Russie : les difficultés économiques peuvent-elles fragiliser le système politique ?
Depuis plusieurs années, des politiciens et experts russes de tendance libérale prédisent que des bouleversements dans la vie politique et économique de leur pays entraîneront rapidement la chute du régime de Vladimir Poutine.
Parmi les facteurs possibles d’une telle évolution, ils citent les mouvements de protestation intérieurs, les sanctions imposées par les pays occidentaux, l’effondrement des cours du pétrole, ou encore le mécontentement dû à la baisse du niveau de vie.
Toutefois, ni la pandémie, ni les turbulences du marché mondial de l’énergie, ni les importantes manifestations du début de l’année 2021 n’ont miné les fondements du système politique russe. Plusieurs raisons l’expliquent : l’état de l’économie est loin d’être aussi désastreux que ne le pensent les observateurs étrangers ; la population russe est prête à ne compter que sur elle-même pour survivre ; les manifestations dans la Russie de Vladimir Poutine ne visent pas tant à obtenir des résultats concrets qu’à exprimer son désaccord.
Les événements des deux dernières décennies montrent que les libertés politiques et économiques ne constituent pas des valeurs absolues pour les Russes. La société ne conteste pas le durcissement du régime, n’exige pas le maintien de son niveau de vie et ne s’unit pas contre la répression infligée aux militants politiques. L’impact des sanctions sur les fonctionnaires russes est pratiquement nul, car leurs activités sont de plus en plus concentrées à l’intérieur du pays et leur connexion avec le reste du monde ne cesse de se réduire.
La Russie ne doit pas être considérée comme une version « légèrement déformée » des pays occidentaux. L’élaboration d’une politique à son égard doit tenir compte de son caractère spécifique. Il convient de limiter autant que possible l’influence négative de Moscou sur les pays occidentaux et leurs alliés, et de le laisser suivre sa propre voie. Face au constat de son échec économique et technologique, la Russie pourrait alors prendre conscience de la nécessité d’un changement profond, à l’instar de l’Union soviétique en son temps.
Vladislav Inozemtsev est économiste. Il dirige le Centre de recherches sur les sociétés post-industrielles (Moscou), qu’il a fondé en 1996.
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