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Thomas Gomart (Ifri): « L’Allemagne est plus importante pour la France que la France ne l’est pour l’Allemagne »

Interventions médiatiques |

interviewé par

  Jean-Dominique Merchet
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Le directeur de l’Institut français des relations internationales (Ifri) revient sur la relation entre les deux pays, fortement dégradée depuis plusieurs mois. Annulé en octobre dernier sur fond de désaccords entre Paris et Berlin, le conseil des ministre franco-allemand se tient ce dimanche 22 janvier à Paris, à l’occasion du 60e anniversaire du Traité de l’Elysée, qui a marqué la réconciliation entre les deux pays.

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Directeur de l’Institut français des relations internationales (Ifri), Thomas Gomart publie un nouveau livre, Les ambitions inavouées (Tallandier, 2023), dans lequel il décrit « ce que préparent les grandes puissances ». Un chapitre est consacré à l’Allemagne. A la veille du conseil des ministres franco-allemand, qui se tiendra dimanche à Paris, il répond aux questions de l’Opinion.

Comment voyez-vous la relation franco-allemande ?

Le fond de l’affaire, c’est que l’Allemagne est plus importante pour la France que la France ne l'est pour l'Allemagne. On a du mal à le comprendre à Paris, à sortir du catéchisme franco-allemand, avec l’évocation des grandes figures et ses messes presque rituelles. Dans les milieux stratégiques allemands que je fréquente professionnellement, j'ai toujours été frappé par la prééminence des échanges germano-américains sur les échanges franco-allemands, créant une sorte d’incompréhension entre Paris et Berlin sur des sujets comme « l’autonomie stratégique européenne ».

Qu’est-ce que la guerre d’Ukraine change dans cette relation ?

Le modèle allemand est plus ébranlé que le nôtre. C’est pour l’Allemagne un changement d’époque, le Zeitenwende dont parle le chancelier Scholz. Elle doit se réinventer dans l’urgence et repenser sa relation avec trois acteurs majeurs, la Russie, les États-Unis et la Chine. Avec la Russie, c’est évidemment la question de la dépendance au gaz, qui lui avait permis de sortir du nucléaire. Pour l’Allemagne, les États-Unis sont à la fois un marché à l’exportation et le garant ultime de sa sécurité - ce qui lui avait permis jusqu’à présent de limiter ses dépenses militaires à 1,5% du PIB. Au début de la guerre d’Ukraine, le chef d’état-major allemand a dû reconnaître l’extrême faiblesse de la Bundeswehr. Problématique pour la quatrième puissance économique mondiale. Enfin, la Chine est indispensable à une grande partie de l’appareil productif allemand. La dépendance allemande an marché chinois est très supérieure à celle des autres pays européens. Le modèle des années Schröder-Merkel était basé sur une forme d’équidistance entre Washington, Moscou et Pékin. II a contribué à minorer l’importance de la relation avec Paris.

Quelle place y a-t-il pour le couple franco-allemand dans la nouvelle Europe qui se dessine ?

La France et l’Allemagne partagent le même embarras face à la guerre d’Ukraine à cause de leur erreur de jugement initial sur les intentions russes. Même si c’est en partie injuste, les deux pays en paient le coût politique. Ils gagneraient à tirer les enseignements d’une guerre qu’ils ne sont pas parvenus à éviter malgré les accords de Minsk. Berlin se prépare beaucoup plus résolument au futur élargissement de l’UE à l’Ukraine qui correspond plus aux fondamentaux de sa géopolitique. Dans ce rééquilibrage en cours, il faut des démarches communes entre la France et l’Allemagne, tout en se coordonnant d’avantage avec Londres et Varsovie. Car la Pologne aura un rôle beaucoup plus important à l’avenir, malgré la dégradation de la relation germano-polonaise.

Et quels en sont les enseignements directs pour la France ?

Notre pays, qui accumule les déficits commerciaux et budgétaires, doit prendre acte de son décrochage économique avec l’Allemagne. Parallèlement, Berlin doit écouter davantage ses partenaires européens, en particulier dans le domaine énergétique. Enfin, les désaccords, dans le domaine de l’armement et du spatial notamment, méritent un traitement approfondi plutôt que des effets de communication.

> Voir l'iInterview parue dans L'Opinion (réservé aux abonnés)

 

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Thomas GOMART

Thomas GOMART

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Directeur de l'Ifri