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Trump et l’énergie : "America First, Planet Last"

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Alors que la COP 23 se tient en ce moment, Jean-François BOITTIN, chercheur associé au Centre énergie de l'Ifri, analyse la politique énergétique mise en place par Donald Trump, un an après son élection.

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The United States and oil drilling
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Le paradoxe ne manque pas d’être ironique : le président Obama se voulait le champion de l’environnement. Mais c’est sous sa présidence que les États-Unis se sont le plus approchés du Graal de l’"indépendance énergétique", recherché depuis 1973.

En 2008, la dépendance énergétique américaine - la différence entre la consommation et la production intérieure - s’établissait à 30 %. Elle n’était plus que de 14 % en 2016, conséquence du dynamisme des entreprises d’hydrocarbures, mais aussi de la politique de l’administration Obama, favorable à toutes les sources d’approvisionnement, selon la formule du président en mai 2012 "all of the above".

En huit ans, la production de gaz de schiste a explosé et dès 2011, les États-Unis ont dépassé la Russie pour devenir le premier producteur mondial de gaz naturel. La production de pétrole a augmenté de 89 % et représente 75 % de la consommation.

Le président Obama avait mené par ailleurs une politique active de défense de l’environnement et de lutte contre le changement climatique : normes de pollution automobiles, réduction du recours au charbon dans la production d’électricité (Clean Power Plan). Son engagement international culminait avec la participation américaine à l’accord de Paris à l’issue de la COP21.

 

À l’opposé, le candidat Trump s’était érigé pendant la campagne en champion du "charbon propre" (un oxymore, bien entendu !), et n’avait pas de mots assez durs pour dénoncer des réglementations environnementales destructrices d’emplois. Il tient aujourd’hui ses engagements et proclame une ère nouvelle de "domination énergétique américaine".

Le retour du "roi Charbon" ?

L’attachement au charbon proclamé par le candidat visait évidemment la clientèle électorale des États qui ont décidé du sort de la présidentielle américaine. Pour encourager le recours au charbon, le président utilise plusieurs leviers : le secrétaire d’État à l’Énergie, Rick Perry, essaie de contraindre les producteurs d’électricité à utiliser un niveau minimum de charbon sous prétexte d’assurer une meilleure stabilité au réseau électrique américain. Scott Pruitt, responsable de l’Agence pour la protection de l’environnement (EPA), a annoncé triomphalement le 10 octobre la fin de la "guerre contre le charbon", et la mise à l’écart de la réglementation du Clean Power Plan mise en place par Obama.

Il est néanmoins peu probable que ces tentatives de mise en place d’une politique industrielle réussissent à modifier les équilibres fondamentaux fondés sur le prix du gaz naturel.

"American Energy Dominance"?

La réalité que recouvrirait cette nouvelle devise est assez vague. Les États-Unis ont dépassé la Russie en 2015 pour la production de pétrole et de gaz, mais leurs réserves prouvées de pétrole représentent une fraction des réserves de l’Arabie Saoudite ou du Venezuela. Le secteur du nucléaire est à la traîne et les décisions prises par l’administration vont handicaper les renouvelables, éolien et solaire.

Le gaz naturel liquéfié (GNL) est censé devenir le vecteur de cette "domination énergétique". Les États-Unis pourraient, à l’horizon 2020, représenter 20 % du commerce mondial de GNL. Le volontarisme des officiels américains qui promeuvent le GNL a néanmoins des limites évidentes : les acteurs sont des entreprises privées qui obéissent à la seule logique du profit. La concurrence est forte : Australie, Russie, Qatar, Iran. Là aussi, le marché aura le dernier mot.

La planète en dernier !

Donald Trump reprend à son compte l’évangile républicain, qui nie la réalité du changement climatique ou refuse toute réglementation qui impacterait l’économie américaine. Le changement climatique serait une "arnaque chinoise", selon les mots du candidat Trump, "une ruse pour mettre à mal l’économie américaine". L’expression même de changement climatique est maintenant bannie des sites officiels, dans la grande tradition stalinienne.

La plupart des décisions prises par Obama en matière de protection de l’environnement ont été annulées par décret présidentiel ou par le Congrès. Le rejet du Clean Power Plan le 10 octobre a couronné le processus de démolition systématique entrepris dès le 20 janvier 2017. La proposition budgétaire de l’exécutif taille sévèrement dans les enveloppes de recherche et développement consacrées aux énergies renouvelables.

La sortie des États-Unis de l’accord de Paris le 1er juin 2017 n’avait donc rien d’une surprise : ce bras d’honneur à la communauté internationale satisfait autant, dans la forme, la base électorale du président (que ce dernier cultive dans une campagne permanente), que, sur le fond, les sociétés qui ont financé son élection.

Loin de faire l’impasse sur les États-Unis, les pays tiers doivent aujourd’hui associer à leurs efforts les collectivités locales américaines, les États et les municipalités, ainsi que les entreprises, en particulier les géants de l’internet, qui, par conviction ou intérêt, se mobilisent face à leur président pour limiter autant que possible l’ampleur des conséquences du changement climatique.

Par Jean-François Boittin, chercheur associé au Centre énergie de l’Ifri.

Contribution issue de l’étude collective de l’Ifri : Trump, un an après. Un monde à l’état de nature ?, novembre 2017

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Jean-François BOITTIN