclage seront essentielles.
Pour l’Union européenne, la maîtrise ou le contrôle de la production minière n’est plus une réponse suffisante face aux vulnérabilités liées aux approvisionnements. Il s’agit surtout de maîtriser industriellement les étapes suivantes des chaînes de valeur, représentant autant de goulets d’étranglement, à commencer par le raffinage. Si 75 % des composants de batteries sont produits en Chine, cela résulte en partie de la maîtrise par l’industrie chinoise des processus de raffinage de qualité batterie. Ces segments sont souvent aussi complexes, énergivores et capitalistiques que l’étape de l’extraction.
Alors que les pays disposant de matières premières veulent monter en puissance sur les chaînes de valeur de produits bas carbone (comme l’Indonésie), et que la Chine a su développer une position dominante, c’est l’ensemble de la compétition pour ces mêmes chaînes de valeur qui doit être considérée par les Européens. C’est bien à la fois la capacité à sécuriser les approvisionnements en matières premières, composants ou batteries par exemple, mais également à imposer des normes qui permettent à l’industrie européenne de se développer, de s’imposer et de produire de manière responsable, qui doit entrer en compte.
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