Paris et la fin de l’hégémon bienveillant ?
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Depuis qu'Olaf Scholz a parlé d'un "changement d'époque" face à l'attaque russe sur l'ensemble de l'Ukraine, les partenaires internationaux de l'Allemagne ont les yeux rivés sur Berlin. Qu'en est-il de l'image de l'Allemagne en Ukraine, en Pologne, en France et aux Etats-Unis ?
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Les conséquences de la guerre en Ukraine ce conflit seront profondes pour l’Union européenne et la tentation du chacun-pour-soi refait surface. Alors que cette crise revêt une dimension existentielle pour l’Allemagne, qui est contrainte de redéfinir dans l’urgence un modèle qui lui permette de préserver sa prospérité et sa sécurité, Paris y voit l’occasion de rallier l’Allemagne à son agenda européen, autour de l’affirmation d’une plus grande autonomie stratégique, notamment vis-à-vis des Etats-Unis et de la Chine. Face à ce qui est perçu comme de la procrastination ou un manque de résolution chez son partenaire, Paris s’efforce d’amener Berlin à prendre des décisions conformes à ses vues, au risque d’indisposer son partenaire.
Pour autant la tectonique des plaques déclenchée par cette guerre pourrait à terme conduire Berlin à recentrer sa position en Europe et à prendre ses distances avec Paris. Ces questionnements entrent en résonance avec de vieilles peurs françaises relatives à la trajectoire de l’Allemagne et à la possibilité de voir Berlin renoncer à son rôle d’hégémon bienveillant, pour devenir un partenaire plus exigeant et soucieux de ses intérêts.
Cette guerre constitue un moment de vérité pour la France comme pour l’Allemagne, à travers leur capacité à retrouver une ambition commune pour l’Europe. Les réponses que les deux pays apporteront pour surmonter les conséquences de ce conflit seront déterminantes pour la cohésion de l’Union européenne.
Eric André Martin est secrétaire général du Comité d'études des relations franco-allemande (Cerfa), Ifri.
- Cet article est paru en allemand dans la revue „ Aus Politik und Zeitgeschichte“ n°17, avril 2023, (pg 10 à 12).
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