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Vendre des Rafale à la Serbie : est-ce bien raisonnable ?

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cité par Vincent Lamigeon dans

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Un contrat pour 12 Rafale avec Belgrade a été annoncé lors de la visite d’Emmanuel Macron jeudi et vendredi en Serbie. Si l'opération est un joli coup à l’export, elle pose question, vu la proximité de Belgrade avec la Russie et la Chine.

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Des avions de combat Dassault Rafale de l'armée de l'air française, Mont-de-Marsan, 17 mai 2019
Des avions de combat Dassault Rafale de l'armée de l'air française, Mont-de-Marsan, 17 mai 2019
VanderWolf Images/Shutterstock
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La moisson de contrats continue pour l’ex- « avion invendable ». La Serbie a officialisé, à l'occasion du déplacement d’Emmanuel Macron à Belgrade, l’acquisition de 12 Rafale, qu’elle négociait depuis plus de deux ans. Les chasseurs de Dassault Aviation devraient remplacer les 11 Mig-29 de l’armée de l’air serbe, qui dispose également de 17 antiques avions J-22, développés dans les années 1970 par la Yougoslavie et la Roumanie. Le contrat Rafale est le plus important jamais passé à la France par Belgrade : le président serbe Aleksandar Vucic évoquait en 2023 le chiffre de 3 milliards d’euros pour ce contrat, confirmé jeudi soirpar le PDG de Dassault Aviation Eric Trappier. C'est six fois la somme totale des contrats passés par la Serbie à la France sur la période 2013-2022 (484,6 millions d'euros).

Ce contrat serbe est indéniablement un joli coup à l’export. Belgrade devient le troisième client européen à choisir l’avion français, après la Grèce et la Croatie (24 Rafale pour Athènes, 12 pour Zagreb). Mieux, avec cette transaction, le chasseur français tutoie désormais la barre des 300 commandes à l’export. L'avion de combat de Dassault avait déjà été commandé par l’Egypte (55 avions), le Qatar (36), l’Inde (36), la Grèce (24), la Croatie (12), les Emirats Arabes Unis (80), et l’Indonésie (42), soit 285 avions. En ajoutant 12 appareils serbes, le chiffre grimperait à 297 commandes export. C’est onze de plus que les ventes à l'exportation du Mirage 2000 durant toute sa carrière.

Grande proximité avec la Russie

Pourtant, cette commande est loin de générer un enthousiasme unanime dans le microcosme diplomatico-militaire français. Pourquoi ? Parce que la Serbie est un client un peu particulier. Non-membre de l’Otan et de l’UE, même si candidate à cette dernière, Belgrade cultive, de longue date, une proximité assumée avec la Russie.

« La Serbie et la Russie ont signé un partenariat stratégique en 2009, approfondi en 2013, et leurs liens étroits n’ont pas été altérés par l’invasion russe de l’Ukraine, souligne Florent Marciacq, chercheur associé au think-tank IFRI. Belgrade s’est d’ailleurs toujours refusé à appliquer des sanctions contre Moscou. »

Interrogé par Challenges, un familier des Balkans s'étonne du pari français. « La Serbie est probablement, la Biélorussie mise à part, l'Etat dont l'appareil sécuritaire est le plus pénétré par les services de renseignement russes, explique-t-il. Que la France vende des Rafale à Belgrade, je pense que les Serbes eux-mêmes n'en reviennent pas.» La vente des avions de combat français, poursuit l'expert, pourrait mettre la France dans une position délicate si la situation sécuritaire se dégradait dans la Balkans, notamment a Kosovo, où 4.500 militaires des pays de l'OTAN sont encore déployés, au sein de la KFOR. « Imaginez que la Serbie décide de faire une démonstration de force avec ses Rafale au-dessus des forces de l'OTAN, on fait quoi ? »

Déstabilisation à la russe

La Serbie mène aussi, rappellent les experts, une politique de déstabilisation dans les pays limitrophes, via les minorités serbes qui s’y trouvent.

« La stratégie serbe est un peu le miroir de la stratégie russe : elle utilise les minorités serbes, au Kosovo, en Bosnie ou au Monténégro, pour déstabiliser ses voisins », avance Florent Marciacq, qui évoque aussi un « glissement anti-démocratique très fort » du pouvoir serbe, avec une répression forte et des élections « qui ne sont plus libres ».

Autre argument des opposants au contrat : les excellentes relations de Belgarde avec la Chine. La Serbie a même été le premier Etat européen à se doter, en 2022, du système de défense aérienne chinois HQ-22, appelé FK-3 dans sa version export, un équivalent du S-300 russe, du Patriot américain ou du SAMP/T franco-italien. Plusieurs voix en France craignent que les caractéristiques radars Rafale puissent être « évaluées » par ces systèmes chinois, permettant à Pékin de récupérer de précieuses informations sur l’avion français. « Le sujet sur les technologies, c’est plus la Chine que la Russie », estime un expert français. Des craintes similaires avaient été exprimées en 2021, quand la Turquie avait fait venir quatre Rafale qataris à un exercice pour analyser les capacités de l’avion français.

« Arrimer » la Serbie à l’Europe

Pourquoi, dès lors, accepter de vendre le Rafale à la Serbie ? Le gouvernement français reste droit dans ses bottes. Si la France ne livre pas ces avions, la Serbie, « cette enclave qui est au milieu de l’Union européenne deviendra un point d’entrée pour l’instabilité sur notre continent et pour tous les régimes autoritaires, de la Russie à la Chine », soulignait jeudi 29 août sur France Info Jean-Noël Barrot, ministre démissionnaire chargé de l’Europe.

Cet argument de « l’arrimage » de la Serbie à l’Europe est repris par plusieurs spécialistes. La vente de Rafale à la Serbie ? « Je trouve ça plutôt malin : ça les décroche des Russes, et les rapproche un peu d’une adhésion à l’UE, estime Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l’IRIS et spécialiste de la défense européenne. Quant aux risques de pillage de technologies, on peut faire confiance à la maison Dassault pour avoir pris toutes les garanties nécessaires. Ce sera probablement ceinture et bretelles. »

[...]

« Pas inféodée à l’Occident »

Le pari serbe de l’exécutif ne convainc pas tout le monde.

« Le pari de l’arrimage à l’Europe a de grandes chances d’être perdu : ce n’est pas une vente de Rafale qui va menacer les relations entre Serbie et Russie, assure Florent Marciacq, de l’Ifri. Le discours d’Aleksandar Vucic, c’est de répéter que la Serbie n’est pas inféodée à l’Occident, qu’elle est dans la cour des grands et discute donc avec tout le monde, d’où les relations de proximité avec la Russie et la Chine. »

Côté Elysée, on préfère voir le verre à moitié plein. Mi-juillet, Emmanuel Macron soulignait dans un communiqué l’engagement du président serbe, Aleksandar Vucic « en faveur de la normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo, en appui à la médiation européenne et a appelé à la pleine mise en œuvre des accords de Bruxelles-Ohrid ». Cet accord, négocié par l’UE et accepté début 2023 par la Serbie et le Kosovo, vise à normaliser les relations entre les deux pays.

 

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Vincent Lamigeon

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Florent MARCIACQ

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Chercheur associé à l'Ifri, Secrétaire général adjoint du Centre franco-autrichien pour le rapprochement en Europe (CFA)

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Des avions de combat Dassault Rafale de l'armée de l'air française, Mont-de-Marsan, 17 mai 2019
VanderWolf Images/Shutterstock