La France face à la sortie allemande du nucléaire
Au fur et à mesure que les semaines passent, la situation créée pour la France par la sortie allemande du nucléaire se clarifie. Nous devons d’ores et déjà être conscients de trois éléments :
1. Deux attitudes existent en Europe à l’égard du nucléaire,
L’attitude quasi unanime en Allemagne est une attitude morale. Je l’exprimerai par la phrase : l’énergie nucléaire rompt l’harmonie entre l’homme et la nature. Elle est donc mauvaise en soi. En se rangeant à ce point de vue, les partisans allemands du nucléaire ont la conviction d’avoir contribué à la réunification morale de la nation.
L’attitude dominante en France est une attitude socio-économique : l’énergie nucléaire doit être gérée en fonction d’une analyse coûts-bénéfices, à condition d’introduire dans les coûts toutes les dépenses futures de démantèlement et de gestion des déchets ainsi que les risques d’accidents et dans les bénéfices, l’absence d’émissions de gaz à effet de serre et la possibilité de passer un jour à l’énergie nucléaire de la génération IV qui multiplie de façon importante la ressource et réduit significativement les déchets.
Certains milieux allemands peuvent chercher à culpabiliser les tenants de cette attitude. Il n’y a aucune raison de leur conférer une supériorité morale car l’attitude s’appuyant sur des coûts et des avantages correctement calculés est une attitude rationnelle dans l’exploitation des ressources dont dispose l’humanité.
2. En attente de renouvelables, l’Allemagne a l’intention de développer le plus rapidement possible des centrales au charbon et à cycle combiné au gaz afin d’annuler les importations d’électricité auxquelles elle procède actuellement. Les opérateurs français feraient donc une grande erreur s’il modifiaient les projets d’équipement du pays en fonction de la demande transitoire allemande actuelle. Ce constat n’exclut pas de prendre les mesures adéquates pour passer en France les pointes des prochaines années.
3. Le coût de l’énergie et les émissions de gaz à effet de serre vont augmenter en Allemagne, mais l’Allemagne n’entend pas que son industrie souffre d’une perte de compétitivité (et de ce qu’on appelle le carbon leakage). Elle ne sera donc pas favorable à l’augmentation du prix du carbone dans les prochaines années faisant peser des incertitudes sur l’avenir du marché européen du carbone. Une raison de plus pour que les autorités européennes conservent une attitude prudente quant à l’objectif de 20 % de réduction par rapport à 1990 des émissions de gaz à effet de serre en 2020.
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