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Russie : qui est Alexeï Navalny, l'opposant anti-corruption déterminé à défier Vladimir Poutine ?

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citée par Marthe Ronteix sur 

  Europe1.fr
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Malgré des démêlés avec la justice, Alexeï Navalny se présente désormais comme la figure de proue de l'opposition au Kremlin. Pourfendeur de la corruption des élites russes, orateur charismatique, l'avocat Alexeï Navalny s'est imposé comme le principal opposant à Vladimir Poutine. Déjà condamné à de la prison avec sursis en février dernier, il a été arrêté dimanche à Moscou lors d'une manifestation et condamné à 15 jours de détention pour refus d'obtempérer lors de son arrestation. Europe1.fr dresse le portrait de cet avocat qui s'est imposé sur la scène politique russe.

Contenu intervention médiatique

"Un vrai homme politique". Avec le succès de la manifestation qu'il a organisée dimanche et qui a rassemblé des dizaines de milliers de Russes, Alexeï Navalny a "franchi un nouveau palier", assure à Europe1.fr Tatiana Kastouéva-Jean, directrice du Centre Russie/NEI de l'IFRI (Institut français des Relations internationales). Car il a réussi à mobiliser  d'une part, des gens dans les villes de province et, d'autre part, beaucoup de jeunes gens (essentiellement des étudiants), une frange de la population traditionnellement considérée comme apolitique. Un succès qui n'est pas occulté par son arrestation avec plus d'un millier de personnes. 

 

ENTENDU SUR EUROPE 1

" Il a une 'normalité' familiale. Il a une femme qu'il a l'air d'aimer et deux enfants "
TATIANA KASTOUÉVA-JEAN

 

Un homme proche du peuple. Cet homme "normal" de 40 ans aux origines modestes a su moderniser son approche de la politique en s'appuyant notamment sur les réseaux sociaux et en donnant une image moderne de lui-même. "Il affiche une 'normalité' familiale par rapport à Vladimir Poutine dont la vie personnelle et familiale est entourée de secret. Il a une femme qu'il a l'air d'aimer et deux enfants. Il vit dans un arrondissement un peu éloigné du centre de Moscou et l'intérieur de son appartement [que le public a pu découvrir lors des perquisitions dont il a fait l'objet il y a quelques années, ndlr] n'a rien d'extraordinaire. Les gens se disent 'C'est un homme comme nous'", analyse la spécialiste de la Russie.

Son cheval de bataille : la lutte contre la corruption. Une position qui donne confiance aux Russes et rend crédible son combat. Avec son fonds de lutte contre la corruption, créé en 2012, il vise précisément à appuyer sur ce point faible de la Russie de Poutine, et du parti au pouvoir, Russie Unie, qu'il qualifie depuis 2011 de "parti des voleurs et des escrocs". 

Sur son blog "très suivi" d'après Tatiana Kastouéva-Jean, Alexei Navalny traque et décortique notamment les comptes et les biens immobiliers des fonctionnaires et responsables politiques, ainsi que les appels d'offres de l'administration. Il publie aussi des fac-similés de documents prouvant que tel ou tel responsable officiel possède villa ou intérêts non déclarés à l'étranger. En décembre 2015, il va même jusqu'à porter plainte contre le procureur général Iouri Tchaïka, puis contre Vladimir Poutine dans une affaire d'enrichissement personnel.

Habitué des tribunaux. Bien qu'il conteste les décisions judiciaires rendues contre lui, Alexeï Navalny a eu, lui aussi, affaire à la justice. Fin 2014, Alexeï Navalny a été condamné à trois ans et demi de prison avec sursis. Son frère Oleg a été condamné à la même peine, mais ferme, dans une affaire de détournement de près de 400.000 euros au détriment d'une filiale russe de la société française Yves Rocher. En février, Alexeï est condamné à cinq ans de prison avec sursis pour détournement de fonds dans une affaire déjà jugée en 2013. "Il n'a pas l'air d'avoir peur pour lui ou pour sa famille", remarque la spécialiste. Rien ne semble ébranler sa détermination à s'opposer à Vladimir Poutine.

Des prises de position qui lui ont permis d'avancer sur la scène politique. Les élections législatives de décembre 2011, remportées par le parti de Poutine, ont déclenché une contestation sans précédent. Grâce à son charisme et à la virulence de ses prises de parole contre le Kremlin, Alexeï Navalny a gagné en notoriété en prenant la tête du mouvement. En septembre 2013, il obtient son premier succès électoral à l'élection municipale de Moscou. Il crée la surprise en arrivant en deuxième position avec 27,2%, juste derrière le maire sortant, l'ex-chef de cabinet de Vladimir Poutine Sergueï Sobianine, un score qui le conforte en figure de proue de l'opposition. Lui pensait même avoir obtenu 35,6% des voix.

Un succès dans les urnes qu'il n'a pas pu renouveler aux législatives de 2016. Son parti, le Parti du Progrès, interdit en 2015 et intégré à un autre parti de l'opposition, Parnas, n'a pu présenter que deux candidats et aucun n'a été élu. Mais l'avocat est malgré tout déterminé à affronter le maître du Kremlin dans les urnes lors de la prochaine élection présidentielle, en mars 2018.

 

ENTENDU SUR EUROPE 1
" Pour gagner des élections en Russie, il faut une fibre patriotique "
TATIANA KASTOUÉVA-JEAN

 

Une perspective qui inquiète le Kremlin. Tatiana Kastouéva-Jean n'imagine pas de sanction dure (comme de la prison ferme) vis-à-vis d'Alexeï Navalny quant à cette nouvelle arrestation. "Le Kremlin va sans doute opter pour une répression ponctuelle et limitée. Il va y avoir encore une affaire judiciaire et il va rencontrer des difficultés pour faire campagne en région. Il va sans doute avoir aussi du mal à mener à bien sa campagne de crowdfunding", par exemple. Car maintenant que l'opposant est une figure importante de la scène politique, le Kremlin doit tenter d'empêcher toute mobilisation autour de sa condamnation qui doit rester pondérée. Sinon "ils risquent d'en faire un martyr", prévoit Tatiana Kastouéva-Jean.

Deux réponses sont probables à cette vague de protestation de la part du Kremlin pour les élections présidentielles de 2018 : renforcer des répressions ciblées ou faire émerger de nouvelles têtes dans le camp de Vladimir Poutine pour canaliser le mécontentement et affronter cet opposant devenu "le plus connu et le plus populaire". Le scénario libéral qui laissera Alexeï Navalny participer aux élections est peu probable, "le risque est très grand pour l'élection." Alexeï Navalny a su prendre l'espace politique vide, "nettoyé" par Vladimir Poutine omniprésent et déserté par l'opposition parlementaire pour fédérer les critiques du régime, analyse la spécialiste. 

Des thèses (très) nationalistes, puis patriotiques. Cette image de modernité ne résume toutefois pas le personnage. En 2007, Alexeï Navalny a été exclu du parti d'opposition libéral Iabloko pour ses prises de position nationalistes. Par la suite, il a souvent participé à des rassemblements aux relents nationalistes, tels que la Marche russe. Il a néanmoins pris ses distances avec ce milieu ces dernières années et progressivement gommé les tonalités nationalistes de ses discours.

Alexeï Navalny soutient néanmoins des positions patriotiques. Il a, par exemple, déclaré que l'annexion de la Crimée par la Russie en mars 2014 était illégale mais qu'il n'envisageait pas de la rendre à l'Ukraine. Il estime, également, que "le problème de l'immigration illégale en Russie était cent fois plus important que l'Ukraine". L'opposant est aussi le fondateur du mouvement Narod ("le peuple") qui a des liens avec le Mouvement contre l'immigration illégale. Malgré son ouverture envers l'occident, il reste convaincu que la question de l'identité nationale de la Russie est primordiale. "Pour gagner des élections en Russie, il faut une fibre patriotique", conclut Tatiana Kastouéva-Jean.

 

Voir l'article sur le site de Europe 1

 

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Tatiana KASTOUÉVA-JEAN

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Directrice du Centre Russie/Eurasie de l'Ifri

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