« Une erreur impardonnable » : en Allemagne, l’alliance inattendue entre la CDU et l’AfD crispe une partie de la classe politique
DÉCRYPTAGE - L’ancienne chancelière allemande, figure de la CDU, a blâmé le président de son parti Friedrich Merz, après le vote d’une motion parlementaire sur l’immigration grâce aux voix de l’AfD.
L’adoption au Bundestag d’une motion parlementaire de la CDU sur l’immigration grâce aux votes du parti d’extrême droite AfD a déclenché une tempête politique en Allemagne. Ce jeudi matin, Angela Merkel, l’ancienne chancelière et figure de la CDU, pourtant peu habituée à critiquer son propre parti, est sortie de sa réserve.
Dans un communiqué publié sur son site internet, elle a regretté que Friedrich Merz, l’actuel président de la CDU ait renoncé à son engagement de novembre dernier de ne s’associer au Bundestag qu’à des partis centristes, et en aucun cas à l’AfD.
« Une erreur impardonnable »
« Il est nécessaire que tous les partis démocratiques travaillent ensemble, au-delà des frontières politiques partisanes », affirme-t-elle, avant d’appeler à rejeter « les manœuvres tactiques ». L’ancienne chancelière réclame le retour de la mesure « sur la base du droit européen applicable, pour empêcher des attentats aussi terribles que celui de Magdebourg et d’Aschaffenburg ».
De leur côté, le SPD et les Verts fulminent contre cette première historique. Pour l’actuel chancelier Olaf Scholz, il s’agit d’« une erreur impardonnable ». « Depuis la fondation de la République fédérale d’Allemagne il y a plus de 75 ans, il y a toujours eu un consensus clair de tous les démocrates dans nos parlements : nous ne faisons pas cause commune avec l’extrême droite », a-t-il affirmé devant le Parlement.
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Un basculement symbolique
« L’AfD est toujours très virulente, n’hésitant pas à relativiser la politique du IIIème Reich, elle n’est certainement pas en voie de notabilisation », analyse Jacques-Pierre Gougeon, directeur de l’observatoire de l’Allemagne à l’IRIS.
- « On ne verrait jamais, comme ça pourrait être le cas en France, un vice-président du Bundestag issu des rangs de l’AfD », ajoute Paul Maurice, chercheur au Comité d’études des relations franco-allemandes de l’IFRI. Ce vote commun représente incontestablement un basculement symbolique en Allemagne, même si la motion parlementaire adoptée n’a aucune valeur législative.
Tout porte donc à croire qu’il s’agit d’une manœuvre politique étrangement calculée par Friedrich Merz, aspirant très sérieux à la Chancellerie. En affirmant son identité plus droitière, il montre à ses électeurs, majoritairement défavorables à l’immigration et scandalisés par la multiplication d’attaques violentes commises sur leur sol par des ressortissants étrangers, qu’il compte agir de façon offensive sur ce volet.
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Texte citation
« Sa campagne pour les élections législatives, axée sur des thèmes économiques, ne décollait pas, contrairement à celle de l’AfD. Ainsi, il se remet au centre du jeu et tente d’endiguer la chute de la CDU dans les sondages », analyse Paul Maurice. Selon lui, le candidat marque aussi sa divergence de ligne avec celle qui l’a précédé : « Il se débarrasse de l’héritage Merkel pour qui il a une forte inimitié et qu’il tient pour responsable de la montée de l’AfD ».
Secrétaire général du Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l'Ifri
63% des Allemands favorables à un blocage des demandeurs d’asile à la frontière
Selon un sondage de la deuxième chaîne de télévision allemande ZDF mené auprès de 1500 personnes et publié ce jeudi, 63% des Allemands se disent favorables au rejet des demandeurs d’asile à la frontière, l’une des propositions figurant dans la motion de la CDU. Près de 70% des sympathisants de la CDU/CSU sont favorables à un renforcement de la politique migratoire selon ce même baromètre.
- Cependant, selon Paul Maurice, « s’il peut gagner des électeurs sur le fond du texte, Merz en perd certains sur la forme ». Les électeurs qui sont restés fidèles à la CDU et n’ont pas migré vers l’AfD, notamment ceux de l’aile centriste autrefois incarnée par Merkel, restent frileux à l’idée d’une association politique avec le sulfureux parti d’Alice Weidel.
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>> >> Cet article est publié dans Le Figaro (réservé aux abonnés)
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