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Chine, Russie, Turquie et Maroc : des émergents au défi du retour de la géopolitique

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Le 2 décembre 2014, l’Institut français des relations internationales (Ifri) et l’OCP Policy Center ont organisé un séminaire intitulé « Des émergents au défi du “retour de la géopolitique” : regards croisés économiques et géopolitiques » à Rabat. Intervenants et experts se sont réunis pour discuter du rapport entre émergence et puissance à travers plusieurs études de cas : Chine, Russie, Turquie et Maroc.

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Chine : une puissance qui peine à s'assumer

Après la crise de 2008, le positionnement géopolitique de Pékin sur le plan international reste très ambigu. D'un côté, la Chine est qualifiée de pays en développement en raison des problèmes économiques et politiques intérieurs (nature de sa croissance économique, défis environnementaux, lutte contre les inégalités, tensions sociales) auxquels elle est confrontée. Ces obstacles structurels nécessitent des réformes qui ralentissent son déploiement international. De l’autre, la Chine est perçue comme un grand pays émergent compte tenu de sa forte croissance économique et de son statut de deuxième puissance économique mondiale, ce qui la pousse mécaniquement à s’intéresser davantage aux questions internationales et à s’éloigner de sa politique de « non-ingérence ».

Aujourd'hui, le positionnement de Pékin se caractérise par des approches tantôt prudentes quand les sujets la concernent moins, tantôt plus affirmées quand il s’agit de questions de voisinage pour lesquelles ses intérêts peuvent être directement en jeu.

Au final, cette politique ambivalente et ses problèmes internes expliquent le positionnement de la Chine : véritable puissance émergente sur le plan économique, elle ne l’est pas encore complètement sur le plan géopolitique.

Néanmoins, la Chine pèse d’ores et déjà d’un tel poids sur la scène internationale qu’elle modifie l’ordre mondial. La question est de savoir quelle sera sa volonté et sa capacité de transformer le fonctionnement du système international.

 

Russie : une volonté de puissance malgré les fragilités économiques

La question de la politique étrangère de la Russie est aujourd’hui à reposer en fonction du conflit ukrainien. Moscou n’a jamais accepté ni la donne postsoviétique, ni les actions menées par les puissances occidentales à ses frontières. La Russie n’a donc jamais abandonné un dessein géopolitique.

Cependant, elle a longtemps tenté, dans le passé, de concilier émergence économique et quête de puissance, mais privilégie désormais cette dernière dimension.

Ce positionnement résulte principalement de l’échec de son émergence économique, lequel est dû à plusieurs facteurs. Malgré les efforts que la Russie a entrepris tout au long des années 2000 pour développer, moderniser et reformer ses secteurs économiques, elle souffre de nombreuses carences (absence de diversification de ses exportations et du tissu productif, faiblesse des investissements dans les infrastructures). À cela s’est ajoutée en 2011 une forme d’abandon des réformes économiques structurelles, partie intégrante de l’agenda gouvernemental précédemment. La faible attractivité de son modèle économique et l’absence de garanties institutionnelles sont les principales explications du ralentissement de 2013-2014 qui, indépendamment de la crise ukrainienne, a fait basculer la Russie dans la stagflation, puis la récession. Par ailleurs, la réduction de son poids dans l’économie globale a entraîné une crainte de marginalisation.

Le basculement vers le « dilemme » d’émergence géopolitique aura des conséquences à la fois dans le domaine économique (sanctions, fuite des capitaux, baisse des investissements directs étrangers), mais aussi dans le domaine politique (mise en cause du système d’alliances traditionnel, déstabilisation de la situation politique intérieure).

Le comportement actuel de la Russie soulève des interrogations sur sa trajectoire de la part de ses partenaires ; le risque est grand pour elle, après quelques « victoires » ponctuelles, de voir échouer sa « grande stratégie ».

 

Turquie : la quête du classement

L’ambition géopolitique de la Turquie est à mettre en relation avec l’évolution intérieure du pays depuis l’arrivée au pouvoir du Parti de la justice et du développement (AKP) en 2002. Sous le leadership de Recep Tayyip Erdoğan, ce dernier bénéficie d’une longévité politique inédite. La poursuite des grandes réformes macroéconomiques (minimisation du risque souverain et des risques systémiques) après la crise de 2001 a contribué à des performances économiques qui ont attiré les investissements étrangers.

Le succès de sa transformation conforte Ankara dans ses ambitions en matière de politique étrangère : devenir une « nouvelle Turquie » à l’horizon 2023, dans le cadre de son centième anniversaire, par la restauration de sa place au sein de son ancien espace impérial et au-delà.

Pour cela, Ankara a placé le concept de soft power au cœur de sa diplomatie. Sur le plan régional, la Turquie consolide son influence politique en tissant des liens économiques avec le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MENA), et en cherchant à jouer un rôle d’interlocuteur incontournable entre la région et l’Occident. L’affirmation de son statut de puissance se manifeste par le renforcement de la présence turque sur la scène mondiale (organisations internationales, nouvelles relations diplomatiques avec des pays lointains, etc.), mettant ainsi en évidence sa quête de reconnaissance internationale.

Cependant, cette ambition est contrariée par plusieurs facteurs intérieurs : contestations au sein de la société (les événements de Gezi, l’affaire Gülen, l’accident minier de Soma ou encore la crise kurde) et un regain d’autoritarisme ; tandis que des facteurs extérieurs transforment en profondeur son environnement régional. La Turquie est, en effet, directement touchée par l’implosion de la Syrie et de l’Irak avec un retour de la question kurde au premier plan.

Enfin, des fragilités liées à son modèle économique (perte de compétitivité après la crise de 2009, clivage et rigidité du marché de travail, diversification industrielle limitée, très faible taux d’épargne, etc.) pourraient également freiner l’émergence d’Ankara à l’avenir.

Aujourd’hui, la Turquie est ainsi perçue par les marchés financiers comme un pays ayant fait des progrès en termes de gouvernance, mais elle reste porteuse d’un fort risque politique, susceptible de remettre en cause sa trajectoire.

 

Maroc : spécificité, résilience et défi de l'émergence

Le principal enjeu pour l’émergence économique du Maroc, en tant que pays à revenu intermédiaire, réside dans l’accélération de sa croissance. Afin de faire face à ce défi, Rabat doit prendre en compte la situation économique de son environnement international, notamment de ses principaux partenaires, lequel est en transformation constante.

Une série de réformes complexes est nécessaire afin de construire un modèle plus cohérent et adapté aux grandes évolutions du monde. L’achèvement de l’intégration internationale par la libéralisation financière, le développement du secteur productif par le passage d’activités d’imitation à des activités d’innovation, l’attraction des investissements directs étrangers et l’amélioration de l'environnement extérieur sont les principaux éléments à mettre en place.

Pour se positionner dans le système international, la politique étrangère du Maroc doit être capable de construire et de consolider des réseaux relationnels, ainsi que de s’engager et de participer activement aux organisations et conférences internationales.

Pour des raisons stratégiques, la politique internationale marocaine se concentre principalement sur quatre dimensions fondamentales : un positionnement « régional » afin de renforcer l’équilibre dans sa zone (relations algéro-marocaines, crise libyenne, etc.) ; un espace de « ressources stratégiques classiques » qui comprend des pays avec lesquels Rabat entretient des relations économiques et politiques historiques (Europe, pays du Golfe, États-Unis, etc.) ; un espace de « ressources stratégiques en construction » qui cible des pays qui sont géopolitiquement et géo-économiquement intéressants à l’avenir pour le Maroc (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, etc.) ; et un espace de « projection », l’Afrique subsaharienne, avec laquelle le Maroc entretient des relations à la fois historiques, géographiques et stratégiques.

 

Le détail ainsi que les vidéos de la première table ronde de cette série sont disponibles ici.

 

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Centre Russie/Eurasie
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Fondé en 2005 au sein de l’Ifri, le Centre Russie/Eurasie produit de la recherche et organise des débats sur la Russie, l’Europe orientale, l’Asie centrale et le Caucase du Sud. Il a pour objectif de comprendre et d'anticiper l'évolution de cette zone géographique complexe en pleine mutation pour enrichir le débat public en France et en Europe, et pour aider à la décision stratégique, politique et économique.

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Comment citer cette étude ?

Chine, Russie, Turquie et Maroc : des émergents au défi du retour de la géopolitique, de L'Ifri par
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