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Vers une marginalisation du diesel ?

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citée par Marie Jamet et Alexandra Nuiry dans

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Les villes européennes continuent à fermer leurs portes au diesel. Après Stuttgart et Düsseldorf, c’est l’agglomération lyonnaise qui, dès 2020, mettra au ban les véhicules les plus polluants. En outre, les normes défavorables au gasoil se multiplient en Europe. Pourtant le diesel a encore de beaux jours devant lui.

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Les prémisses de la mutation du marché automobile post-diesel

Conséquence du Dieselgate et des différentes interdictions fleurissant à travers le continent, de plus en plus d’Européens boudent les voitures diesel notamment en Belgique, en Espagne ou en France. "Les gens se posent des questions, expose Francis Dusseux, Directeur de l’Union Française des Industries Pétrolières. Depuis 2017, ils achètent moins de véhicules diesel et se rabattent plutôt sur des petits véhicules essences. C’est une tendance qui va se maintenir."

On constate aussi une évolution du côté des véhicules électriques. "On observe un petit nombre de voitures vendues et utilisées par les privés et les entreprises", note John Cooper, Directeur général de Fuels Europe. En 2017, le véhicule électrique représentait 0,9% du marché automobile européen.

Par ailleurs, sur le marché de l’occasion, les véhicules diesel subissent une sévère décote. On observe ainsi une baisse des ventes de 2,4% en 2017.

L’automobile, la partie émergée de la consommation

Du côté des transports lourds et de l’industrie, la dynamique est différente. "Là où la consommation pour les voitures individuelles va diminuer, celle des camions, des navires et de l’aviation va continuer à croître", établit le Directeur Général de Fuels Europe. Etant données son efficacité mécanique et sa rentabilité économique, le diesel est en effet un allié du transport de biens (camions, porte-containers…), de personnes (trains, avions…) et des missions lourdes, notamment pour faire tourner les machines dans les usines.

Au sein de l’Union européenne, le gasoil représentait quelques 71,8% du marché du carburant pour les transports en 2016. Une nouvelle hausse de 3,8%, qui reflète la diésélisation des voies européennes induite par une fiscalité jusque-là avantageuse.

Mais peu à peu, au même titre que les voitures individuelles, les autres moyens de transport tombent sous le coup de mesures réglementaires. Ainsi, l’Organisation Maritime Internationale a-t-elle établi une norme, prévue pour 2020, sur la teneur en soufre des carburants maritimes. "Il y aura un peu de substitution par le gaz pour le transport maritime, détaille Francis Dusseux. Mais on ne va pas faire décoller un A380 avec une batterie." En 2016, 68% des besoins énergétiques du secteur de la navigation étaient couverts par le diesel.

L’Europe déficitaire en diesel

Une diminution des besoins en diesel pourrait permettre aux raffineries de rééquilibrer leur production. A l’heure actuelle, ces dernières ne produisent pas assez de diesel pour satisfaire les demandes du marché et produisent trop d’essence. Pour subvenir à la demande, l’Europe est donc contrainte d’exporter son excédent d’essence et d’importer du gasoil. "On en importe 15 à 20% de Russie, du Moyen-Orient ou des Etats-Unis, explique John Cooper. Si la demande chute, il y a des chances que les imports soient réduits."

Les raffineries européennes ne produiront donc pas moins de diesel et ce pour encore de nombreuses années. Malgré un retournement sensible du marché automobile au profit des véhicules particuliers à essence dans certains pays d’Europe, le renouvellement du parc automobile peut prendre jusqu’à quinze ans. Les effets des mesures contre les véhicules diesel sur la demande se dessineront donc plutôt sur le long-terme.

De plus, et comme le rappelle le Directeur général de Fuels Europe, le diesel est un carburant largement demandé, au-delà de l’industrie automobile. "Il est associé étroitement à la croissance du PIB," évoque-t-il, avant d’ajouter : "la livraison de matériaux bruts et le secteur du bâtiment utilisent par exemple du diesel. C’est un carburant qui bénéficie d’une expansion rapide à travers le monde."

Un monde sans voiture diesel n’est pas un monde avec moins de pétrole

En 2017, le pétrole représentait un tiers de la consommation mondiale d’énergie. Envoyée dans des raffineries, cette matière brute y est chauffée dans des colonnes de distillation avant de se diviser en plusieurs produits, dont le diesel.

Or, une éventuelle diminution globale de la consommation de diesel n’emporterait pas avec elle la production générale de pétrole, qui, par ses différents produits dérivés, alimente de nombreux secteurs, notamment l’industrie chimique. Les raffineries adapteront donc leur production. "La plupart sont flexibles, expliquent John Cooper. Elles peuvent utiliser n’importe quel type de brut et produire ce qu’elles préfèrent avec la matière." Elles produiront donc d’autres dérivés du pétrole à partir de la même quantité de brut en fonction de la demande du marché.

De fait, en 2017, la demande en pétrole a augmenté de 200 000 barils par jour dans la zone Europe de l’OCDE. En 2018, cette dernière y prévoit une hausse supplémentaire de 100 000 barils par jour.

Des organisations écologistes critiquent cette position des producteurs de pétrole : "L’industrie pétrolière sait que la demande en carburant va diminuer", établit Julia Poliscanova, membre de l'organisation Transport & Environment. "Elle recherche d’autres solutions pour prolonger la durée de vie des technologies classiques, ajoute-t-elle. Au lieu d’opérer la transition et d’innover, ils laissent à d’autres cette possibilité. Ils perdent du terrain sur des questions comme l’électrification dans le seul but de maintenir le statuquo."

Vraisemblablement, l'industrie pétrolière ne subira pas les conséquences de la chasse aux voitures diesel avant encore quelques temps. "Il faudra d'abord que les ventes soient davantage orientées vers des véhicules propres, qu'on délaisse progressivement les véhicules diesel et essence, et que l'ensemble du parc soit remplacé," affirme Carole Mathieu, chercheur au Centre Energie de l'Institut Francais des Relations Internationales. "Pour atteindre un parc automobile qui soit largement électrique ou hydrogène, et plus faiblement pétrole, il faut attendre au moins 2030," établit-elle.

 

>Lire l'article sur le site d'Euronews

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Carole MATHIEU

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Ancienne Responsable des politiques européennes au Centre Énergie et Climat de l'Ifri

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