Téhéran dit se préparer à la fin de l'accord sur le nucléaire
L'Iran a annoncé les prémisses d'une reprise de l'enrichissement d'uranium. Une manière de mettre la pression sur les Européens, au risque de franchir le point de non-retour.
L'accord international sur le nucléaire iranien (JCPOA) n'est pas encore officiellement mort mais plus guère vivant. L'Iran va entamer des préparatifs visant à augmenter sa capacité d'enrichissement d'uranium, selon un discours, lundi soir, de l'ayatollah Ali Khamenei.
Une notification en ce sens a été transmise officiellement à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), a confirmé mardi le vice-président iranien, Ali Akbar Salehi. Qui a précisé que devrait être ouvert dès ce mercredi à Natanz un centre de « production de nouvelles centrifugeuses » pour fournir de l'hexafluorure d'uranium (UF6). L'UF6 est un précurseur de l'uranium hautement enrichi des bombes atomiques.
Partie de poker menteur
Téhéran affirme qu'il compte continuer à respecter l'accord JCPOA, malgré le retrait des Etats-Unis il y a un mois, mais qu'il veut être prêt à reprendre l'enrichissement d'uranium, dans l'hypothèse où l'accord signé à Vienne en juillet 2015 viendrait à s'effondrer.
- Toutefois, l'installation de nouvelles centrifugeuses serait contraire aux termes du JCPOA, fait valoir Corentin Brustlein, expert en prolifération de l'Institut français des relations internationales (IFRI), qui insiste sur le fait « qu'il existe du chemin entre l'annonce d'une décision et sa mise en oeuvre, pour l'instant il s'agit juste de préparatifs ».
D'ailleurs, Ali Salehi a précisé que l'annonce de la production de centrifugeuses « ne veut pas dire que nous allons commencer à les assembler », subtil distinguo indiquant que Téhéran ne veut pas encore être pris en flagrant délit de violation du JCPOA. Ali Salehi a également souligné que la décision du Guide suprême iranien « ne signifiait pas que les négociations avec les Européens ont échoué ».
Pas de quoi être alarmiste aujourd'hui
Autre signe d'un éventuel bluff de Téhéran, l'annonce, mardi, de son objectif de parvenir à terme à 190.000 SWU (une unité complexe de capacité d'enrichissement d'uranium) ; un objectif déjà claironné à plusieurs reprises avant le JCPOA... sans jamais y parvenir, fait valoir Ariane Tabatabai, une experte à Washington du Centre pour les études stratégiques et internationales (CSIS). Qui estime donc, citée par l'agence Bloomberg, qu'il n'y a pas de quoi « être alarmiste » aujourd'hui.
Mettre la pression sur les Européens
L'annonce de l'Iran viserait en fait « à accroître la pression sur les Européens », estime Corentin Brustlein, en les menaçant de ne plus respecter le JCPOA s'ils ne fournissent pas dans les prochaines semaines des garanties sur la capacité des entreprises européennes à continuer de commercer et investir en Iran malgré les menaces de sanctions américaines.
C'est mal parti. Le constructeur automobile PSA, qui a vendu plus 444.600 voitures en Iran l'an passé a annoncé son retrait . Quant à Total, il ne compte pas vraiment sur une exemption américaine pour poursuivre un projet gazier géant.
Tactique « à deux lames »
- Selon Corentin Brustlein, Téhéran essaye parallèlement « de tester les limites du JCPOA », comme l'Iran le fait d'ailleurs régulièrement;
l'AIEA a reconnu mardi que la coopération de Téhéran « pourrait être meilleure », après avoir conduit l'an dernier sur des sites nucléaires iraniens 35 inspections sans préavis, dont certaines ont fait l'objet de menues obstructions et délais.
- Cette tactique « à deux lames », faire pression sur les Européens tout en jouant avec le JCPOA, peut s'avérer risquée, estime Corentin Brustlein, car « si elle va trop loin cela peut pousser les Européens du côté de l'administration américaine. ».
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