Avec

• Héloïse Fayet, chercheuse au Centre des études de sécurité de l'Ifri et responsable du programme de recherche Dissuasion et prolifération.
• Benjamin Hautecouverture, Maître de recherches à la Fondation pour la recherche stratégique

L’enjeu dépasse la simple extension de la dissuasion française. Il touche à l’avenir de la sécurité européenne. Depuis des décennies, l’Europe s’appuie sur la protection nucléaire américaine via l’OTAN. Mais si Washington se désengage, qui prendra le relais ? La France, seule puissance nucléaire de l’Union, peut-elle assumer ce rôle ? Le Royaume-Uni, bien que disposant d’un arsenal comparable avec ses sous-marins nucléaires, reste arrimé à la dissuasion américaine et ne semble pas prêt à offrir une garantie indépendante aux Européens. L’obstacle est d’abord doctrinal. La dissuasion française protège les « intérêts vitaux » de la nation, sans garantie explicite pour ses alliés. Modifier ce cadre reviendrait à redéfinir ce que la France considère comme une menace existentielle. Or, accepterait-elle de déléguer une décision aussi cruciale ? De leur côté, les Européens accepteraient-ils de dépendre d’un choix français sans pouvoir y peser ? Vient ensuite la question des moyens. Avec 300 têtes nucléaires, la force de frappe française reste limitée face aux arsenaux américains et russes. Un élargissement supposerait des investissements massifs. L’Europe est-elle prête à les financer ?
 

Derrière le débat sur le nucléaire, c’est bien l’autonomie stratégique européenne qui est en jeu. La France cherche-t-elle à combler un vide ou à imposer son leadership ? Et surtout, l’Europe est-elle prête à sortir de sa dépendance militaire aux États-Unis ?

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