Xi Jinping : les défis du troisième mandat
En octobre 2022, puis en mars 2023, Xi Jinping a été reconduit pour un troisième mandat, respectivement à la tête du Parti communiste chinois (PCC) et de la République populaire de Chine (RPC). Sa mainmise sur l’appareil politique chinois n’est plus à démontrer. Toutefois, les défis intérieurs et extérieurs s’accumulent et devraient compliquer sa gouvernance au cours des cinq années à venir.
Poursuivre la personnification du pouvoir
Xi Jinping entame ainsi un troisième mandat inédit depuis la mort du fondateur du régime, Mao Zedong. Pour ce faire, il a rompu avec les règles et pratiques respectées depuis l’ère Deng Xiaoping des années 1980. Xi a aboli les limites d’âges et de mandat, tout comme il a mis fin au principe de direction collégiale du Parti, et il a fait renaître le culte de la personnalité.
La session parlementaire de mars 2023, qui a vu Xi réélu à l’unanimité des 2952 délégués de l’Assemblée nationale populaire (ANP), a donc entériné le pouvoir sans partage de Xi. La nouvelle équipe dirigeante est exclusivement constituée de ses fidèles. Faction rivale, la Ligue de la jeunesse communiste a été complètement marginalisée, en particulier son plus éminent représentant, l’ancien président Hu Jintao, qui a été escorté hors de la salle du Congrès en octobre, devant les caméras du monde entier. De même, Li Keqiang, Premier ministre depuis 10 ans et issu de la Ligue, a été mis à la retraite avant l’âge limite de 68 ans. Il a été remplacé par Li Qiang, fidèle de Xi depuis 20 ans et patron de Shanghai depuis 2017, qui n’avait encore jamais exercé de fonction exécutive nationale. C’est une équipe en moyenne plus âgée et presque intégralement masculine qui prend les commandes : aucune femme ne figure parmi les 24 membres du Bureau politique ; une seule femme (Shen Yiqin) compte parmi les cinq conseillers d’Etat ; et seulement deux femmes (He Rong, Wang Xiaoping) ont été nommées ministres sur un total de 26.
En matière d’orientation politique, aucune réforme économique et sociale ambitieuses ne ressort de l’ANP de mars. On assiste à une nouvelle vague de centralisation du PCC et à l’affaiblissement symétrique de l’Etat. Une fois encore le contrôle et la surveillance triomphent sur l’économie et la société.
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Une politique étrangère audacieuse mais risquée
Le troisième mandat de Xi s’ouvre aussi dans le contexte de tensions aiguës avec les Etats-Unis. Lui, qui exhorte ses diplomates à développer leur « esprit combattant », a pour la première fois accusé « les pays occidentaux, menés par les Etats-Unis » de mettre en œuvre « un endiguement, un encerclement et une répression complets » de la Chine.
Ces accusations ont été reprises par le nouveau ministre des Affaires étrangères et ancien ambassadeur à Washington, Qin Gang, qui a dénoncé un « néo-maccarthysme hystérique » aux Etats-Unis contre la Chine, ajoutant : « personne ne devrait sous-estimer la détermination sans faille, la ferme volonté et l’importante capacité du gouvernement et du peuple chinois à sauvegarder la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale », une référence à peine voilée à Taïwan.
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Les défis intérieurs encore sans réponse
Sur le plan économique d’abord, le ralentissement économique chinois est plus brutal qu’anticipé, et surtout, il est plus structurel que les autorités ne le laissent entendre. En 2022, le Premier ministre avait annoncé un objectif de croissance du PIB de 5,5 % qui est venu se fracasser contre l’annus horribilis de la Covid-19 en Chine. Les confinements successifs et interminables ont fortement entravé la productivité, en plus d’alimenter un profond ressentiment dans la société. En définitive, la Chine présente un taux de croissance de 3 % en 2022, et vise prudemment 5 % en 2023. L’abandon précipité de la drastique politique « zéro Covid » fin novembre 2022 a provoqué des centaines de millions d’infections et un nombre de morts inconnu, vraisemblablement au-delà du million. Après trois ans d’enfermement, c’est finalement la stratégie de l’immunité collective qui a permis à la Chine de se sortir de l’épidémie et de relancer sa machine industrielle à partir de février 2023. Certains envisagent ainsi un rebond exceptionnel de la croissance chinoise cette année, mais c’est sans compter d’autres indicateurs économiques contrariants.
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Ces grands défis économiques, démographiques et sociaux pèsent sur la population dont les aspirations à la prospérité et à l’épanouissement s’assombrissent. L’affirmation de la primauté de l’idéologie et des capacités du Parti en matière de contrôle et de surveillance, lors du 20e Congrès d’octobre 2022 et de l’ANP de mars 2023, ne répond pas à ces défis. En l’absence de réformes ambitieuses, ces derniers risquent de s’accentuer, et Xi Jinping pourrait être confronté simultanément à des problématiques de soutenabilité économique et de contestation sociale, dans un environnement international peu favorable.
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