DOSSIER - La fin de la coalition « feu tricolore » – vers des élections anticipées le 23 février 2025. Les évolutions du paysage politique en Allemagne

La coalition « feu tricolore » au pouvoir à Berlin battait sérieusement de l’aile depuis des mois en raison des dissensions affichées ouvertement entre ses trois composantes, les Sociaux-démocrates du chancelier Scholz, les Verts dont les figures de proue étaient Robert Habeck, ministre de l’Économie, et Annalena Baerbock, ministre des Affaires étrangères, et les Libéraux de Christian Lindner, ministre des Finances.

Le reproche était régulièrement fait au chancelier de ne pas faire suffisamment usage de son droit constitutionnel à « déterminer les lignes de la politique » pour mettre un terme aux différends qui opposaient Verts et Libéraux mais également les Sociaux-démocrates sur les questions de financement de la transition énergétique et de la protection de l’environnement, globalement sur la politique budgétaire avec la question du frein à l’endettement. C’est la parfaite illustration du fait qu’il ne suffit pas de disposer d’un droit pour s’imposer. C’est affaire de tempérament personnel mais avant tout la conséquence du fait que dans une coalition à deux et, à plus forte raison, à trois le chancelier est d’abord un coordinateur entre les partis qui la composent.
L’affichage public de ces différends avait de quoi étonner si l’on se rappelle que, conscients de leurs différences, Verts et Libéraux s’étaient fin 2021 concertés dans la plus grande discrétion pour vérifier s’ils étaient capables de s’entendre avant de s’associer pour gouverner avec le SPD, sorti étonnamment vainqueur, même si c’était de justesse, des élections fédérales du 26 septembre 2021. La crise a été exacerbée par la décision du Tribunal constitutionnel fédéral du 15 novembre 2023 annulant la loi rectificative du budget 2021. Les Chrétiens-démocrates avaient saisi le tribunal fédéral constitutionnel parce qu’ils estimaient anticonstitutionnel un redéploiement des ressources financières de l’État consistant à affecter des réserves non utilisées, constituées pour combattre la pandémie de Covid-19, à un Fonds fédéral dédié au climat et à l’énergie. La décision provoquait un trou de 60 milliards d’euros dans le budget fédéral et obligeait la coalition tricolore à revoir sa copie dans le domaine où les différends entre ses composantes étaient les plus forts, la rigueur budgétaire et le respect du « frein constitutionnel à l’endettement » faisant partie des chevaux de bataille du FDP – qui n’avait pas réclamé pour rien la direction du ministère des Finances, Christian Lindner succédant ainsi en 2021 à Olaf Scholz dont c’était le ressort dans la grande coalition précédente.
[...]
Un dossier intitulé « La fin de la coalition "feu tricolore" – vers des élections anticipées le 23 février 2025. Les évolutions du paysage politique en Allemagne », paru dans la revue Allemagne d'aujourd'hui, n° 250, octobre-décembre 2024, sous la direction de Étienne Dubslaff, Paul Maurice, Hans Stark et Jérôme Vaillant.
Contenu disponible en :
Thématiques et régions
ISBN / ISSN
DOI
Presses Universitaires du Septentrion
Utilisation
Comment citer cette publicationPartager
Centres et programmes liés
Découvrez nos autres centres et programmes de rechercheEn savoir plus
Découvrir toutes nos analysesCe passé qui oblige
Les relations germano-polonaises ne sont pas au beau fixe. L’absence de Donald Tusk à la rencontre du 18 octobre dernier à Berlin en est certainement l’une des meilleures illustrations. L’Allemagne a pourtant une responsabilité historique à l’égard de la Pologne. Hans Stark explique.
La France attend-elle Friedrich Merz ?
En appelant à un « renouvellement et un approfondissement » des relations avec la France, Friedrich Merz entend insuffler un nouvel élan à la relation bilatérale.
Les Verts allemands comme parti de rassemblement. La fin d’une illusion ?
Lors du congrès de Wiesbaden en novembre 2024, Robert Habeck, actuel ministre de l’Économie et du Climat, est désigné candidat de Bündnis 90/Die Grünen pour les élections législatives anticipées du 23 février 2025. Fondé il y a quarante-cinq ans, l’ancien parti contestataire est aujourd’hui fermement établi dans le paysage politique allemand. Souhaitant tourner la page d’une coalition « feu tricolore » malaimée, le parti mise sur la personnalisation de la campagne et un discours optimiste tourné vers l’avenir et la garantie d’une vie meilleure, sociale et équitable.
La montée en puissance de l’extrême droite : l’AfD et le choix de la radicalité
Fondée en 2013, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) a continuellement durci ses positions au gré des crises. Depuis 2015-2016 et l’arrivée massive d’immigrés en Allemagne, elle se positionne comme un parti virulemment anti-migrants et continue de consolider son assise dans le système politique allemand, notamment dans les parlements. Si son ancrage est surtout fort dans les régions de l’Est où se trouvent ses principaux bastions, elle séduit également de plus en plus d’électeurs à l’Ouest dans un contexte global de normalisation de l’extrême droite et un contexte national marqué par une forte déstabilisation économique et politique.