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Sommet de l'UE : l'impossible politique étrangère européenne

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  Jean Quatremer,
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Jeudi et vendredi, les Vingt-Sept se réunissent pour aborder les dossiers internationaux. Malgré des ambitions et un appareillage diplomatique, l’Union n’est toujours pas un acteur politique sur la scène internationale.

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Turquie, Chine, Russie, Biélorussie : autant de pays, autant de désaccords entre les Vingt-Sept. A tel point que le Belge Charles Michel, président du Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement, a jugé nécessaire de convoquer cet été un sommet, qui aura lieu jeudi et vendredi, centré, pour l’essentiel, sur une «politique étrangère européenne» qui, plus de vingt ans après sa création, reste un oxymore : l’Union n’est toujours pas un acteur politique sur la scène internationale.

Turquie, Chine, Russie, Biélorussie : autant de pays, autant de désaccords entre les Vingt-Sept. A tel point que le Belge Charles Michel, président du Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement, a jugé nécessaire de convoquer cet été un sommet, qui aura lieu jeudi et vendredi, centré, pour l’essentiel, sur une «politique étrangère européenne» qui, plus de vingt ans après sa création, reste un oxymore : l’Union n’est toujours pas un acteur politique sur la scène internationale.

Ainsi, alors qu’il voulait se joindre aux sanctions européennes contre Minsk – qui réprime violemment les manifestations contre le régime d’Alexandre Loukachenko –, le Royaume-Uni, fraîchement sorti de l’Union, lassé des tergiversations des Vingt-Sept, a décidé, hier, en coordination avec le Canada, d’agir de son côté et de punir le président biélorusse et sept membres de son entourage… Londres aurait voulu souligner l’impuissance congénitale d’une Union pourtant dotée d’un «haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité», en la personne de l’Espagnol Josep Borrell, qu’il ne s’y serait pas pris autrement.

«Un contexte stratégique qui se dégrade plus vite que prévu»

Une impotence qui se vérifie dans tous les dossiers internationaux, sauf à de rares exceptions comme l’emblématique accord nucléaire iranien assassiné par Donald Trump. Néanmoins, il serait faux d’affirmer que rien n’a changé en vingt ans : l’épisode dramatique de la seconde guerre d’Irak, en 2003, qui avait vu la grande majorité des pays européens s’aligner derrière George W. Bush alors que l’Allemagne, la France, la Belgique et le Luxembourg refusaient de se joindre à l’aventure, ou encore le refus allemand en 2011 de voter à l’ONU en faveur d’une intervention en Libye voulue par la France, paraissent appartenir à la préhistoire.

Car le contexte géostratégique a totalement changé en quelques années : isolationnisme américain, hostilité de Donald Trump à l’égard de l’Union, mais aussi de l’Otan, guerre commerciale ouverte entre Washington et Pékin, Brexit, agressivité ouverte des «empires» autocratiques que sont la Russie, la Turquie ou la Chine, guerres civiles et interventions étrangères en Syrie et Libye, déstabilisation de l’Iran, etc. Le monde est devenu d’une fluidité extrême et les dangers se rapprochent du vieux continent.

  • «Il y a désormais une compréhension par les Vingt-Sept d’un contexte stratégique qui se dégrade plus vite que prévu comme en témoigne la volonté d’Ursula von der Leyen de faire de sa commission un organe "géopolitique"», analyse Thomas Gomart, patron de l’Institut français des relations internationales (Ifri).

Parapluie américain considérablement affaibli

Pour autant, les vieux réflexes ont la vie dure : prendre conscience des dangers n’implique pas que l’on soit d’accord sur l’urgence de la réaction à y apporter et sur les moyens à mettre en œuvre pour y parer. Ainsi, la plupart des Etats membres ne parviennent pas à faire leur deuil de l’Otan, ce cocon confortable et déresponsabilisant. Seul Emmanuel Macron a osé affirmer, sous les huées de ses partenaires européens, que cette alliance était en état de «mort cérébrale» puisque les Etats-Unis s’en désengagent de facto. Il est pourtant clair que, sans avoir disparu, le parapluie américain s’est considérablement affaibli :

  • «Les Allemands ne veulent ainsi pas voir qu’il n’y a quasiment plus de sixième flotte américaine en Méditerranée et que les marines russe, chinoise, turque et iranienne y sont de plus en plus actives», avertit Thomas Gomart. En pratique, cela se traduit par «un fort décalage entre l’activisme de la France, seul pays de l’Union qui a encore une ambition globale, une marine et une armée qu’il peut projeter, et la prudence des autres Etats membres», poursuit le patron de l’Ifri.

La réaction de l’UE face aux ambitions turques en Méditerranée le souligne jusqu’à la nausée : seules la France et l’Italie ont envoyé navires et avions de combat pour soutenir Chypre et la Grèce, Berlin préférant dialoguer avec Ankara, pendant que les pays de l’Est n’ont d’yeux que pour la Biélorussie et la Russie.

Dans un tel contexte, les appels d’Emmanuel Macron en faveur d’une politique étrangère commune et d’une armée européenne relèvent du vœu pieux. Sur ce dernier point, rappelons que le Fonds de défense destiné à encourager la recherche militaire qui devait être doté de 13 milliards d’euros pour la période 2021-2027 a subi des coupes sévères lors du sommet européen de juillet : seuls 7 milliards d’euros lui seront finalement affectés. Rien de surprenant, en réalité : comment imaginer une armée de l’Union dotée de matériels communs alors que les Vingt-Sept ne sont pas d’accord sur les menaces et la doctrine d’emploi des forces et qu’une grande majorité d’entre eux préfèrent acheter du matériel américain afin de s’attirer les bonnes grâces de Washington ?

«Agir au nom de l’UE»

Pour sortir de ces blocages persistants, certains plaident pour passer du vote à l’unanimité au vote à la majorité qualifiée (55% des Etats représentant 65% de la population). Une illusion dès lors que l’Union n’est pas un Etat fédéral à l’américaine : imagine-t-on un instant que la France aurait accepté d’envoyer son armée en Irak en 2003 parce qu’une majorité l’aurait décidé ? Ou qu’elle accepterait de renoncer à l’arme nucléaire parce qu’une majorité d’Etats membres y est favorable ? «Si on veut forcer les choses avec la méthode communautaire, cela va échouer», prévient le pourtant très fédéraliste Jean-Dominique Giuliani, le patron de la Fondation Robert-Schuman. Pour lui, «ce que l’on fait aujourd’hui est déjà de la politique étrangère européenne : un ou plusieurs pays agissent de leur côté et généralement l’Union s’en satisfait puisque cela évite de s’attirer les foudres d’Etats tiers plus puissants. Ainsi, l’accord nucléaire iranien a été obtenu grâce à l’Allemagne et la France. De même, l’Allemagne est la plus à même pour parler commerce avec la Chine. Ou encore, la France la plus crédible pour organiser des opérations militaires au Sahel, en Méditerranée orientale ou dans le golfe Persique. On progressera par l’exemple. A terme, on pourrait imaginer que l’Union charge expressément un pays ou un groupe de pays d’agir en son nom.» Bref, plutôt que de se désespérer de l’absence de l’Union en tant que telle à la moindre crise internationale, mieux vaut accepter le fait que la politique étrangère et de la défense resteront pour longtemps nationales.

 

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Thomas GOMART

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