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Travail des immigrés, l’hypocrisie française

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citée par Marjorie Cessac dans

  Le Monde
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Alors qu’une entreprise sur deux a du mal à recruter, beaucoup d’étrangers ont du mal à obtenir un visa de travail. Le volet emploi de l’immigration pèche par son inadéquation aux besoins du marché.

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Ils sont artisans, boulangers, restaurateurs, bouchers, soignants. Et toujours un peu plus nombreux à se mobiliser pour empêcher l’expulsion d’un employé immigré sur lequel ils savent compter. Ils sont aussi étrangers mais diplômés en France, parfois chercheurs dans des laboratoires prestigieux, sans pour autant parvenir à renouveler leur titre de séjour condition sine qua non pour pouvoir travailler.

A quelques semaines de l’élection présidentielle, quand les questions identitaires et sécuritaires se mélangent et hystérisent les débats sur l’immigration, ces récits disent une autre histoire : celle de la pénurie de main-d’œuvre, des freins administratifs kafkaïens et de la contribution des immigrés – qu’ils soient diplômés ou pas – à l’économie. Ils racontent leur présence essentielle, comme ces aides-soignantes en « première ligne » applaudies au début de la pandémie. Ils montrent, en creux, à l’autre bout du spectre, la faible affluence des étrangers plus qualifiés. « Ainsi la France, 6puissance économique mondiale, n’est que 19e au classement mondial “compétitivité et talents” élaboré par [l’école privée de management] l’Insead, qui mesure la capacité d’un pays à attirer, produire et retenir des talents », constatent des économistes dans une note du Conseil d’analyse économique de novembre 2021.

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Former les réfugiés

Si les travailleurs sans-papiers constituent un sujet hautement politique et miné, il est un statut qui bénéficie d’une protection administrative, qui rassure les employeurs, et pour lequel le Medef s’est impliqué, c’est celui de réfugié. Dès 2015, quand plus de 1 million de migrants sont arrivés en Europe à la suite du conflit syrien notamment, plusieurs initiatives ont émergé en vue de leur intégration professionnelle.

Des fédérations professionnelles comme celle du bâtiment ont lancé, en 2018, des projets comme le plan « 15 000 bâtisseurs » visant à recruter des jeunes, des demandeurs d’emploi mais aussi des réfugiés. Des programmes public-privé comme celui de HOPE (Hébergement, orientation, parcours vers l’emploi) ont également vu le jour à leur attention.

Sayed et Berhane ont pu en bénéficier. Les deux hommes n’ont pas suivi les mêmes routes migratoires, mais leurs chemins se sont croisés au centre de formation professionnelle pour adulte (AFPA) de Grenoble, où ils suivaient des cours de français et apprenaient un métier en tension. « Nous avons suivi la formation de maçon “VRD”, épelle Berhane, 43 ans. Voirie et réseaux divers. Pour moi, c’était assez simple, car en Erythrée, j’étais dans l’armée et déjà dans la construction. »

A ses côtés, Sayed, 30 ans, a dû reprendre tout à zéro. « Moi, j’ai étudié l’hydrométéorologie. En Afghanistan, je faisais des statistiques pour l’ONU. A présent, ma priorité est de bien parler français », poursuit le jeune homme qui a fui l’avancée talibane. Tous deux sont en contrat de professionnalisation auprès d’une agence d’intérim.

Ces initiatives, qui se comptent seulement en milliers, remportent l’adhésion des employeurs. Un succès sans commune mesure avec les résultats de l’Allemagne, qui, en 2021, avait réussi, grâce à l’apprentissage, à faire employer la moitié du 1,6 million de réfugiés. « Au départ, les entreprises étaient frileuses, reconnaît Pascale Gerard, directrice diversité et intégration à l’AFPA. Mais aujourd’hui, elles sont de plus en plus nombreuses à venir vers nous pour recruter. » L’objectif, pour 2022, est d’embaucher 1 500 réfugiés.

Certaines multinationales se mobilisent publiquement. Douze d’entre elles comme Sodexo, L’Oréal, Ipsos ou Accor, ont rejoint le réseau international Tent Partnership for Refugees, qui promeut les talents et le profil singulier de ces étrangers. « Celles que nous avons interrogées ne se sont toutefois pas encore livrées à de réels engagements chiffrés d’embauches », relèvent Sophie Bilong et Frédéric Salin, deux chercheurs qui ont mené une étude pour l’Institut français des relations internationales auprès de dix-huit d’entre elles.

« Celles qui en font le plus ne sont pas forcément dans cette coalition », rappellent-ils, comme certaines PME particulièrement actives dans l’embauche des femmes. Après avoir enquêté auprès de réfugiés ayant acquis un titre de séjour depuis un an, ils ont constaté que leurs conditions de travail restaient encore « précaires, instables, insatisfaisantes ». Elles sont souvent marquées par un « déclassement professionnel » par rapport à leur situation dans leur pays d’origine.

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Sophie BILONG

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Ancienne Chercheuse associée, Centre Migrations et citoyennetés