Mer de Chine et droit de la mer : où va la puissance chinoise ?
Après trois ans de délibérations, la Cour Permanente d’Arbitrage (CPA) a finalement rendu son verdict le mardi 12 juillet sur le différend qui opposait les Philippines à la Chine à propos du statut des îles Spratleys en Mer de Chine méridionale. L’arrêt, historique, va bien au-delà des attentes des parties concernées, comme des observateurs.
Tout d’abord, la Cour rejette tout fondement juridique aux droits historiques invoqués par la Chine pour asseoir ses revendications. La ligne en neuf traits qui sert de base au discours chinois n’a désormais officiellement pas de fondement juridique et de ce fait, les activités chinoises dans l’espace maritime philippin (notamment la poldérisation des bancs de sable qui a permis la construction de pistes d’atterrissage et de bases navales ainsi que la poursuite des pêcheurs philippins) constituent des violations du droit international. Bien au-delà des constructions symboliques et réelles, la CPA a souligné que « la puissance n’autorise pas tous les droits ».
Mais la Cour ne s’est pas arrêtée là. Bien qu’elle n’ait pas tranché les questions de souveraineté dans la zone, la Cour a jugé qu’aucune formation géologique de l’archipel des Spratleys ne constitue une île au sens juridique, éliminant donc tout droit à une Zone Economique Exclusive (ZEE). Cette interprétation radicale de la définition d’une île risque d’avoir des conséquences bien au-delà du seul différend sino-philippin.
Jeux asymétriques
Les Philippines, dont l’asymétrie de puissance avec la Chine est patente, avaient habilement joué sur ce dossier. Lassées et humiliées par les coups de force permanents depuis l’occupation des Mischief (1995) par la puissance chinoise dans sa zone économique exclusive en mer de Chine du Sud, les Philippines osaient défier Pékin en déposant une demande d’arbitrage à La Haye : puisqu’il n’était pas possible d’engager un argumentaire construit avec une Chine sûre de sa puissance, le seul terrain sur lequel Manille pouvait espérer faire la différence, c’était le terrain juridique. Les Philippines sont allées interroger l’interprétation que les Chinois avaient du droit international auquel ils avaient souscrit en signant la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM ou UNCLOS, 1994). Sur le plan juridique, d’après la CPA, les arguments chinois « d’un droit historique inaliénable » sont faibles : ce n’est pas parce que des pêcheurs ou des marins chinois ont « historiquement » utilisé ces îles et îlots que la Chine peut prétendre aujourd’hui, exercer sa souveraineté exclusive sur cet espace maritime. La partie philippine a donc organisé son dossier autour de cinq questions techniques de droit maritime qui concernaient l’interprétation abusive de l’application de la CNUDM, notamment les prétentions à la souveraineté sur des récifs immergés seulement à marée haute (lesquels récifs ne constituent pas, comme l’a rappelé la Cour, des îles et ne peuvent donc permettre de délimiter des eaux territoriales et encore moins une ZEE). Au final cependant, ces questions revenaient à interroger la validité des prétentions de la ligne en neuf traits (qui figure dorénavant sur les passeports des citoyens chinois et des documents officiels) à délimiter des droits historiques. Pékin ne s’y est pas trompé et a refusé depuis le dépôt de cette demande (2013) de coopérer en affirmant que la Chine ne reconnaîtrait ni n’accepterait la décision d’arbitrage.
Poursuivez la lecture en téléchargeant le fichier:
Contenu disponible en :
Régions et thématiques
Utilisation
Comment citer cette publicationPartager
Téléchargez l'analyse complète
Cette page ne contient qu'un résumé de notre travail. Si vous souhaitez avoir accès à toutes les informations de notre recherche sur le sujet, vous pouvez télécharger la version complète au format PDF.
Mer de Chine et droit de la mer : où va la puissance chinoise ?
Centres et programmes liés
Découvrez nos autres centres et programmes de rechercheEn savoir plus
Découvrir toutes nos analysesLa coopération de sécurité maritime dans le Pacifique
La France joue un rôle important dans la sécurité maritime du Pacifique, notamment à travers la participation active de ses territoires d'outre-mer et la contribution de ses forces armées stationnées aux initiatives de coopération régionale.
L'IA et les normes techniques en Chine et dans l'UE : Priorités divergentes et le besoin de terrain d'entente
Vu le potentiel hautement perturbateur de l'IA, la coopération mondiale en matière de sécurité et de gouvernance de l'IA est primordiale. Cependant, le potentiel profondément transformateur de l'IA garantit également qu'un niveau élevé de concurrence et de rivalité systémique est probablement inéluctable. Comment l'UE peut-elle gérer au mieux sa relation complexe avec la Chine dans le domaine de l'IA afin d'assurer un niveau nécessaire de coopération malgré la concurrence et les rivalités ?
L’essor du programme spatial taïwanais : Construire une industrie, soutenir la sécurité nationale
Taïwan, connu pour son leadership dans le domaine des semi-conducteurs et des technologies de l’information et de la communication (TIC), fait aujourd’hui des progrès significatifs dans l’industrie spatiale. Bien qu’historiquement modeste, le programme spatial taïwanais s’est transformé depuis 2020, sous l’impulsion de la présidente Tsai Ing-wen qui s’est engagée à développer les capacités spatiales du pays. Parmi les étapes clés figurent l’adoption de la loi sur le développement spatial et la création de l’Agence spatiale taïwanaise (TASA), qui a renforcé les ressources et la visibilité des ambitions spatiales de Taïwan.
La surproduction chinoise de puces matures : Des craintes infondées
La Chine, plutôt que d’inonder le marché mondial des semi-conducteurs à technologies matures, s’en dissocie. Si les politiques industrielles chinoises favorisent de plus en plus la production nationale de semi-conducteurs, sa propre demande en puces, en constante augmentation, devrait empêcher une arrivée massive de puces chinoises à bas prix sur les marchés étrangers. Cependant, à mesure que Pékin progresse dans son objectif de réduire la dépendance des industries nationales aux puces étrangères, les entreprises européennes et américaines de semi-conducteurs à technologies matures pourraient ressentir les effets d’un écosystème de semi-conducteurs chinois de plus en plus « involué » (内卷).