Une union européenne fragile face aux grandes puissances
La Russie, la Chine et les États-Unis jouent des intérêts parfois divergents des pays de l’Union européenne pour défendre leurs intérêts
Il est un point de politique étrangère pour lequel l’unité européenne ne s’est jamais lézardée ces cinq dernières années : les sanctions économiques vis-à-vis de la Russie. Lancées après la destruction d’un avion de ligne par un missile russe dans l’est de l’Ukraine, ces mesures sont reconduites tous les six mois par les 28 pays lors des sommets à Bruxelles. Même l’arrivée au pouvoir en Italie du Mouvement 5 étoiles et de la Ligue, ouvertement favorables à la levée des sanctions, n’y a rien changé.
En résistant jusqu’à aujourd’hui aux pressions des milieux d’affaires et au travail d’influence de la Russie auprès de ses relais en France, en Allemagne et ailleurs, l’Europe a démontré son attachement solide à quelques valeurs clés, dont le respect des frontières issues de la Seconde Guerre mondiale, malmené par l’annexion russe d’une partie du territoire ukrainien (la Crimée) et la déstabilisation des régions de Donetsk et de Lougansk à travers les séparatistes prorusses du Donbass.
Crispations avec la Chine
« Les relations entre l’Union européenne et la Russie ont atteint un niveau de défiance et de tension sans précédent depuis la fin de la guerre froide, écrit le chercheur Marc-Antoine Eyl-Mazzega dans le Ramses 2019, le rapport annuel publié par l’Institut français des relations internationales. Les sanctions américaines et européennes ont figé les deux blocs dans leurs positions. » La dépendance du vieux continent au gaz et au pétrole russe n’a pour l’heure pas eu de répercussions sur l’unité affichée.
Les relations vis-à-vis de la Chine se sont crispées ces dernières années sur un autre volet : la politique économique. Après des années de naïveté, Pékin est désormais qualifié par la commission européenne tout à la fois de « partenaire stratégique » mais aussi de « concurrent économique qui ambitionne d’être au premier plan technologique, et de rival systémique qui promeut d’autres modèles de gouvernance ».
Ces nouvelles routes de la soie qui inquiètent Bruxelles
Une déclaration commune a été adoptée par les 27 lors d’un sommet le 21 mars dernier. Parmi dix mesures, l’UE « invite » la Chine à tenir ses engagements en termes de réciprocité dans l’accès à ses marchés, en particulier ses commandes publiques. Bruxelles veut également mieux protéger les entreprises européennes rachetées par des sociétés chinoises, en s’assurant notamment que ces achats ne sont pas permis par des subventions publiques de Pékin.
Face à ce front uni, la 2e puissance économique du monde joue de son poids financier pour négocier individuellement des accords en bilatéral, notamment auprès des pays d’Europe centrale et orientale. Après la Grèce, l’Italie s’est démarquée de la France et de l’Allemagne en adhérant au grand projet des nouvelles routes de la soie et en s’ouvrant au transit de produits chinois, malgré les réticences de Bruxelles et de Washington.
Divisions européennes
On retrouve les mêmes ambiguïtés des Européens vis-à-vis de la première puissance mondiale : les États-Unis. L’élection de Donald Trump et ses attaques répétées contre les traités signés avec ses alliés traditionnels ont effrité la confiance de part et d’autre de l’Atlantique. Parmi les dossiers qui fâchent, l’abandon du traité sur le nucléaire iranien, la lutte contre le changement climatique ou la guerre commerciale, avec l’entrée en vigueur des nouvelles taxes américaines sur l’acier et l’aluminium européen.
En réponse, les Européens ont décidé de taxer plusieurs produits dont les célèbres Harley Davidson. Ils se présentent en ordre plus dispersé à l’heure de négocier un traité commercial avec les États-Unis. Le président Emmanuel Macron a voté, le 11 avril, contre l’accord transatlantique qui vise à éliminer les droits de douane sur plusieurs produits industriels. Isolé, il a été mis en minorité.
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