Le "green paper" sur l'énergie de la Commission : une copie à revoir
La Commission Européenne vient de rendre public un green paper consacré aux politiques énergétique et climatique à l’horizon 2030.
Présenté comme un document de discussion, ce texte est néanmoins rédigé d’une manière telle qu’il risque de conduire à des débats occultant les questions fondamentales qui se posent à propos de ces politiques.
Sans aborder, pour le moment, toutes les remarques qu’il soulève, il semble utile de souligner les principales critiques que l’on peut lui faire.
1. S’il rappelle les décision prises au niveau de l’Union, il ne décrit pas l’état des lieux probables de 2020 qui sera le point de départ de la décennie 2020-2030.
- Aucune mention n’est faite des contradictions qui résultent du traité de Lisbonne et puisqu’il n’est pas question de changer ce traité, des problèmes d’adaptation qui en résultent pour les actions communautaires.
- Les directives sont censées aboutir aux résultats prévus alors qu’une telle vision ne correspond que partiellement à la réalité.
- Les divergences entre les politiques des pays et les incohérences des politiques nationales ne sont pas évoquées alors qu’elles sont une composante importante des politiques européennes. (Par exemple, de nombreux gouvernements veulent limiter la hausse des prix de détail de l’énergie pour des raisons sociales au moment même où leur politique d’ensemble ne vise pas à réduire les coûts (correctement calculés) de l’offre énergétique).
- Le document ne mentionne pas d’emblée le contexte international actuel en matière de lutte pour le changement climatique, contexte qui n’est pas favorable aux attitudes adoptées par l’Union.
2. Le document ne donne pas aux coûts (correctement calculés) du système énergétique, la place qui leur est due. Pour retrouver le chemin de la croissance, l’UE doit veiller à son efficacité économique d’ensemble. Lorsque le document parle de " cost effectiveness ", il mentionne l’efficacité des outils pour atteindre les objectifs, mais pas l’efficacité globale des politiques de poursuite d’objectifs qui peuvent être aménagés en fonction de la situation socio-économique de l’Union. C’est dans ce cadre qu’il faut examiner les différents objectifs.
3. L’UE a essayé de prendre le leadership mondial dans la lutte contre le changement climatique. Elle a échoué, mais il ne pouvait en être autrement. Représentant 11 % des émissions mondiales, avec la croissance la plus faible de toutes les grandes régions du monde, il lui faut aujourd’hui réviser son attitude. Elle doit faire des efforts en fonction des efforts du reste du monde et se comporter en " bon élève " sans chercher à donner des leçons. Elle doit veiller à ce que ses choix ne compromettent pas la compétitivité de son industrie et envisager des mesures pour éviter toute " fuite de carbone ".
C’est à partir de cette reformulation de la stratégie que doivent être considérés les objectifs à se donner en 2030.
Aussi intéressante que soit la road-map, il ne peut être question d’avoir des objectifs de l’Union indépendants de l’évolution du monde et de l’état socio-économique de l’Europe.
4. Pour les énergies renouvelables, on ne peut désormais les développer qu’en fonction de leurs bilans " coûts-avantages " en tenant compte des investissements nécessaires pour faire face à leur intermittence.
Comme dans ce domaine, les gouvernements nationaux sont libres de leurs investissements de capacité, ils doivent assumer les conséquences de leurs choix et ne pas infliger aux autres Etats-membres des déséconomies au nom du marché intérieur.
La thèse de la Commission selon laquelle elle cherche à instaurer un marché intérieur de concurrence " parfaite " en matière de gaz et d’électricité est illusoire, compte-tenu des dispositions du traité de Lisbonne.
Avant tout programme pour la décennie 2020-2030, il faut donc redéfinir les objectifs européens (voir le texte de C. Mandil et J. Lesourne, paru sur le site du Monde, Economie, Point de vue).
5. Pour l’objectif d’efficacité énergétique, il faut réaffirmer que la recherche de l’efficacité doit être poursuivie tant que les économies futures d’énergie sont supérieures aux coûts entraînés par les opérations nécessaires pour les obtenir. Sinon, cette politique aura un impact négatif sur le " welfare " des sociétés européennes.
Telles sont les questions fondamentales que soulève le green paper. Elles doivent être abordées avant que soient discutés les sujets plus précis mentionnés par la Commission.
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